Cinq questions au designer britannique Nigel Peake

Nigel Peake passe sa vie un crayon à la main. Sous ses doigts, le monde se métamorphose en une savante marqueterie de motifs, dont la poésie a séduit les plus grandes marques et organes de presse.

Par Cécile Bouchat. Photos D.R. sauf mentions contraires. |

Il a grandi dans les vertes contrées de l’Irlande du Nord, au milieu de nulle part comme il aime à le préciser avec tendresse. À 37 ans, Nigel Peake vit aujourd’hui entre sa campagne natale et Paris, donne des conférences à Aarhus ou à Anvers et expose de San Francisco à Tokyo. Dans ses dessins majoritairement exécutés à l’encre et à l’aquarelle, cet architecte de formation appréhende avec le même intérêt machines agricoles, ramages d’oiseaux, vues aériennes de champs, structures de ponts ou agglomérats de gratte-ciel. Ce promeneur invétéré, à la fois rat des villes et rat des champs, scrute son environnement avec acuité et les éléments qu’il observe prennent dans ses carnets la forme d’assemblages de motifs, tels des puzzles.

Graphiques, allant parfois jusqu’à l’abstraction, ils conservent toujours sur le papier la sensibilité du geste, comme on perçoit l’humain derrière le souffle de l’archet sur les cordes ou l’empreinte de la gouge dans le bois. Filtrée par le prisme d’un imaginaire très personnel, la réalité se réinvente sous la pointe des marqueurs et pinceaux de Nigel Peake en un langage visuel unique, rythmé, vibrant, poétique, à la fois simple et très complexe.

En treize années de carrière, Nigel a imprimé sa patte sur des pochettes de disques, travaillé pour des grands quotidiens, créé des motifs pour skateboards et T-shirts, édité (et autoédité) un grand nombre d’affiches et pas moins d’une quarantaine de livres-carnets. En 2009, Hermès le contacte et lui commande les illustrations d’un dossier de presse et d’invitations. Depuis, la célèbre Maison française ne l’a plus lâché : papiers peints, carrés de soie, supports de communication divers, vitrines… Nigel Peake a intégré l’écurie créative et fait aujourd’hui définitivement partie de la famille. La collaboration se poursuit ce printemps avec la création des motifs d’un service de table en porcelaine, présenté en avant-première à Milan cette semaine.

1.

D’où vient votre passion pour le dessin ?

Ça a toujours été une façon plus facile pour moi de communiquer. Quand je ne trouve pas un mot, je le dessine. C’est aussi une quête : regarder, observer pour trouver la beauté. Dans un environnement donné, je ne vois jamais deux fois la même chose !

2.

Vous vous définissez plus comme un dessinateur que comme un illustrateur…

Le mot me semble plus approprié. La réalité, c’est que je dessine ! Cela suggère aussi l’humilité de mon travail, réalisé en grande partie lors de mes promenades.

3.

Quel est votre outil de travail favori ?

Pour le moment, les marqueurs Pentel et les crayons de couleurs Caran d’Ache. J’achète beaucoup de choses. J’adore chercher et découvrir, notamment chez Sennelier (célèbre boutique de matériel de dessin parisienne, ndlr). Mais parfois, j’aime aussi me restreindre : dans un dessin, l’économie de moyens et la contrainte  des outils peuvent donner de très beaux résultats.

4.

Comment avez-vous collaboré avec Hermès ?

Pour l’anecdote, le jour où ils m’ont contacté pour la première fois, j’ai raté l’appel car j’étais en train de tailler la haie du jardin des voisins… Ils m’ont demandé de travailler sur un dossier de presse et  j’ai collaboré depuis lors avec eux sur des projets très variés. C’est à chaque fois une expérience différente, à cause du support utilisé, du lieu, de l’échelle… J’en suis très heureux car nous partageons une vision similaire, un grand intérêt pour l’artisanat et la narration.

5.

Vous venez de présenter un tout nouveau service en porcelaine, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce projet ?

Il se nomme A Walk in the Garden. Comme son nom l’évoque, je me suis inspiré pour les motifs de la vie des jardins, lieux par excellence où poussent les formes et les couleurs. Ce projet est le fruit d’une étroite collaboration avec le Directeur de création Objets et La Table Hermès, Benoît-Pierre Emery. Cela a été une expérience très enrichissante pour  moi de découvrir le processus de fabrication dans l’atelier et à quel point il est humanisé, les techniques du travail de la porcelaine, comment se transforment les couleurs à la cuisson…

www.nigelpeake.com 

Nigel Peake pour Hermès en 7 images