Nos onze restos préférés en 2017

Vous en connaissez certains, d’autres moins. Une sélection forcément subjective, partielle, contestable, pas toujours gastronomique, mais totalement assumée. On ne finit pas l’année sans pousser leurs portes!

par Carlo de Pascale, avec Florence Hainaut et Jehan Delbruyère (le Verre et l’assiette). Photos D.R. sauf mentions contraires. |

Bon-Bon à Bruxelles

On ne présente plus Christophe Hardiquest, un de nos plus grands chefs belges. Si son restaurant est dans cette sélection, ce n’est certes pas pour dire que sa cuisine serait la “meilleure” du royaume. Qui sommes-nous pour affirmer cela ? Mais, en 2017, même si on est bien loin d’avoir mangé dans tous les grands “gastronomiques” du pays, s’il ne nous fallait en retenir qu’un, ce serait celui-là. Bon-Bon excite la curiosité, les papilles, la soif de culture culinaire. On sait que le chef redouble d’efforts, d’initiatives, de créativité pour accrocher une troisième étoile Michelin à sa veste. Cela se traduit notamment par une réinvention de plats de terroir comme son menu “kikkefretter”, tout entier consacré au coucou de Malines, dont on a encore en tête toutes les saveurs.

www.bonbon.restaurant

Ristorante Rossi à Leuven

Il y a de ces restaurants où, au-delà de la cuisine, excellente et juste, on vit aussi dans un film. Rossi est de ceux-là. Une rue de Leuven alors que le soleil de juin si’nfiltre tard, un restaurant de poche vidé de ses tables, plus de 80 personnes qui mangent en terrasse dans la rue. Un sommelier québécois, un plongeur de poche afghan, un commis qui fait un master en sciences œno-gastronomiques, une serveuse ibère, une autre italienne. Il y a l’accent romain du chef, Felice Miluzzi. Et sa femme, chinoise. 

L’équipe envoie plus de 300 assiettes dans 500 m2 de cuisine, sans temps mort, avec justesse. Ici, les clients apostrophent le chef à coups de Super lekker auxquels répondent les Bedankt approximatifs de Felice, finalement attablé lui aussi, qui se lève pour saluer tout le monde. Ce village cosmopolite fellinien vient de jouer une pièce qui a duré quatre heures et qui se reproduira chaque fois qu’il fera beau. La Dolce Vita. Et quand il pleut, on reste à l’intérieur, dans les odeurs de cuisine pour vivre la même chose, à huis clos.

www.ristoranterossi.be

Yi chan à Bruxelles

L’ambition ? Un restaurant chinois 2.0. Un jour, Yen Pham a dit à ses parents: Je reprends le business familial, mais on va faire autre chose. Et autre chose, ce sont des dim sum maison vraiment maison, avec des cocktails… Oui normalement, ça n’a rien à voir, mais en fait, ça fonctionne nickel. Un restaurant chinois, donc, où le patron est accueillant, où le barman (Pascal Buyse) connaît son métier et envoie du corsé comme ce smoked penicilin vraiment spectaculaire. Et puis, bien sûr, les dim sum. Avec du bouillon dedans ou sans, croustillants dehors et mous dedans ou le contraire, brioche de porc laqué ou bouchées vapeur plus classiques. On mâche, on croque, on goûte de vrais ingrédients qui sonnent clair et net. Bref, on se régale, sans se ruiner, tout ça à 15 mètres du fameux piétonnier de Bruxelles-Ville.

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L’Eau rouge à Lasne

Attention : artiste en devenir, légèrement écorché vif, mais qui transmet le goût de sa tête à l’assiette en passant par ses doigts ! Benjamin Laborie, chef, motard, passé par pas mal de maisons dont Colonel. Semble avoir trouvé son port d’attache. Le lieu est bourgeois et prévisible, convenu même, mais Benjamin nous a plus d’une fois envoyé du vrai goût dans le fond du palais. S’il arrive à contenir sa fougue et asseoir toujours plus sa confiance en lui (et il est bien parti), ce chef ne va pas laisser les guides indifférents. Ce sont les gourmands qui se réjouissent, car sa cuisine parle au meilleur de nos organes, le ventre, celui qui est juste à côté du cœur.

