Quand le consommateur devient le créateur

De plus en plus d'enseignes de prêt-à-porter offrent à leur client l'opportunité de customiser vêtements et accessoires. Simple stratégie marketing ou option incontournable dans une société autocentrée  ?

Par Lauranne Lahaye. Photos D.R. |

Tapez “vêtements personnalisés” sur Google et vous tomberez sur une armada de résultats. Près de 12 millions ! Ici, on vous propose d’indiquer votre code postal sur un sweat-shirt, là, de graver le prénom de votre enfant sur un bracelet nacré, là encore de choisir la couleur de votre dernière paire de sneakers. Et de plus en plus fréquemment sans frais additionnels.

Besoin d'affirmation et conformité

En marge des sites qui ont fait de la personnalisation leur marque de fabrique, de nombreux labels de prêt-à-porter et de designers aguerris se sont, eux aussi, lancés dans la customisation. Une alternative qui répond à un besoin qui n’est pas neuf, précise Eric Hollander, patron créatif de l’agence de publicité Air. Les grandes tendances se définissent généralement dans un double mouvement. D’un côté, il y a la pression de conformité, qui nous donne envie de ressembler aux autres, d’être reconnu comme membre à part entière d’une tribu quitte à appartenir à plusieurs d’entre elles. Et de l’autre, s’opère un mouvement de distinction, un besoin d’affirmation de soi, qui nous pousse à nous distinguer à l’intérieur de cette même tribu.

Mais cette constante sociologique s’accompagne également d’avancées technologiques. Les plateformes en ligne, par exemple, ont magistralement facilité les processus de personnalisation des vêtements et accessoires. Connectez-vous à l’e-shop de Nike et vous pourrez, en trois clics, élire la couleur de vos baskets, l’épaisseur de leurs semelles et les affubler d’un dicton si le cœur vous en dit. 

Exit la customisation standardisée

Là où la customisation, il y a quinze ans, se limitait à retourner notre K-way réversible ou à interchanger les singes de nos cabas Kipling, elle offre aujourd’hui des outils multiples. La démocratisation des imprimantes 3D n’y est pas étrangère, précise encore Eric Hollander. Choix des couleurs, des motifs, de matières même : tout devient possible ! On est alors
bien loin d’une customisation standardisée, comme c’est le cas quand on personnalise l’étiquette d’une bouteille de Coca-Cola ou un pot de Nutella qui finira par ressembler à ceux de notre voisin.

Dans le spectre des options de personnalisation que l’industrie de la mode met à disposition de ses clients, la nomination est celle qui séduit sans faiblir. Des porte-clés avec initiales aux lacets nominatifs, les lettres s’affichent sur nos tenues pour mieux asseoir notre individualité. En Belgique, Emilie Duchêne a été l’une des premières à susciter le like avec ses bagues nominatives Thea Jewelry.

Bague nominative Thea. Même Rihanna en possède une.

Six ans après son lancement, Thea Jewelry a sublimé le look de dizaines d’icônes de la mode, dont Rihanna et Sarah Jessica Parker, et compte pas moins de 200 000 fans sur Instagram et Facebook réunis.

Une opération win-win

C’est sur les réseaux sociaux que s’exprime magistralement l’attachement de la génération Y aux marques. Les millenials, nés entre le début des années 80 et la fin des années 90, ont un rapport peu évident avec les marques, poursuit Eric Hollander. Il s’apparente souvent à de la méfiance. Cela n’a pas échappé aux enseignes, qui savent pertinemment qu’elles peuvent les séduire et augmenter leur capital sympathie en leur offrant des outils pour se démarquer. Les jeunes consommateurs rêvent de se sentir considérés et impliqués – sans pour autant être complètement égocentrés – en échange de quoi, ils sont prêts à porter la marque et à s’en revendiquer sur les réseaux.

Une stratégie commerciale concluante pour les maisons de mode qui, en offrant un espace de création aux jeunes clients, leur donnent l’impression – ô combien précieuse – d’être entendus.