Alain Bianchin

Le chef est de ceux dont on dit qu’ils mènent bien leur barque. Petite maison, petite équipe, mais des ambitions marquées. Sept mois après avoir ouvert À l’entrée de Bruxelles, il décrochait il y a un an une première étoile pour son restaurant éponyme.

Production Malika Hamza Texte René Sépul Photos Alexandre Bibaut |
Vous avez reçu l’étoile fin 2015...

Oui. Avec mon équipe, j’avais auparavant aidé La Villa Lorraine à récupérer une première étoile. Quelques années plus tôt, j’avais également connu les joies d’une, puis de deux étoiles, comme second de Pascal Devalkeneer au Chalet de la Forêt. Décrocher l’étoile ne fut donc pas une surprise car on dit aussi qu’une étoile accompagne un chef. Mais franchement, ce fut un beau moment.

La clientèle a-t-elle changé depuis ?

Énormément, même si je n’avais pas encore de clientèle établie. Du jour au lendemain, je n’ai plus dû communiquer pour expliquer où se trouvait Jezus-Eik. Dès janvier, le restaurant était complet, midi et soir. On a doublé le chiffre d’affaires. L’étoile a amené beaucoup de néerlandophones. J’ai d’ailleurs dû revoir l’équipe, engager du personnel bilingue, revoir la décoration intérieure…

Vous n’avez pas eu peur de devoir refaire un restaurant gastronomique, un style dont vous vouliez vous écarter ?

C’est une référence difficile à écarter. Les clients m’ont connu à La Villa et au Chalet. Beaucoup s’attendent à un standing similaire que je ne peux offrir ici, même si on a fait quelques efforts. Je n’ai pas les moyens de batailler sur le front du très haut de gamme au niveau du cadre. Je sens parfois de petites frustrations sur la salle. Pas de reproche quant à la cuisine, mais sur le dressage, l’accueil, le service… Je ne peux simplement pas me permettre le luxe d’une grande maison. C’est un choix ! 

La cuisine a-t-elle changé ?

La clientèle d’étoilé donne davantage de moyens. J’ai pu faire revenir mon ancien bras droit de La Villa, qui était parti à Londres. La gestion de la cuisine est plus pointue, mais le fond reste ce qu’il était : du classique revisité. L’habitué me dit : Chez toi, on sait, on voit ce que l’on mange ! C’est clair. Une cuisine de produits, comme le caviar et la truffe blanche, mais je ne veux pas trop aller sur ce segment, car mes prix doivent rester accessibles et ma cuisine doit intégrer l’économie d’un restaurant gastronomique fonctionnant sur une petite équipe. À part ça, je suis entré dans le groupe des North Sea Chefs, un projet initié par Filip Claeys du restaurant De Jonkman, à Bruges. Depuis 2008, il ne travaille qu’avec des poissons de la mer du Nord, refuse le poisson d’élevage et ne prend que des poissons non menacés. C’est intéressant d’une part au niveau des prix, et d’autre part, cela vous oblige à travailler différemment.

À quel point de vue ?

On doit être plus créatif, trouver des solutions. Je travaille le crabe : je cuis la pince à basse température, puis je récupère les chairs que je réassemble dans une fine gelée végétale. Je l’accompagne d’un consommé au gingembre et d’une émulsion montée au jus de yuzu et à la laitue de mer. C’est beaucoup de boulot. J’ai une pêche du jour de petit bateau. Aujourd’hui, c’est de la cardine, un poisson que je ne connaissais pas. Mais je découvre des poissons comme le tacaud, le merlan, la baudroie, le grondin, la plie. La démarche est aussi morale. C’est un des autres avantages de l’étoile, le client vous fait plus facilement confiance si vous présentez ces poissons.

Vous ne regrettez pas l’ambiance des grandes brigades ?

Oui et non… Je vis une autre histoire. Je ne regrette pas mon choix, mais je ne regrette pas non plus ce que j’ai fait auparavant. Au niveau de la créativité, je ne pouvais pas m’exprimer complètement. J’avais beaucoup de liberté à La Villa, mais ce n’était pas à 100 %. Cette liberté que je voulais, je l’ai, mais elle vient avec pas mal de contraintes. Je le savais, mais ce n’est pas évident à assumer. Trouver le personnel, le motiver, rencontrer le client, se justifier, se défendre, régler l’administratif, gérer l’économie de la maison. Désormais je suis tout le temps en première ligne. J’apprends toujours, mais je pense avoir acquis une nouvelle maturité.  

Restaurant Alain Bianchin, 663 Brusselsesteenweg, 3090 Jezus-Eik, T. 02 657 67 88, www.alainbianchin.be
Ouvert du mardi au samedi, midi et soir, et le samedi soir. Menu lunch 3 services à 39 €. Menu 4 services à 70 €.

Ravioles de céleri-rave fumé au foin, bœuf holstein maturé

Pour 4 personnes - Préparation : 30 min - Cuisson : 4 h - Difficulté : II

• 1 céleri-rave • 1 grosse poignée de foin • 1 branche de laurier • 1 branche de thym • sel de mer • beurre • sel de céleri • noix de la Saint-Jean cuites au sirop (noix cueillies encore vertes le 21 juin) • 1 c. à s. de graines de moutarde • 5 cl de verjus • 1,5 cl de vinaigre de pomme au miel • 20 cl d’huile de noix • 20 g de sirop de noix de la Saint-Jean • sel • poivre • 100 g de bœuf holstein maturé et fumé (ou de bresaola) en tranches