www.leaurougerestaurant.be

L’Air de rien à Esneux

Stéphane Diffels, un chef autodidacte qui se sait pourtant cuisinier depuis longtemps. On l’a épinglé dans cette sélection car ce type de cuisine, avec des petits morceaux dans des petites assiettes, n’est a priori pas ce qui nous excite le plus. Mais justement, ce ne sont que des a priori… Parce qu’ici, tout est pétri de goût, de profondeur, de longueur en bouche. Le produit est local, saisonnier, souvent exceptionnel. Ici, on cuit, on fermente, on mousse, on concentre. Le genre de cuisine qui, si l’émotion ne vient pas, peut laisser froid. Or, l’émotion vient. Et si le chef paraît austère, il est surtout timide. Nous, nous avons découvert un être chaleureux et humain. À l’Air de Rien, on ne gardera peut-être pas le souvenir d’un plat, mais on aura la mémoire d’une expérience, un souvenir d’une tension gourmande qui ne faiblit jamais. L’Air de Rien, l’air de ne pas y toucher surtout, un nom qui évoque la légèreté, alors qu’ici, tout est puissant et intense.

www.lairderien.be

Bouchéry à Bruxelles

Damien Bouchery est une figure connue de la gastronomie bruxelloise. Un peu boudé par le guide rouge, désireux de s’ouvrir à une nouvelle clientèle, inspiré par son propre végétarisme, ce chef est sorti du canevas habituel de la restauration gastronomique pour proposer une formidable table végétarienne du déjeuner, au tarif incroyable de 17 €. Un buffet est dressé les midis en semaine, dans la cuisine, avec une dizaine de propositions salées, végétariennes, parfois carrément vegan, toutes fraîches, riches  de saveurs, de couleurs et de plaisir. Pour quelques euros de supplément, on peut également commander des préparations chaudes qui vous seront servies à table. La formule comprend un buffet de dessert où le beurre et les œufs reprennent leurs droits, dans un contexte de gourmandise totale. Depuis septembre, il existe aussi un menu du soir à petit prix qui ne sacrifie rien à l’excellence.

www.bouchery-restaurant.be

Bozar Brasserie à Bruxelles

Une adresse obligatoire cette année même si, pour frimer, il vous aurait fallu l’essayer en 2015 et 2016, histoire de parader en disant que les distinctions et les étoiles, “on les avait senties venir”. Bon, c’est trop tard. Vous reste donc seulement à découvrir la cuisine de Karen Torosyan, un vrai créatif, dont les réinventions de l’anguille au vert ou du moules-frites, et son homard aux haricots coco, méritent déjà bien plus que le détour. Puis vient le côté artisan créateur. Karen a repris des standards pour les disséquer, les améliorer, bousculer les cuissons et nous les restituer sans trahir une nanoseconde la tradition. Pâté, tourte charcutière, bœuf Wellington, koulibiac, pithiviers : la pâte feuilletée est ici un écrin qui sublime les ingrédients de ces grands classiques. Prévoyez juste de venir ici avec votre appétit intact, contentez-vous d’une légère entrée  et gardez si possible un peu de place pour  les vrais desserts de pâtissier.  Évidemment, attendez-vous à une dépense en regard avec le travail déployé par le chef, chacune de ces pièces demandant des dizaines d’heures de sacrifice.

www.bozarbrasserie.be

Osteria Bolognese à Bruxelles

On le reconnaît, on a une tendresse particulière pour cette adresse. Et pas pour le décor qui, s’il est chaleureux, est franchement minimaliste. Giacomo Toschi, Bolonais de partout, fait venir chaque semaine les merveilles de Bologna la grassa. Tortellini, tagliatelle, salame rosa, mortadella, etc. Bien sûr, on devrait lui tirer un peu les oreilles de ne pas toujours être très observant sur la saisonnalité des légumes. Mais à la différence de nombre de cantines italiennes, ici, l’antipasto vous parle vraiment aux tripes. Des crescentine (carrés de pâte à pain frits) avec des merveilles de charcuterie, fromages et quelques préparations bien tournées. 

