Land Rover en 5 dates

De ses débuts militaires aux quartiers chics de nos grandes villes, le constructeur britannique en a connu des aventures. Retour à travers six modèles phares, dont le nouveau Velar, sur la mutation parfois difficile d’une marque vraiment pas comme les autres.

PAR PIERRE LEFEBVRE ET D.B. PHOTOS D.R. |

1948 : Le Defender

Au sortir de la Guerre, souhaitant redémarrer son outil au plus vite, le constructeur Rover décide de développer un prototype d’utilitaire lorgnant sur le tracteur agricole: une espèce de Jeep Willys cuisinée à la sauce anglaise, rustique et en aluminium riveté — il y a alors plein de carlingues d’avion dont on ne sait que faire. Celui que l’on n’appelle pas encore Defender — nom qu’il ne prendra qu’en 1990 — mais Serie I fait ses premiers pas commerciaux en 1948.

Rover n’espère en vendre que pendant deux ou trois ans avant de relancer sa production de voitures “normales”. Surprise: le Land traversera les décennies, évoluant à peine, succès mondial à la clé, jusqu’à l’arrêt de saproduction...seulementl’annéedernière! Agriculteurs, chasseurs, militaires, gentlemen- farmers, aventuriers-bourlingueurs louent la fiabilité de réparation et la simplicité de conception de l’une des automobiles les plus marquantes du XXe siècle.

1970 : Le Range

C’est “le” véhicule qui a changé l’image de Land Rover. Son concept : mélanger luxe et plaisir de conduite d’une berline haut de gamme façon Jaguar aux capacités d’un véhicule tout-terrain. Sans le savoir, lorsqu’il apparaît en 1970, celui que l’on ne désigne pas encore comme le roi des 4x4 pose ni plus ni moins l’esquisse du cahier des charges de nos SUV actuels. Aussi à l’aise pour circuler sur Ocean Drive à Miami que pour emmener Elisabeth II à une partie de chasse dans son domaine écossais de Balmoral, Lord Range rencontre son public et il est plutôt argenté.

Hélas, plusieurs clous dans les pneus contrarient cette belle marche en avant. Chocs pétroliers des années 70, manqued’investissementetd’innovation, qualité médiocre, fiabilité aléatoire: durant les deux décennies qui suivent, le groupe Rover et donc aussi sa marque Land Rover, perdent peu à peu de leur superbe et peinent à attirer de nouveaux clients.

1989 : Le Discovery

Sorti en 1989, ce modèle la joue moins BCBG et plus familial, histoire de toucher une cible plus large que le Range. Chez Land Rover, on croit l’époque des vaches grasses revenues. Erreur. D’autant que les affaires du groupe ne se sont pas améliorées. En 1994, exsangue, Rover est démantelé. Land Rover passe, avec Mini, sous pavillon BMW. Sur le papier, c’est la meilleure chose qui peut arriver. Las, à Munich, on ne prend pas le problème dans le bon sens.

Plutôt que d’investir massivement pour développer Land Rover, le constructeur bavarois préfère mettre ses billes dans Mini et Rover afin que ce dernier devienne son bras armé face aux constructeurs “généralistes“comme Volkswagen. C’est un échec, ou plutôt un demi-échec. Si la bonne recette est trouvée avec Mini, amenant le succès qu’on connaît aujourd’hui, celle appliquée à Rover fait un bide, et plonge la Land dans l’expectative.

1997 : Le Freelander

C’est le petit frère du Range, sorti dans des temps compliqués : les familles n’ont à cette époque d’yeux que pour les monospaces, et tout ce qui ressemble de près ou de loin à un 4x4 est dans le viseur des écologistes en Europe. Trois ans après le lancement du Freelander, les Allemands de BMW jettent l’éponge, et revendent Land Rover à Ford. Le constructeur américain ne se prive évidemment pas pour récupérer le fruit du travail des Allemands.

D’autres déclinaisons sortent d’usine : un Range relifté, un Discovery nouvelle génération, un Range Sport. Et on croit à nouveau à la success- story. D’autant qu’entretemps, Land Rover est devenue une marque haut de gamme. Mais c’est oublier que sa clientèle et sa production demeurent encore trop marginales... En 2008, patatras: crise financière. Au bord du précipice, Ford est contraint de se séparer de plusieurs de ses bijoux anglais, dont Jaguar et Land Rover, et les cède à l’Indien Tata.

2011 : L’Evoque

Quand il reprend Land Rover, Tata est bien déterminé à enfin transformer la marque en machine de guerre. Pour y parvenir, le constructeur indien décide d’offrir toute latitude aux talents des Anglais, tant côté design que technique. Et de nouveaux modèles plus “grand public” sont lancés comme le petit Range Rover Evoque. C’est le jackpot. Car depuis la fin des années 2000, les SUV, descendants lointains du premier Land Rover et du Range de 1970, sont désormais “le” véhicule à la mode à Uccle, Moscou, Los Angeles ou Shanghai. Et tous ces modèles affichent des courbes de ventes insolentes.

Exemple : entre 2009 et 2016, Land Rover a tout simplement triplé sa production. Et l’arrivée du Velar, début de cette année, ne devrait faire que conforter ces excellents résultats... D’autant que ces véhicules, aussi luxueux soient-ils, respectent toujours l’esprit du pionnier de 1947: de vrais tout- terrain, capables d’affronter les pires conditions. Et dans ce segment, il n’y a bien qu’eux.

On a testé le Velar 

Tout un symbole ! Le Velar, nouveau-né de la marque, reprend le nom du premier prototype du Range Rover de la fin des “sixties”. C’est donc peu dire si avec lui, Land Rover fonde de gros espoirs pour recruter de nouveaux adeptes. Design spectaculaire avec un profil “moins armoire à glace” que ses grands frères, poignées qui sortent comme par magie des portières lorsque l’on s’en approche clef en poche, le Velar a le sens du spectacle. A bord aussi, il en met plein les mirettes avec une planche de bord inédite. Au centre, on découvre non pas un mais deux écrans tactiles, celui du bas remplaçant tout ce qui se commande d’habitude avec de disgracieux boutons.

Luxueux et généreux en espace, le Velar s’avère également agréable à mener sur la route mais... sans établir de références. Lourd, malgré l’emploi généreux d’alu pour sa structure, l’engin est en revanche capable, en bon Land Rover, de vous emmener là où la concurrence sera bloquée. Reste à digérer une addition salée. 

Comptez au minimum 57 300 € et le double pour les modèles haut de gamme à moteur V6 bardés d’options ! Le prix à payer pour un tout-terrain capable d’affronter les pires conditions. On l’a dit, dans ce segment mêlant luxe et performance, Land Rover demeure unique. Les Anglais comme les Indiens ont, il est vrai, du respect pour les traditions!