Mieux que les lunettes vintage, les Bidules !

Chiner des lunettes d’antan, les restaurer, les relooker pour les transformer en solaires qu’on portera cet été. C’est ce que le Belge Nicolas Musty appelle le “bidulisme”, concept dont il est l’inventeur et le promoteur. Rencontre…

par Justine Rossius. Photos DR sauf mention contraire. |

Dans la famille de Nicolas Musty, on est opticien depuis 1934. Le jeune Arlonais n’avait pas en tête d’emprunter la voie de la lunetterie, mais c’était sans compter ce jour de 2013 où il découvre de vieux modèles invendus dans la cave du magasin familial. Mais qu’est-ce que tu vas faire avec tous ces bidules ?, s’exclame sa grand-mère. Les ressusciter ! Bidules était né… J’ai remarqué que ces anciens modèles étaient encore très actuels, explique aujourd’hui l’entrepreneur de 25 ans. Les lunettes contemporaines ne sont finalement que des réinterprétations des grands classiques, les formes étant très limitées.

Face à ce constat, Nicolas part à la chasse aux trésors, débusque dans des caves et hangars abandonnés des lunettes de vue jamais portées, de marques parfois inconnues – certaines datant même des années 20. Kinto Eyewear, par exemple, m’a donné accès à ses hangars à Bruxelles, je me suis retrouvé dans des mètres cubes de lunettes oubliées. J’étais comme Picsou assis sur son tas d’or. Parce que ces pépites désuètes, Nicolas a l’art de les métamorphoser en lunettes de soleil hype. Muni d’outils hérités de sa famille, il arrondit ici une monture trop ovale, renouvelle là les verres, et rhabille la monture en acétate de cellulose, la Rolls-Royce des matières premières, avec lequel on travaillait historiquement.

Optique éthique

Transformer pour redonner une seconde vie et s’écarter ainsi de l’obsolescence et du consumérisme, tel est le maître mot écofriendly du bidulisme. L’aventure a commencé à l’époque où tout le monde portait les mêmes Ray-Ban Wayfarer. En tant que fils d’opticiens, cette monotonie me rendait fou, car je savais qu’il existait des collections très intéressantes ailleurs. Bien sûr, Nicolas pense un moment à créer sa propre ligne. Mais cela demande au moins un million d’euros d’investissement, d’où mon désir de partir de ces bidules voués à l’oubli. Ses vieilleries, il les décèle surtout en France, dans le Jura, où les lunettes étaient autrefois presque exclusivement fabriquées. Vous savez, créer des lunettes en acétate réclame pas moins de deux cents opérations manuelles. Avec Bidules, j’ai envie de raconter cette histoire, de redonner leurs lettres de noblesse à ces métiers sous-estimés défend passionnément Nicolas, qui collabore main dans la main avec sa mère. 

Opticienne, elle travaille avec une foreuse, soude, chauffe des matériaux pour les déformer. Personne ne réalise vraiment tout ça !

Vers la fin des années 90, de nombreuses usines indépendantes ont mis la clé sous la porte, après que de grands groupes eurent racheté certaines licences. On est passé à la production de masse, avec des rendements incroyables. Petit à petit, la lunetterie est sortie du domaine strict du paramédical pour se soumettre aux diktats de la mode. Sauf que la course à la rentabilité a également amené la lunetterie à délaisser l’acétate de cellulose au profit des plastiques thermodurcissables ou des polymères, moins chers mais de moindre qualité. Une évolution problématique pour Bidules. La mode actuelle en lunetterie revient aux années 2000. Or pour nous, les années 2000 sont dénuées d’intérêt, puisque c’est justement la qualité qui sous-tend tout notre projet.

Vision d’avenir

Pour pallier le problème, Nicolas a donc décidé de lancer sa propre collection, d’ici un an, à partir de matériaux recyclés et en s’inspirant des techniques vintage. Toujours dans un esprit éthique, et avec un désir d’empreinte écologique réduite. Des milliers de lunettes, créées à partir de matériaux très intéressants, dorment encore dans des hangars, car trop abîmées ou ne correspondant pas du tout aux goûts du moment. C’est terriblement frustrant. Des lunettes ravigotées qu’il compte vendre accompagnées d’un petit kit de réparation contenant une pipette d’huile, un tournevis… Histoire de pouvoir transmettre ses Bidules de génération en génération. 

www.bidules.be