Les tribute et cover bands : ces artistes qui reprennent les tubes des autres

Et si on profitait des festivals de l'été comme le Brussels Summer Festival pour découvrir ce phénomène ?

Par Sigrid Descamps. Photos : DR, KMERON, AC. |

Cela n’a pas échappé aux habitués des concerts et festivals : les artistes “tribute” et “cover” gagnent du terrain. Longtemps cantonnés aux soirées locales ou privées, ces passionnés sont de plus en plus courtisés. On assiste à une grande évolution s’enthousiasme Géraldine Docelle, community manager, fan de musique, et fondatrice du blog Les Groupes Cover en Belgique. De plus en plus de salles accueillent ce genre de formations. Comme l’Acte 3 de Braine l’Alleud, tous les vendredis ! Mais aussi de plus grandes salles : Mister Cover a rempli l’Ancienne Belgique et Forest National l’an dernier ! Et Black City, cover band d’Indochine, jouera à l’AB en juin.

Mathieu De Middeleer, producteur, agent et manager de Mister Cover abonde… mais tempère. Quand j’ai commencé à travailler avec le groupe en 2011, il se produisait surtout dans des fêtes de villages et des mariages. Moi qui viens du rock, je ne voulais pas juste les aider à gérer leur agenda, je visais plus haut. Pour leur dix ans, on a rempli l’Ancienne Belgique. Soit 2 000 personnes. Mais juste avant, d’autres salles avaient refusé de les accueillir, parce que cela ne collait pas à leur image. Les gens qui étaient ouverts le sont toujours, ceux que ne l’étaient pas sont moins nombreux, mais ça reste difficile. Une frilosité que se traduit aussi dans les médias. La première date de Mister Cover à l’AB n’a pas intéressé les journalistes. Mais depuis que le band a rempli l’AB et Forest, qu’il a participé à Viva For life et au Télévie, leur regard change.

Le secret du succès

Un succès grandissant qui s’explique par divers facteurs. Le premier : la passion et la relation avec le public. Pour Géraldine, c’est une évidence, la simplicité et l’accessibilité des artistes jouent beaucoupLa  qualité d’un bon cover, c’est la passion. Les musiciens prennent plaisir à jouer, à partager. À cette qualité s’ajoutent le talent et l’humilité. Même son de cloche pour le manager de Mister Cover : Quand le groupe a joué à l’AB, le public se composait surtout de fans venus de Wallonie. Mais le concert a aussi attiré des Bruxellois curieux, qui le suivent depuis. Mister Cover a désormais plus de 25 000 fans sur Facebook. Et il se produit entre 80 et 100 fois par an. On nous a déjà conseillé de faire moins de dates, mais c’est cela qui fidélise le public, qui vient avant tout pour s’amuser. 

Autre raison du succès : l’économie ! Pour un même répertoire, là où l’artiste original va exiger un cachet à cinq, six chiffres, le cover band se contentera de quelques milliers d’euros ! Tout bénéfice pour les organisateurs d’événements... et pour le public. Pour un prix mini, voire gratuitement, on peut passer un super moment musical commente Géraldine. Une analyse partagée par John Dumon, artiste spécialisé dans les reprises et qui a notamment créé les spectacles Decibrel, un hommage revisité à Jacques Brel, ou The Belgians, où il chante des titres belges en français, néerlandais, anglais. L’idée est aussi de proposer un spectacle qui colle davantage au budget du public et des organisateurs. La demande est là. Plutôt que de payer un DJ pour animer une soirée, les gens privilégient le live personnalisé. Quand tu dois débourser 100 € pour aller voir un artiste dans un stade, où tu ne vois rien, tu préfères payer moins et entendre les morceaux que tu aimes, avec des musiciens qui sont là pour faire la fête avant tout. 

Tout le monde y gagne, comme le résume Julie Compagnon. L’ex-candidate de The Voice et animatrice de la RTBF mène en effet deux projets: un tribute à France Gall, Hong Kong Star, qui cartonne, et un projet cover en duo acoustique, Closer, où elle reprend des morceaux des années 50 à nos jours avec Christophe Pons, guitariste entre autres de Machiavel. Pour les artistes, c’est une récréation ! Les tribute et cover sont une façon agréable de garder un pied sur scène tout en développant des projets personnels plus difficiles à imposer aux programmateurs et aux radios. Et pour les organisateurs de concerts, c’est une valeur sûre : ils font monter sur scène des artistes de qualité, avec des titres que le public connaît et a envie d’entendre. Je le vois quand je chante notamment les titres de France Gall, qui ne tourne plus depuis des années : les gens chantent avec moi, et beaucoup sont émus.

Vive la fête

S’amuser donc, mais aussi se rétribuer. Pour les artistes rencontrés, et bien d’autres, les projets tribute/cover sont une façon de vivre de leur passion. Je chante depuis l’âge de cinq ans et je suis aussi comédien. Au départ, le tribute n’était qu’un hobby explique John Dumon. Comme j’étais de plus en plus demandé, j’ai choisi de me consacrer à cela. Cela fait maintenant 17 ans que je chante à titre professionnel. Géraldine Docelle nuance. Beaucoup ne vivent pas de leur musique comme ils le voudraient. De nombreux organisateurs ne reconnaissent pas encore le cover à sa juste valeur. Reste que le plaisir de jouer est tellement fort qu’un groupe refusera rarement une opportunité. Même à prix cassé. Pour John, il y a d’ailleurs là un combat à mener. De nombreux groupes débarquent, par hobby, en ne connaissant pas le milieu. En acceptant des tarifs ridicules, ils tuent le marché. Et se piègent eux-mêmes : si leur projet prend de l’ampleur, ils pourront difficilement demander plus ensuite.

Quid dès lors, de projets plus personnels ? John et Julie planchent chacun sur un album. C’est très différent de ce que je propose actuellement explique la chanteuse. Avec les cover, le public est acquis, il connait et aime les chansons. Là, j’arriverai avec des morceaux qu’ils n’ont pas dans l’oreille. Le public, fidélisé avec les reprises, suivra-t-il ? Je ne sais pas si mes compositions personnelles séduiront mais une chose est sûre, conclut John l’esprit de fête propre aux cover et tribute restera toujours présent !