Elles sont mères et filles et partagent le même métier

Elles donnent des cours ou organisent des ateliers, tiennent une boutique, un salon de thé ou même une ligne de vêtements. Leur particularité ? Elles sont mères et filles. Leur force ? La qualité de leur relation. Pour le meilleur et, semble-t-il, jamais le pire. Oui, oui c’est possible !

Par Marie Honnay. Photos D.R. sauf mentions contraires. |

Travailler avec sa mère, un exercice a priori périlleux, voire dangereux. On imagine une mère intrusive, tentant d’imposer sa vision des choses ou une fille si jalouse de ses libertés qu’elle refuse tout conseil maternel, si bienveillant soit-il. Dans la pratique, c’est un peu différent. Peut-être parce que les femmes que nous avons rencontrées ont compris l’importance de tirer parti des talents de l’autre et de se laisser une marge de manœuvre suffisante pour s’épanouir sans se gêner.

Dans certains cas, la collaboration s’opère plutôt dans l’ombre. Dans d’autres, le contact est quotidien et les tâches parfaitement délimitées. À entendre ces duos parler du regard que les gens portent sur elles, il semblerait de toute façon que cette collaboration mères/fille attendrisse, fascine et coupe l’herbe sous le pied à ceux qui la taxeraient de trop fusionnelle, voire d’étouffante. Travailler avec maman, un bon plan ? Il semblerait que oui. La preuve par cinq.

Marie-Chantal, Astrid et Aude - Label Rue Blanche

Fondatrice du label de prêt-à-porter féminin Rue Blanche, Marie-Chantal Regout a passé officiellement la main à ses filles il y a deux ans. Dans l’ombre, elle continue toutefois à inspirer et à conseiller Astrid (responsable du développement commercial) et Aude, en charge de la communication. Un trio dont la complicité passe par l’échange et l’amour du voyage.

Plutôt que de pousser ses filles vers la mode, Marie-Chantal les a en effet toujours incitées à parcourir le monde, à prendre le plus souvent possible un bain de nature ou de culture. Les deux sœurs auraient d’ailleurs pu ne jamais reprendre les rênes de la société. Ça s’est décidé lors de vacances en famille explique Astrid. 

© Frédéric Raevens

Tout à coup, on a senti qu’on avait envie de poursuivre l’aventure entamée par notre mère. Aujourd’hui, elle continue à nous épauler. Son expérience, ses goûts et son regard complice nous aident à avancer. Après 28 ans à la tête de Rue Blanche, Marie-Chantal rêvait de toute façon secrètement de pouvoir passer un jour la main à ses filles : Ce sont deux battantes qui aiment les challenges. Je pense qu’inconsciemment, elles maîtrisaient les codes de la marque aussi bien que moi ou presque. Aude : Nous sommes conscientes de notre chance, mais nous prenons ça avec une certaine légèreté. L’une des valeurs les plus importantes que maman nous ait transmises, c’est l’humour. Dans notre famille, on travaille avec sérieux sans se prendre au sérieux.

www.rueblanche.com

Corinne et Violetta - Cantine Thé ou Café

Il y a cinq ans, Corinne, une Belge fan d’Italie et mariée à enfant des Abruzzes, reprend à Liège une petite cantine intime, chaleureuse et authentique. Un lieu réputé pour servir le meilleur café de la ville et fréquenté par des habitués. En 2015, succès oblige, sa fille Violetta propose de la rejoindre. Tantôt en salle, tantôt en cuisine, mère et fille collaborent en parfaite harmonie. Lorsque Violetta m’a proposé de m’aider en salle, puis progressivement en cuisine, j’ai d’abord hésité, explique Corinne. Je trouvais ce métier tellement fatigant… Mais Violetta ne regrette pas son choix, elle qui estime avoir beaucoup appris depuis son arrivée au restaurant : Ma mère m’a transmis ses recettes. Chaque jour, nous faisons en sorte que nos clients se sentent ici comme chez eux

Timide de nature, la jeune femme savoure aussi le fait de se sentir plus à l’aise qu’avant au contact des gens. Et puis la gastronomie italienne est de toute façon une histoire de famille. Corinne : Depuis tout petits, nos enfants nous suivent dans nos périples en Italie. Les plats que nous cuisinons sont les mêmes que ceux que nous leur préparions à la maison. Mais quand j’ai vu Violetta servir le café à la perfection, j’ai compris que nous pouvions faire de belles choses ensemble. Ce qui m’importe, c’est que ma fille soit heureuse dans ce qu’elle fait. Comme elle arrive tous matins avec le sourire aux lèvres et qu’elle s’investit à fond dans le projet, je commence à rêver qu’elle puisse un jour reprendre les rênes du restaurant.

Thé ou Café, 23 boulevard d’Avroy, 4000 Liège. 0493 49 00 45.

