On passe aux low cocktails

Faiblement alcoolisés, mais riches en saveurs, les low cocktails cartonnent de New York à Londres et s’affichent depuis peu à la carte des établissements belges. Vont-ils devenir les musts de l’été ? Réponse avec Alexis Mosselmans, chef mixologiste au Vertigo.

Par Laetitia Dekemexhe. Photos Fred Sablon. |

Jusqu’ici, si l’envie vous prenait de diminuer la teneur en alcool de votre mojito, vous demandiez au barman d’y aller mollo avec le rhum. Normal : les cartes belges n’en proposent habituellement aucune version faiblement alcoolisée. À New York et à Londres, capitales de la mixologie, les low (alcohol) cocktails se sont pourtant imposés comme des indispensables depuis plusieurs années.

Moins riches en éthanol, ces savants mélanges sont souvent plus faibles en calories, plus frais et s’inscrivent dans une démarche de dégustation. Commander un lowcocktail, c’est se donner l’occasion d’en boire plusieurs et de découvrir des saveurs variées, explique Alexis Mosselmans, chef mixologiste du Vertigo, nouveau cocktail bar bruxellois. La mixologie s’apparente alors à la gastronomie, poursuit ce jeune homme de 24 ans. Le client goûte à des préparations moins corsées, mais il en teste davantage et le plaisir est décuplé ! Parole de professionnel, le low alcohol devrait donc faire un carton cet été, Alexis vient d’ailleurs de lui dédier une partie de sa carte.

Comment expliquer qu’une tendance phare de la mixologie internationale ne se popularise chez nous qu’aujourd’hui ?

Je l’explique par deux facteurs conjoints. Le premier, c’est qu’à New York ou à Londres, les clients s’en tiennent au “Don’t Drink and Drive” : s’ils se déplacent en voiture, ils veillent à ne pas dépasser la limite autorisée. Question de mentalité. Les low cocktails leur permettent donc de boire plusieurs verres sans prendre de risques au volant.

Et cette logique, implacable, est seulement en train de s’ancrer dans les mœurs belges. Le deuxième facteur est, lui, directement lié à ce que j’appelle la “culture cocktails”. New York ou Londres ont réinventé cette tendance il y a cinq, six ans. Les bars se sont multipliés, les chefs y ont d’abord proposé des classiques, puis se sont mis à les revisiter. C’est dans ce cadre que sont nées ces versions faiblement alcoolisées.

Mais en Belgique, la mode du cocktail ne date que de quelques années…

Oui, entre Bruxelles, Gand et Anvers, on ne compte encore qu’une douzaine d’établissements dédiés aux cocktails haut de gamme. Il faut donc laisser aux bartenders le temps d’éduquer leur clientèle, de l’emmener ailleurs. Plus il y aura de lieux spécialisés, plus les chefs voudront s’améliorer et donc innover.

Concrètement, comment diminuer le taux d’alcool d’un cocktail ?

C’est une vraie réflexion, un art même. L’an dernier, Diageo, premier distributeur et propriétaire d’alcools à échelle mondiale, consacrait une des épreuves de son célèbre concours World Class à la thématique du lowalcohol. Dans les faits, il y a deux façons de produire des cocktails faiblement alcoolisés. Soit on mise sur des alcools légers – avec la bière et le cidre, les préparations plafonnent à trois, quatre degrés, et à dix, douze dans le cas du vin et du champagne.

Soit, dans le cas de cocktails à base d’alcools purs, comme la vodka ou le gin, on réduit la dose de moitié et on rééquilibre avec des diluants, tels que l’eau pétillante, les jus ou les agrumes. Mais cette deuxième option ne fonctionne que sur des cocktails frais, comme le mojito, le Bloody Mary ou le gin tonic ; pas sur les cocktails secs, dont l’alcool est l’élément-clé.

Impensable de concevoir un Old fashioned faible en alcool, donc ?

Ça n’aurait aucun sens. Pas plus qu’un Dry Martini ou un Manhattan. Prenez le Long Island, par exemple, réalisé à base de cinq alcools blancs et d’une touche de coca. Pour diminuer sa teneur en alcool, il faudrait allonger le mélange avec du soda. Or, la vocation d’un Long Island, c’est d’être corsé et de faire tourner la tête. Ce serait contradictoire.

Le low alcohol, c’est diététique ?

Oui, du moins si l’alcool n’est pas remplacé par des sirops ou des sodas sucrés. Et c’est pour cette raison qu’il séduit aussi un public féminin : en règle générale, les femmes font plus attention aux calories à l’heure de l’apéro et sont plus sensibles à ce fameux “Boire ou conduire”. Mais au-delà de cette notion de genre, le low alcohol s’impose surtout comme un vrai bon plan pour déguster une boisson fraîche en journée ou sous le soleil, sans perdre la tête. L’Aperol Spritz, qui fait fureur chez nous depuis quatre ans, séduit d’ailleurs pas mal d’hommes !

La diminution d’alcool dans un cocktail s’accompagne-t-elle d’une diminution de son prix ?

Non et c’est évidemment un intérêt supplémentaire pour les établissements. Là où le cocktail classique se vend environ douze euros à Bruxelles, le low cocktail s’affiche à la carte à dix euros minimum. Le client paie quasiment le même prix pour un verre moins fourni en alcool premium et il en commandera probablement plusieurs, toujours selon cette idée de dégustation. 

Vertigo, 7 rue de Rollebeek, 1000 Bruxelles