De la diversité dans la mode, vraiment ?

Début septembre, à la Fashion Week de New York, Michael Kors créait l’événement en faisant défiler Ashley Graham, 28 ans, 3 millions de followers Instagram. Et une taille 48 ! De là à affirmer que la diversité est à l’honneur...

Par Isabelle Plumhans. Photos : Belga, Reporters, Catwalkpictures. |

On y était presque… À la Fashion Week de New York, entre mannequins grisonnants et top model au visage dépigmenté (Winnie Harlow, atteinte de vitiligo), on a vu défiler quelques rondes. Michael Kors, notamment, a su se faire remarquer : Ashley Graham, 28 ans, trois millions de followers Instagram, un visage d’ange et un tour de hanches plus que gourmand. Un vrai buzz !

Sauf que la rondeur, ce n’est pas une différence, mais une réalité pour la femme américaine moyenne, dont la taille se situe entre un  46 et un 48. Cette mode de la mode à aimer rond (mais attention, du beau rond, bien proportionné, taille marquée, traits ultrafins, il ne faudrait pas exagérer non plus), ne serait-ce pas plutôt une astuce, une pirouette hypocrite pour faire vendre ? En apparence. Parce que dans la vraie vie, si tu fais une taille 48, tu es priée de te diriger vers des magasins dédiés aux femmes de ta corpulence (coucou, les marques parisiennes qui s’arrêtent au 38 fillette étiqueté XL). Et puis Ashley Graham défilait, certes, mais jouait surtout la petite note provocatrice au milieu d’autres mannequins “normaux”, c’est-à-dire filiformes.

Moins cher en 34

Il faut rester réaliste : les contraintes de terrain dans le monde de la confection demandent un physique à tout le moins uniformisé. Un vêtement prototype a un coût de production très élevé, et un fourreau en soie incrusté de rubis coûte moins cher en 34 qu’en 46, c’est évident. Ensuite, lors d’un défilé, on ne saurait s’embarrasser d’une silhouette qui ne puisse se glisser dans toutes les tenues, et cela, Monsieur Dior déjà s’en était aperçu dans les années 40. Un vêtement tombe bien sur une femme aux proportions de caryatide, certes. Et ce n’est pas pour rien si le mannequin vivant et le mannequin de couturier aux formes standardisées portent le même nom.

Tout cela serait-il juste une question d’époque ? Rubens, quand il peignait les bombes de son temps, ne leur photoshopait ni la cuisse, ni le ventre, ni même le capiton. Certains regrettent la bouffée d’oxygène des nineties et ses tops stars comme Naomi et Claudia : des femmes sans un atome de cellulite mais avec des seins, des hanches, de l’éclat. Car tout est devenu carrément culpabilisant depuis la brindille Moss et les mannequins anonymes, hordes de corps à peine pubères, sans sourire, sans graisse et sans personnalité. Parce qu’un mannequin sans forme, c’est un cintre, donc un habit sublimé, nous a-t-on expliqué pour nous apaiser.

De gauche à droite : Carla Bruni, Claudia Schiffer, Naomi Campbell, Cindy Crawford et Helena Christensen. Les supermodels des années 90 qui ont défilé pour Versace lors de la Fashion Week de Milan.

Charte commune

Mais les temps changent, doucement. Souvent accusée de prôner l’anorexie, la mode a enfin entendu que l’extrême maigreur de ses mannequins lui porte préjudice. Et la puissance des réseaux sociaux prend ici tout son sens. Dès lors, il y a quelques mois, les géants du luxe, dont le groupe Kering et LVMH ont adopté une charte commune interdisant d’employer des mannequins “trop maigres”. Un certificat médical datant de six mois maximum est ainsi demandé aux jeunes filles. En Espagne, les mannequins doivent présenter un indice de masse corporelle (IMC) supérieur à 18 pour pouvoir défiler. Rappelons que l’IMC d’une femme normale se situe entre 20 et 25. Malgré ces efforts, la responsable new-yorkaise d’une agence de mannequins Size + (entendez au-delà du 38) affirmait il y a peu en interview que nombre de maisons de luxe refusent encore catégoriquement de la recevoir. Aussi louables que soient certaines initiatives, la mode a encore des progrès à faire si elle veut s’aligner sur la vraie vie !