Anarchy Restaurant, l'enseigne gourmande et presque débridée

Installée à Zaventem, cette jeune enseigne mérite qu'on la suive : elle envoie du précis, mais avec une démarche généreuse, gourmande et presque débridée.

TEXTE ET PHOTOS CARLO DE PASCALE ET FLORENCE HAINAUT. |

On avait entendu murmurer autour de ce restaurant, bizarrement nommé Anarchy, ouvert par deux anciens du Bozar (il faudra qu’on vous parle un jour de notre amour presqu’inconditionnel pour Bozar Restaurant): Céline Woltèche et Sebastien Van der Beeten, respectivement en salle et au piano. Un jeune couple avec quelques belles années d’expérience qui a décidé, avec le courage qu’il faut dans ce métier ingrat, de se lancer dans la grande aventure de son propre restaurant à soi.

Anarchy ? Parce qu’il n’y a “pas de règles, juste le plaisir”, dit le site Web, et on va vous le dire tout de suite, on a senti plutôt beaucoup de rigueur dans cette jeune maison, et ça n’a pas été pour nous déplaire. Bon, on se débarrasse tout de suite des aspects les moins excitants de la maison. Une rue plus qu’anonyme de Zaventem, un lieu dont on comprend qu’il a été repris plus ou moins tel quel, sans rien de vraiment marquant au niveau de la déco, avec une bizarre fresque qui évoque les Spice Girls au mur…

Bref, on sent ici que les moyens économiques sont limités, qu’on a fait au mieux et que l’énergie, c’est en cuisine qu’on va la lâcher. Il fait chaud en ce mercredi midi, nous nous attablons dans la petite cour-terrasse, à l’ombre d’un parasol bienvenu.

La carte

La carte est courte et des croquettes à la joue de boeuf nous feraient presque de l’oeil. Pareil pour le vol-au-vent de ris de veau (entrées tarifées autour des 20 €, les plats flirtant avec les 30) si le climat était un peu moins balinais. Du coup, on opte tous les trois – notre néocritique préadolescente préférée qui rêve de nous voler notre job étant une fois de plus de la partie – pour le menu “canaille” (35 €, trois services), qui n’est pas si canaille que ça (saumon mariné, magret, fraises Wépion). Mais au diable les éléments de langage peu clairs (“anarchy”, “canaille”…), concentrons-nous sur l’assiette, on est là pour ça. En plus, le midi, on a vraiment (très) faim !

En mise en bouche, un velouté d’asperges (tirant plutôt sur la vichyssoise à mon sens), nickel relevé assaisonné, suivi d’une rillette de cochon à la moutarde dont on tartine joyeusement de belles tranches de pain au levain… Ça c’est canaille; là, nous sommes d’accord sur le vocabulaire ! Puis le saumon, mariné, fondant, flanqué de graines de moutarde (le chef aime les graines de moutarde et nous aussi) d’asperges blanches croquantes et d’une jolie sauce orange-yuzu (le yuzu est à Zaventem, c’est – presque – l’anarchie !).

Entrée légère et délicate, ça tombe juste, on a déjà de la rillette dans l’estomac, on est bien.Le magret de canard est annoncé comme “belge”, tant mieux pourla localité, mais il est surtout cuit comme il faut, et escorté de vrais accompagnements bien travaillés. Des spaghettis de carotte avec du vraigoût, des croquettes de polenta, et un jus de canard qui canarde sa race. Le menu se termine par un dessert à la fraise vraiment bien réalisé. Un biscuit moelleux aux amandes, tartiné de compote de rhubarbe – avecune pointe d’acidité disent, satisfaits de leur savoir, les professionnels dela profession – quelques meringues tout autour, une quenelle de crème dans laquelle je ferais bien du crawl et une “saucinette” à la fraise. Aucunmaniérisme, que du bon ! Dans les verres, Florence a “afonné” deux bières “saison”, moi un crodino(apéro sans alcool) et de l’eau ; la carte des vins est classique et gagnerait à s’anarchiser un brin, selon notre jurisprudence naturophile assumée.

Le verdict

Alors, on y va, on y retourne ? Oui, mais il faut avoir à l’esprit qu’il s’agit d’une jeune enseigne, que des fées pleines de liasses de billets ne se sont pas penchées sur le berceau – du coup la déco n’est pas l’atout majeur de la maison. Mais on a affaire ici à un chef et une hôtesse qui connaissent le métier sur le bout des doigts, qui envoient du précis et qui méritent largement qu’on les suive dans leur démarche, certes pas vraiment anarchique (tant mieux !), mais généreuse, gourmande et presque débridée.

Anarchy Restaurant, 151 Steenokkerzeelstraat, 1930 Zaventem. Fermé le lundi et mardi, et le samedi midi. T. 02 721 00 81. www.anarchy.restaurant