L’étonnante histoire d’une montre homme devenue icône féminine

Dessinée à l’origine pour les hommes, la montre Happy Diamonds de Chopard est entrée dans le cercle restreint des montres iconiques… féminines ! Elle célèbre ses 40 ans cette année, sans la moindre ride.

Jean Perini |

Comme nous, il y a fort à parier que vous marquerez une certaine incrédulité lorsque vous apprendrez que la première Happy Diamonds de Chopard était destinée aux hommes. Aujourd’hui, pareille incongruité pourrait passer pour normale ou dans l’air du temps, mais en 1976… Or cette histoire Happy Diamonds est rafraîchissante à plus d’un titre. En premier lieu par le décalage qui s’opère entre l’univers Happy Diamonds actuel et celui de l’époque. Et plus encore par l’idée que les plus grands succès ne naissent pas nécessairement de pompeuses études marketing extraites d’insondables tableurs Excel. Non, la réalité est parfois beaucoup plus simple et le succès d’autant plus réjouissant.

Prétendre que la réussite de Happy Diamonds est le fruit du hasard serait un peu caricatural, mais à l’évidence personne n’osait lui prédire pareille destinée lorsqu’une montre masculine bardée de diamants se voit décerner en 1976 la Rose d’Or de Baden-Baden. Alors adolescente, aujourd’hui co-présidente de Chopard, Caroline Scheufele revient sur les débuts de cette épopée : “ Le concept Happy Diamonds est né dans l’esprit de Ronald Kurowski, décorateur de théâtre et par ailleurs en charge de la décoration du stand Chopard à la Foire de Bâle. Il faisait notamment de sublimes vitrines. Se promenant en Forêt-Noire, face à une cascade et aux scintillements des gouttelettes d’eau, Ronald Kurowski eu l’idée géniale de reproduire ces éclats de lumière sur une montre. Et pour que les diamants brillent de mille feux, ils devaient être libérés de leurs griffes pour circuler librement. D’où cette idée de diamants en liberté. ”

Un prototype plus tard, le singulier objet décroche en 1976 la Rose d’Or de Baden-Baden. Mais le véritable défi est à venir, dès lors que Chopard entend commercialiser cette montre. Le diamant étant plus dur que le verre, les pierres vont nécessairement rayer les glaces saphir ou l’onyx entre lesquelles ils se meuvent. Une solution est alors trouvée en revêtant chaque diamant d’une douille d’or avec un fond arrondi qui permet d’accélérer encore la danse de la gemme. Face à ces diamants en liberté, nécessairement heureux, Karin Scheufele, alors aux commandes de la société avec son mari Karl, trouve le nom parfait pour ce concept unique : Happy Diamonds. On connaît la suite : succès phénoménal dès la présentation de la première collection à la Foire de Bâle 1977. Très vite, une version féminine est lancée, laquelle condamne rapidement la montre homme au rang de faire-valoir. En dépit d’une campagne de publicité signée Christian Coigny qui met notamment en scène, dit la légende, un boucher lausannois dans le rôle de la star masculine. 

Comme la mode est une histoire cyclique, verra-t-on à nouveau un modèle Happy Diamonds pour hommes ? “ Plusieurs clients m’ont effectivement demandé de lancer une nouvelle montre Happy Diamonds pour hommes, révèle Caroline Scheufele. Et ça mijote dans ma tête. ” Au-delà du succès planétaire rencontré par les montres Happy Diamonds, ce concept de diamants en liberté a contribué de manière décisive à la croissance de la marque en ouvrant la voie à un autre univers de Chopard : la joaillerie. Car on le sait peu, mais c’est par un premier clown Happy Diamonds – doté d’un ventre transparent rempli de diamants ludiques – dessiné en 1985 par Caroline Scheufele que la bijouterie va prendre son envol chez Chopard. Elle représente aujourd’hui une bonne part du business de la maison.

Soyons-en certains, même les rois du marketing les plus inventifs n’auraient osé proposer pareil conte de fées. Car, au final, Happy Diamonds c’est une idée née dans la tête d’un décorateur de théâtre, un nom trouvé en interne sans recourir à une agence de pub, un concept qui participera pour beaucoup à la notoriété d’une entreprise de luxe et un succès planétaire. Bref, le scintillement d’une cascade a profondément modifié la destinée de Chopard. Assurément ressourçant.