Dans les pas d’une belle Italienne

Si l’Italie est une botte, la chaussure est son emblème. Pour comprendre l’engouement qu’elle suscite, ouvrons les portes d’une entreprise familiale qui perpétue depuis plus de 60 ans la renommée du soulier. Bienvenue dans les ateliers Fratelli Rossetti.

Parabiago. Petite ville tranquille à quelques kilomètres de Milan, connue et reconnue pour ses manufactures de cuir. Ici, au bout d’un chemin, après avoir franchi les grilles de fer forgé, on découvre un immeuble fait de blocs de béton seventies cernés de gazon et d’arbres, dégarnis en ces mois d’hiver : l’empire Rossetti. Une entreprise familiale exemplaire. Créée en 1953 par Renzo Rossetti — soutenu financièrement par son frère — elle est aujourd’hui gérée par ses trois fils, Diego, Dario et Luca. Familiale, elle l’est aussi par l’esprit qui y règne, la passion des employés et le respect des patrons. Une façon d’être intègre et efficace, qui mêle en belle intelligence l’ancien et le nouveau, le savoir-faire et la technologie.

Ce qui est aujourd’hui un des fleurons du chaussant de luxe italien était, à son origine, production et commerce de chaussures de sport. Au sortir de la guerre, Yankee – le nom d’époque de l’entreprise — fournissait, entre autres, cyclistes et patineurs ; le faible coût de production de ces chaussures s’adaptant parfaitement au contexte économique d’alors. Mais, très vite, Renzo Rossetti, décida de se diversifier et d’offrir aux hommes – et aux femmes ! — autre chose que l’habituel mocassin noir ou brun. Couleurs, modèles, ce chef d’entreprise visionnaire propose alors de la diversité dans un monde encore peu habitué à la fantaisie. Avec succès.

L’ADN de la marque validé par… une pointure 37 !

Ce succès, c’est la pérennité de l’entreprise et de son ADN sélectif. Et ce, pour plusieurs raisons. D’abord, une centralisation de toutes ses activités ; Parabiago, c’est la conception et la vente, la stylisation et l’assemblage. Un seul lieu, histoire d’avoir la main mise sur l’ensemble de la production. À  notre arrivée, l’accueil et les bureaux de direction et d’administration franchis, on file directement au premier étage, assister à la genèse du produit au bureau de style, là où, saison après saison, s’imaginent les modèles. C’est l’empire de Dario Rossetti, l’esthète artiste du triumvirat. Qui nous explique que pour un modèle produit, plusieurs prototypes sont réalisés. Prototypes rêvés, imaginés sur papier, construits en maquette plastique, puis en cuir. Testés enfin par un membre de l’équipe… qui doit impérativement chausser du 37, pointure dans laquelle sont élaborés ces prototypes, afin de déterminer le meilleur, le plus confortable, le plus seyant. Souvent, les différents prototypes d’un seul modèle, ne se distinguent entre eux que par quelques millimètres et infimes détails. Mais le modèle choisi au final sera garant de l’ADN Fratelli Rossetti, celui qui sera le plus conforme avec l’esthétique et le confort historique de la marque. Ce travail du bureau de style est patient et minutieux. D’un brainstorming technique et esthétique naissent les maquettes numériques, la modélisation des futures chaussures sur ordinateur.

Plus de 100 étapes pour une chaussure

Autre caractéristique de l’entreprise Fratelli Rossetti : l’alliance parfaite entre l’ancien et le nouveau, le matériel high-tech côtoyant les techniques ancestrales de travail du cuir. Une fois élaboré, un patron en pièces détachées est envoyé aux imposantes machines du rez-de-chaussée, connexion moderne à l’étape de découpe du cuir. Dans cet atelier envahi par les odeurs de cuir et par le bruit des machines, le patron est directement projeté sur les peaux, étendues sur des établis. Les formes des pièces ainsi projetées seront positionnées de façon à éviter les endroits abîmés du cuir. À cette tâche, un ouvrier habile, à l’œil exercé, dessine les formes sur la peau. Une fois les endroits de découpe sélectionnés, le cuir passe à un ouvrier qui découpera les futurs pans de la chaussure.

Une technique de teinture ancestrale

Après la découpe, vient l’assemblage. Celui-ci est majoritairement l’œuvre des femmes… Un héritage historique ! Collées dans un premier temps, puis cousues, les pièces se montent en trois dimensions, révélant la tige, partie supérieure de la chaussure. Un travail de précision, suivi de la mise en forme, assouplissage à la vapeur et enfilage sur des formes rigides, afin que la pièce corresponde le plus parfaitement possible aux contours prédéfinis. Cette partie, ainsi que le deuxième passage à la chaleur, “ repassage ” de la tige, est quant à lui l’œuvre des hommes de l’atelier. Enfin, on coud la semelle, puis on ajoute le talon. Le luxe, chez Fratelli Rossetti, se niche dans le travail à la main mais aussi, dans les menus et nombreux détails de la chaîne : couture de la semelle, assemblage minutieux des différentes parties, confection des glands à la main... Une fois le modèle monté, il faut alors le teindre. Dans ses usines, Fratelli Rossetti utilise notamment la technique ancestrale du Toledo : teinture à la main, sous soufflerie. Les artisans qui s’y adonnent sont spécialisés dans cette technique, tamponnage de la teinture directement sur la tige. Une technique qui s’opère le plus souvent sur peau de jeune veau, et qui laisse le cuir brillant et nuancé. Une chaussure Fratelli Rossetti est sans conteste le résultat d’un long travail minutieux, manuel et artisanal.