Martine et Hélène - Ateliers créatifs You Do

En octobre 2011, Martine, logopède de formation, et sa fille Hélène, diplômée en Histoire de l’Art, fondent You Do, un concept d’ateliers de loisirs créatifs accessibles à tous. Très complices mais pas fusionnelles, les deux femmes décident, dès le lancement du projet, de s’entourer d’une vingtaine de professeurs externes et d’entretenir, entre elles, une vraie philosophie gagnant-gagnant. On a mis un peu de temps à se décider explique aujourd’hui Martine, mais on a fini par écouter les nombreuses personnes de notre entourage qui nous incitaient à collaborer. Nous avons les mêmes idées, les mêmes goûts et cette même volonté de transmission. En plus, nos talents se complètent. Lorsqu’il s’agit de mettre des mots sur notre projet, c’est moi qui m’en charge. 

Hélène s’occupe de l’image. La seule chose que nous faisons toujours à deux, c’est la sélection de nouveaux professeurs. Lors de ces rencontres, quand je sens que le contact ne passe pas, savoir qu’Hélène pense la même chose est rassurant. Au quotidien, mères et filles se disent tout, sans tabou, ni rond-de-jambe. Hélène : Notre truc, c’est d’ouvrir un maximum de portes. Une décontraction qui trouve son origine un peu plus haut dans l’arbre généalogique. Martine : Ma propre mère était ultra-optimiste. J’ai hérité de ce trait de caractère. On m’a d’ailleurs parfois reproché d’être trop enthousiaste, mais je m’en moque. J’ai élevé ma fille dans ce sens. Aujourd’hui, cette qualité est notre moteur.

You Do, 63 rue de l’Étang, 1040 Bruxelles. www.youdo.be

Pierina et Marie - Studio de yoga bikram

Il y a 10 ans, Pierina et Jean-Charles, deux Parisiens en quête de nouveaux horizons, s’installent à Liège avec leur fille Marie, 17 ans. Férue de yoga bikram, Pierina décide d’ouvrir un studio centré sur cette discipline, en faisant appel à des professeurs externes. En 2013, nouveau tournant : mère et fille suivent une formation pour enseigner à leur tour le bikram et démarrent leur collaboration au studio. Depuis un an, Marie est impliquée à 100 % dans la gestion du centre. Et Pierina est ravie : Depuis toujours, notre trio est notre équilibre. On ne se quitte jamais. À trois, on se sent forts. Cette notion de force est également très perceptible dans notre relation mère/fille. Mais si nous sommes complices et complémentaires, je suis consciente que j’ai toujours été — et que je suis encore – très exigeante envers Marie. Au quotidien, je ne laisse rien passer. Je veux qu’elle donne le maximum dans tout ce qu’elle fait

Une organisation qui sied parfaitement à Marie : Au début, c’était peut-être un poids, mais c’est très vite devenu un moteur. L’avantage de travailler en famille, c’est qu’on peut tout se dire. La confiance est au centre de la collaboration. Du coup, on accepte plus facilement les critiques de l’autre. Si c’est Pierina qui a poussé Marie vers le yoga
— un bon moyen de gérer ses petites dérives d’adolescente — les rôles se sont inversés pendant leur formation. Pierina : Le travail de mémorisation du nom des postures et des enchaînements était ardu. À ce niveau, c’est Marie qui m’a donné le coup de pouce dont j’avais besoin… Un bel exemple de collaboration mutuellement fructueuse.

Yoga Place, rue Sur Les Foulons 74 000 Liège. www.yogaplaceliege.com

Catherine et Morgane - Boutique Irina Khä

Fondatrice de l’enseigne Irina Khä, Catherine a la mode dans le sang. Férue de création, mais aussi d’opéra, elle a transmis à ses filles une vision du beau et de l’élégance, des valeurs qu’elle défend depuis 30 ans. Après leurs études, respectivement à Solvay et en Histoire de l’Art, Morgane et Salomé ont rejoint le business maternel. Pour lancer l’e-shop, mais aussi pour accompagner Catherine en collections et apporter une dimension nouvelle à sa sélection. Choisir des choses simples, authentiques et sincères. Voilà, en substance, le message que la mère a voulu faire passer à ses filles. Une manière de les guider dans leurs choix personnels, mais aussi de les aiguiller lorsqu’elles sélectionnent des pièces susceptibles de figurer sur les portants de la boutique. 

Catherine : J’ai toujours expliqué à mes filles que même si nos goûts changent, il est important de rester fidèles à une certaine ligne de conduite. Nos vêtements et les objets qui nous entourent doivent nous ressembler. Si le trio est visiblement proche et très soudé, travailler ensemble n’a pas forcément été une évidence. Morgane : Maman a dû apprendre à déléguer et à tenir compte de nos choix. Tout ça exige un certain lâcher prise, ce qui n’est pas forcément dans sa nature. Au quotidien, elle fait preuve de beaucoup d’exigence. Catherine : Même si j’aspire à ce que mes filles tendent vers la perfection et que je les challenge au quotidien dans ce sens, j’éprouve, en tant que maman, une très grande admiration pour ce qu’elles font

Irina Khä, 12 rue du Pot d’Or, 4000 Liège. www.irina-kha.com