•  Brossez, lavez et séchez le céleri. Lavez le foin et séchez-le. Fumez le céleri dans une grande masse de foin (voir encadré). Une fois fumé, placez-le dans une cocotte en fonte avec du foin, le laurier, le thym et 30 g de sel de mer. Cuisez 4 h à 85 ºC (8 h si c’est un gros céleri). Laissez refroidir. Pelez-le et coupez 8 tranches de 1,4 mm à la mandoline.
•  Mixez la parure restante du céleri avec 50 g de beurre pour 400 g de céleri. Ajoutez un peu de sel de céleri. Mixez fortement jusqu’à consistance lisse.
•  Coupez les noix cuites au sirop en brunoise. Ajoutez les graines de moutarde, le verjus, le vinaigre de pomme, l’huile de noix, le sirop de noix, du sel et du poivre. Mélangez.
•  Posez sur le plan de travail une tranche de céleri, une tranche de bœuf par-dessus et terminez par de la mousseline de céleri. Refermez la raviole, découpez les bords à l’emporte-pièce pour obtenir une belle demi-lune. Servez avec de très fines tranches de pain au levain grillé et de la salade.

Fumer le céleri
Couvrez le fond d’une grande cocotte très chaude avec du foin, puis déposez-y le céleri lavé sur une assiette. Couvrez de foin, fermez la cocotte et placez-la 15 min sur feu doux ou au four.

Dos de maigre poilé, artichauts, seiche, jus de basilic à l’huile et au citron confit

Pour 4 personnes - Préparation : 30 min - Cuisson : 15 min - Difficulté : II

• 4 artichauts poivrades • huile d’olive • 10 cl de vin blanc • 10 cl de bouillon de légumes • 20 g de pâte de citron confit • sel • poivre noir • 100 g de seiche • 1/2 citron • petites feuilles de basilic pourpre • petites feuilles de basilic grec • 4 x 120 g de maigre ou de filet de bar avec peau • 100 g d’épinards • 100 g de persil

•  Tournez les artichauts jusqu’aux feuilles tendres, coupez les extrémités. Colorez à l’huile d’olive. Déglacez avec du vin blanc, ajoutez le bouillon de légumes, les feuilles d’artichaut retirées. Laissez mijoter 8 min et faites refroidir dans le liquide de cuisson. Découpez en deux et enlevez le foin. Récupérez le jus de cuisson et ajoutez un peu d’huile, de la pâte de citron, du sel et du poivre. Émulsionnez.
•  Nettoyez la seiche et récupérez l’encre. Émincez finement sur la longueur pour en faire de fines tagliatelles. Assaisonnez de sel, de poivre, de jus de citron et ajoutez du basilic émincé finement. Enroulez ces tagliatelles autour d’une fourchette.
•  Demandez à votre poissonnier de vous découper 4 beaux tronçons dans le dos de maigre. Assaisonnez la chair et saisissez à l’huile d’olive côté peau dans une poêle non adhésive pendant 1 min. Placez dans un plat à four et enfournez 4 min à 80 ºC.
•  Lavez plusieurs fois les épinards et le persil. Plongez-les pendant quelques min dans 2 l d’eau portée à ébullition. Égouttez et stoppez la cuisson dans de l’eau glacée. Mixez fortement avec un peu d’eau de cuisson.
•  Déposez un peu de ce coulis au centre de l’assiette et tapez avec le dos d’une cuillère pour obtenir des éclaboussures. Dressez sur un côté le dos de maigre poilé, et de l’autre, le demi-artichaut, les tagliatelles de seiche. Terminez avec des pluches de basilic pourpre et de basilic grec, un peu de pâte de citron confit et l’émulsion d’artichaut et de citron confit.

Fontainebleau au fromage blanc, marmelade de mirabelles à la triple Caulier

Pour 4 personnes - Préparation : 1 min - Cuisson : 25 min - Macération : une nuit - Difficulté : I

• 85 cl de lait • 17 cl de crème liquide • 200 g de miel de châtaignier • 20 g de verveine citronnée • 145 g de poudre de lait • 1 kg de mirabelles • 200 g de sucre en poudre • 1 c. à c. de fleur de sel • 1 bière triple Caulier • 250 g de fromage blanc à 3 % • 75 g de sucre impalpable • 250 g de crème fraîche • 75 g de blancs d’œufs • 1 branche de thym citron • 100 g de pain d’épices

•  Portez le lait et la crème à ébullition. Ajoutez le miel, la verveine, le thym et la poudre de lait.
•  Laissez refroidir et macérer 24 h. Versez en turbine.
•  La veille, lavez et séchez les mirabelles. Retirez les noyaux. Versez-les dans un plat creux, ajoutez le sucre, la fleur de sel, mélangez et réservez au frigo. Le lendemain, portez à ébullition, écumez, ajoutez la bière et laissez cuire à feu très doux pendant 25 min. Laissez refroidir.
•  Mélangez le fromage blanc avec 25 g de sucre impalpable.
•  Montez la crème fraîche aux 3/4. Montez les blancs en neige et serrez-les avec le reste du sucre impalpable. Ajouter les blancs au fromage en plusieurs fois. Incorporez la crème montée à ce mélange. Mettez en poche à douille et remplissez des pots à faisselle préalablement tapissés de bande de gaze 3 cm au-dessus de la hauteur du pot. Repliez les 4 coins de la bande de gaze et refermez. Placez les pots sur une plaque trouée elle-même posée en élévation sur une plaque afin que les liquides puissent s’écouler. Réservez au frais.
•  Disposez la marmelade dans le fond de l’assiette, ensuite le fontainebleau, une pluche de thym citron et de la verveine. Terminez avec une quenelle de glace et des tranches de pain d’épices grillées.

Réussir le Fontainebleau
Originaire de la ville éponyme en France, le fontainebleau est un dessert qui doit être égoutté et parfaitement aérien.