Pour suivre, les tagliatelle al ragù, dont la recette a été récemment améliorée. Ça y est, on est dans le ventre de Bologne. On y ajoute les vins légers de la région, des secondi piatti, dont le fameux polpettone, qui méritent qu’on leur réserve un bout d’appétit, et des desserts très italiens pour achever le tableau. Addition très raisonnable, en rapport avec la simplicité du lieu. Mais goûter à tout cela en 2017, n’oubliez pas de réserver, sauf le mercredi soir où une file se crée dans la rue dès 18 h 30.

www.osteriabolognese.be

Veranda à Anvers

Il y a des claques gustatives que l’on ne s’explique pas toujours. On s’attend certes à bien manger, ça se confirme à l’énoncé du menu, arrive une assiette simple, et on se dit que ça va être bon… On goûte et ce n’est pas bon, non, c’est bien pire, c’est juste comme si tout d’un coup on avait découvert une drogue qu’il restait à inventer, sans addiction ni effets secondaires. Certes, nous sommes ici dans un restaurant de jeune artiste à menu forcément unique avec des vins nature, une tendance lourde dans la restauration d’aujourd’hui. Mais il y a ici une intensité qui transcende tout. L’attitude “rien à foutre” assumée du chef vis-à-vis des guides et autres distinctions médaillées libère peut-être même totalement son cœur et ses mains. On a le souvenir – entre autres pépites – d’un petit chef-d’œuvre, un agnolotto (un raviolo, quoi) fourré “fromages divers”, brocoli chinois et poudre d’estragon. On a aussi aimé le service très attentionné et un cadre vraiment brut et moderne, si typique d’une élégance et d’une modernité que l’on sait pratiquer dans cette belle ville d’Anvers.

www.restaurantveranda.be

Chambre séparée à Gand

Quand Kobe Desramaults a “rendu” son étoile et fermé In de Wulf, de battre, le cœur de beaucoup s’est arrêté. Quelques mois après, Kobe s’est installé à Gand, au rez-de-chaussée de l’ancienne tour Belgacom. Du nouveau concept, on ne savait pas grand-chose : pas de réservation pour plus de deux personnes, paiement à l’avance, arrivée à l’heure pile et tes intolérances, tu te les gardes pour toi. On l’a cru dégoûté. Aigri. Du tout, Kobe s’est juste envolé. Très haut. Autour de la cuisine où s’affairent le chef et quelques rescapés de In de Wulf, un comptoir. Et pendant deux heures, une partition parfaitement réglée. Vingt petits plats, aucun effet de manche, des produits d’une qualité hors du commun, des cuissons trop exactes pour être vraies. Pas un espuma, pas un coup de bluff, pas de trompe-l’œil. Et un homard sauce au beurre qui a marqué notre chair au fer rouge. Ce repas, on s’en remet difficilement. Et on irait chaque semaine si ça n’était pas un tel investissement. Comptez en effet 200 € sans les vins. Gasp. Notez que pour voir la parade de Mickey à Disneyland Paris, c’est sensiblement le même prix. Sauf qu’ici, Tic et Tac, on les mange.

www.chambreseparee.be

La Menuiserie à Waimes

Thomas Troupin et Marcha Portois sont associés tant à la ville qu’au boulot et exemplatifs de la nouvelle gastronomie belge. Anciens de l’Air du Temps, fiers d’être parmi les porte-drapeaux du mouvement Génération W, ils montrent à chaque service que cuisiner son terroir est tout sauf ressasser son passé. Champagne (oui, c’est le nom de ce village ardennais) et ses environs sont déclinés en créations novatrices, précises mais aussi gourmandes. Ici on ne goûte pas, on mange. On dévore même cette tartine de rosbeef à la moutarde, finement fumée et très aérienne grâce aux herbes du jardin et sa vinaigrette végétale. Marcha, en salle, nous fait vivre une expérience totalement personnalisée, à mille lieues du service robotisé de certains “gastronomiques”. Gastronomie ? De haut vol, clairement,qui réussit l’exploit qui consiste à réunir foodistas urbains et bons mangeurs de nos campagnes. 

www.lamenuiserie.eu