La revanche de la basket moche

Certaines sont écoulées quelques minutes à peine après leur mise en ligne sur les e-shops de luxe. D’autres surfent sur cette tendance en version plus accessible. Pourquoi les baskets moches séduisent-elles autant?

PAR MARIE HONNAY. PHOTOS D.R. |

C'est le genre d’article qu’une journaliste mode pourrait hésiter à écrire, de peur qu’avant même qu’il soit publié, le soufflé soit déjà retombé... Sauf qu’ici, le phénomène semble moins éphémère qu’on aurait pu le penser. À mi-chemin entre la chaussure de randonnée, le prototype d’usine un peu (trop) futuriste et la basket des grands-pères américains (qui la portent avec un bermuda et des chaussettes), cette sneaker à semelles crantées XXL n’en finit pas d’affoler la planète mode et les modèles en tout genre de se multiplier depuis des mois.

Pour faire simple, on pourrait dire que la basket moche est à la mode ce qu’une sculpture de Damien Hirst est à l’art contemporain : un truc un peu obscur, glauque, à la limite de la bonne blague, mais qui impressionne, attire l’attention et donne à ceux qui en parlent (ou, le cas échéant, qui l’achètent et se l’approprient) une longueur d’avance. Difficile, en effet, de ne pas accorder de crédit à celui ou celle qui ose un accessoire que 95 % de la population va objectivement classer dans la catégorie des horreurs absolues. Mais c’est quand-même limite et il faut faire preuve, dans un premier temps, d’un peu d’ouverture d’esprit.

L'origine

Comme la majorité des tendances depuis quelques années, on pourrait penser que le concept de basket moche est né en 2017 dans la tête de Demna Gvasalia, fondateur de la griffe Vetements et directeur artistique de Balenciaga. Mais non. Un modèle né du mariage entre Raf Simons et Adidas en 2013 était là avant : l’Ozweego. Mais alors pourquoi la tendance n’est-elle devenue virale que maintenant ? Comme le souligne Karl Smith, journaliste pour le magazine Dazed, probablement parce que le fait qu’on pointe cette tendance du doigt entraîne le buzz. Les plus blasés ou cyniques diront que ce succès n’est pas le fruit du hasard, mais plutôt le résultat d’une stratégie marketing savamment orchestrée.

Cas d'école

Mais revenons-en à cette fameuse Triple-S de Balenciaga. Qu’il s’agisse ou non d’un coup de pub minutieusement étudié, cette basket est, quoi qu’on en dise, un incroyable succès commercial. Dans le même registre, on se souvient de l’engouement autour de la Bekket d’Isabel Marant lancée en 2011 : une étrange basket haute à semelles compensées dont le succès avait étonné le monde entier, à commencer par la créatrice elle-même. Si les deux modèles n’ont en apparence rien en commun, ils ont eu le mérite à quelques années d’intervalle, de réinventer la basket. Le tout en s’inscrivant dans l’esprit d’une époque, d’une marque ou, dans le cas de la Triple-S, d’un créateur connu pour ses coupes oversized et ses jeux de superpositions (ici transposés dans une triple semelle). Ceux qui l’ont adopté avouent qu’elle est lourde et peu confortable, mais continuent à ne jurer que par elle.

Les outsiders

En marge de la Triple-S, déjà copiée par de nombreuses marques bon marché, d’autres maisons surfent sur la tendance. C’est le cas de Nicolas Ghesquière chez Louis Vuitton avec l’Archlight, un modèle original, élégant et aussi culte que la Balenciaga en quelques semaines. Au printemps dernier, la marque française A.P.C, connue pour la dimension intemporelle de ses collections, a lancé une basket certes, un peu moins ovni que la Balenciaga ou l’Archlight, mais complètement surdimensionnée. Et enfin, dans un registre 100 % sportswear, deux modèles sortent du lot : la Fila Disruptor et la Air Max 95 de Nike, un joli compromis entre l’esprit ugly sneakers et une certaine patine vintage. Histoire d’être moche, mais pas trop... Enfin, chacun se fera son avis.

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