Boucheron, la maison tsar

Affinité oblige, la nouvelle collection de Haute Joaillerie de Boucheron est un hommage au Grand Nord. L’occasion de passer de l’autre côté du miroir et de retracer l’histoire de la maison et de ses plus belles créations.

PAR INGRID OTTO. PHOTOS I.OTTO, DR. |

Quand, en 1893, Frédéric Boucheron s’installe au no26 de la place Vendôme, à Paris, dans la résidence de la Comtesse de Castiglione – l’hôtel particulier de Nocé –, il est le premier joaillier de la place. Venu tout droit du Palais Royal, où il avait ouvert sa première boutique et son atelier en 1858, Boucheron décide d’entreprendre des travaux qui vont transfigurer la façade du bâtiment, afin de procurer une visibilité optimale aux produits offerts au regard du chaland.

Il crée donc, de haut en bas, de grandes ouvertures ornées de marbre vert, une configuration unique sur la place, les autres bâtiments étant dotés de soubassements à toutes les fenêtres. Sa réputation ne cesse alors de croître, dépassant rapidement les frontières de l’Hexagone. Dans la foulée, en 1897, il ouvre une boutique à Moscou. Ce qui à nouveau lui confère un statut de pionnier, puisqu’il devient le premier joaillier français à s’installer dans la capitale russe. 

Sa réputation, Frédéric Boucheron la doit aussi à son indéfectible participation aux Expositions universelles, desquelles il ressort le plus souvent avec une Médaille d’or ou un Grand Prix. Ces multiples distinctions se retrouvent aujourd’hui encadrées et exposées dans les couloirs de l’hôtel de Nocé. Hôtel qui, outre la boutique et l’atelier de fabrication des joyaux, abrite aussi les fameuses archives de Boucheron, registres, dessins et photos retraçant l’histoire de la joaillerie, ainsi qu’une impressionnante bibliothèque remplie de livres contenant un petit tiers de ce que Frédéric Boucheron a produit de colliers, diadèmes, objets d’art et d’orfèvrerie, mais aussi des ouvrages d’architecture, botaniques, expos, art... Tout était bon pour nourrir l’imaginaire des artisans de la Maison, alimenter leur documentation, parfaire leurs créations. De la même manière, l’Expo universelle était un moyen de découvrir ce qui se passait dans le reste du monde. 

Fragiles diadèmes

Au 26 de la place Vendôme se nichent également 650 pièces d’une collection enrichie depuis trois ans de quatre pépites, des diadèmes datant de 1890, 1894, 1904 et 1907. Les diadèmes étaient une parure classique à l’époque, explique Claudine Sablier, l’attachée au service Patrimoine de Boucheron, qui a retrouvé ces trésors au terme de recherches s’apparentant à une véritable enquête policière. 

On a pu les dénicher lors d’une vente aux enchères ou une foire, un marchand qui nous contacte, un client qui vient au magasin... Le diadème de 1894 est une pièce transformable, c’était une tradition au XIXe siècle. On devait pouvoir porter les bijoux à différentes occasions, un jour en diadème, un autre en collier ou bracelet, un autre encore en ornement pour la robe de bal. 

Hiver impérial

Hommage à la Russie liée à la Maison, Hiver impérial est le nom donné à la nouvelle collection de haute joaillerie. Elle existe d’abord sous forme de gouaches. Contrairement à d’autres années où nous travaillions davantage sur base de dessins d’archives, en modernisant les créations, nous sommes ici plutôt dans le sensoriel, on imagine les pieds qui marchent dans la neige, le lac Baïkal et ses eaux gelées, les forêts de bouleaux explique Claire Choisne, la directrice des créations de Boucheron. Cette collection est déclinée en trois chapitres, chacun faisant écho à un thème important pour la Maison. Le premier, lié à la nature, a pour nom Lumière de nuit. 

C’est un travail autour des grands espaces glacés, inspiré par la nature hivernale, flore et faune. Mais même si le thème est Lumière de nuit, on n’est pas du tout dans le sombre.
La pièce maîtresse de ce chapitre ? Un somptueux collier, Flocon impérial inspiré des premiers clichés photographiques de cristaux de glace. Leur détail, leur géométrie, leur grâce... C’est absolument magnifique. Alors, contrairement aux autres joailliers qui travaillent toujours le flocon dans des petites échelles, on a préféré zoomer dessus, seul moyen d’en apprécier les détails. Le résultat : un collier qui reprend les six branches du flocon, travaillé en cristal de roche et diamants, avec un effet 3D conférant au bijou une illusion de profondeur. 

La deuxième pièce de Lumière de nuit est une broche représentant une feuille givrée, comme figée, saisie par le gel. Par rapport à une vraie feuille, elle est à l’échelle. On a essayé de garder le même volume en travaillant uniquement le côté dentelle des nervures. Elle est à la fois traitée de façon classique avec un perlé millegrain sur les lignes, de minuscules boulettes d’or blanc qui lui confèrent un côté ancien et, à l’opposé, sur tout le contour de la feuille, comme des petits sertis clos mais à facettes, donc qui miroitent, donc plus modernes. 

Nouveau concept

En 2018, Boucheron soufflera ses 160 bougies. Un anniversaire qui sera ponctué par toute une série d’événements, comme l’explique Hélène Poulit-Duquesne, PDG de Boucheron depuis septembre 2015. En plus de la rénovation de fond en comble de l’hôtel de Nocé, de nombreuses surprises sont prévues dans différentes parties du monde, pas seulement à Paris mais aussi à Shanghai, Moscou et Tokyo, notamment. La marque, rachetée par le groupe de luxe Kering, travaille aussi sur une nouvelle campagne de pub et confie être en train de développer un nouveau concept de boutique.