Il Passatore, le roi de la piadina

Très loin des italiens habituels, spécialiste de la piadina, il Passatore est un passeur d’émotions douces et légères, qui mérite le détour par La Louvière.

TEXTE ET PHOTOS CARLO DE PASCALE ET FLORENCE HAINAUT. |

En Emilie-Romagne, si la table a ses religions faites de jambons à l’affinage parfait et de plats très cuisinés, les produits “comme du pain” y sont légion et constituent de vraies spécialités que l’on ne trouve que là. Gnocco fritto (de la pâte à pain en carrés, frits ), tigelle (des petits pains chauds que l’on farcit de lard fondant) et la piadina. La piadina, c’est une galette de pain, aussi vieille que la Méditerranée, une cousine de la pizza, de la pita libanaise, des fines galettes marocaines et du pane carasau de Sardaigne. C’est du pain plat, légèrement enrichi de saindoux (encore !), garnie classiquement de fromage frais, roquette, charcuteries, le tout servi sur le pouce, chaud mais pas brûlant, mangé debout (al bar) ou assis, un street food parfait, une de ces variantes infinies du sandwich, si banale et si spécifique à la fois.

Le cadre

La Louvière, centre-ville, quelques enseignes survivent au milieu de vitrines à jamais fermées. L’une d’elles, un peu chargée, cache une salle où, à chaque service, on fait le plein. C’est il Passatore de Roberto Pelliconi et Lucia Bruno, un lieu qui est une ode à la piadina : tout ici commence par elle et finit en son sein moelleux. Ancien champion cycliste à la carrière à la fois exigeante et modeste, Roberto, il y a plus de vingt ans, passe en Belgique pour affaires cyclistes. Il demande alors son chemin à une jeune Italienne qu’il croise dans les rues de Bruxelles, Lucia. Ils ne se quitteront plus, ou presque. Roberto fera d’infinis aller-retour entre La Louvière et son Emilie-Romagne, jusqu’à ce jour où il décide de tout lâcher là-bas pour lancer, avec Lucia, une enseigne à la gloire de la piadina. C’est le succès, et c’est mérité. De son propre aveu, Roberto, un homme dont émane à la fois douceur et rigueur, n’est pas chef. Il bricole, il essaie, il recommence mais, au final, il aboutit. Sa recette de piadina – rigoureusement maison et frappée du sceau de l’enseigne – est au point et ses produits sont excellents, même si les légumes s’écartent parfois de la saison, comme pour conjurer le ciel gris de son pays d’accueil. Et puis le soir, il y a Lucia, au sourire rubis qui dissimule un caractère sicilien que l’on devine fougueux.

La table

Nous commençons par un bel assortiment de charcuteries, fromages et légumes. C’est ma deuxième fois sur place. Au moment de choisir la piadina, j’attire donc l’attention de Florence sur le fait que, côté produits, il vaut mieux éviter les redites entre l’entrée et le plat. Du coup, on sort des sentiers battus. Ma commensale jette son dévolu sur une padina lulu, (scamorza fumée, aubergines, parmesan balsamique, supplément saucisse, 12 €). Pour moi, ce sera une piadina d’automne (fromage frais squaquerone, topinambour, salade de blé, truffe, porchetta) qui s’avère un véritable paradis, à la fois traditionnelle, juste et originale, un véritable tour d’Emilie-Romagne et de Toscane.

Dans les verres, la sélection de Roberto est celle d’un amateur de vins de sa région, importés le plus souvent en direct. Il privilégie l’authentique plutôt que le sulfite, et Florence baisse immédiatement la garde. Le Rubicone rosso de Villa Venti (38 €) que Roberto nous propose (bio et vinifié en amphores) est fruité, intense, précis et droit. Les desserts (une panna cotta aux figues et un grappamisù bien tournés) achèvent définitivement notre appétit.

L’addition

L’addition ? 113 € à deux. Ça peut paraître cher pour des simples piadine. Mais non. D’abord, parce que nous avons fait le tour de la carte ou presque. Ensuite, parce que les produits mis en œuvre sont tout simplement excellents. Enfin, parce que la rigueur a un prix. D’ailleurs si on veut juste se contenter d’une piadina et d’un verre de vin, on s’en tire tranquille à 20 € par personne. Très loin des restaurants italiens habituels, il Passatore est un passeur d’émotions douces et légères, il mérite le détour par la cité de la louve.  

Il Passatore, 31 rue Albert Ier 7100 La Louvière. T. 064 84 96 98.