Saint Laurent, les droits des femmes, … Il ne faudrait pas se tromper de scandale

Parce que se soucier des droits des femmes, cette semaine, pour beaucoup, c’était s’indigner du buzz de ces adolescentes maigrissimes, avachies, placardées dans le tout Paris…

TEXTE INGRID VAN LANGHENDONCK |

Passé le premier choc, qui était certainement l'effet escompté, n’en déplaise à certains, je pense que je n'ai pas de problème particulier avec cette publicité Saint Laurent...

On nous montre des poupées désincarnées, des femmes dans des poses dont l'élégance sera laissée à l'appréciation de chacun, mais, à bien y réfléchir, non, je ne la trouve pas dégradante. Il est fort probable même que Monsieur Saint Laurent, qui a posé nu, qui a commis l'outrecuidance de faire porter le smoking aux femmes ou de faire défiler des mannequins noirs à un moment où personne ne trouvait cela bienséant, se serait probablement fort amusé du mouvement porno chic et de ce petit scandale...

En fait, ces images m'interrogent davantage sur l'éloge de la maigreur ou sur le sens esthétique de certains publicitaires que sur les droits des femmes. Se battre pour les droits des femmes, soyons honnêtes, c'est aller plus loin. Ou plutôt non, c'est aller tout près, à la loupe, dans certains petits réflexes de la vie quotidienne. Quand il s'agit de droits des femmes, en Belgique, en 2017, c'est dans les détails que se nichent les scandales les plus effrayants...

Bien au-delà d’une paire de jambes de deux mètres de long en bas résille. Parce que madame tout-le-monde, vous, moi, votre femme ou votre sœur, vous le savez, bien qu'elle travaille, reste celle qui prend en charge 80% des tâches ménagères. On le sait aussi, à travail égal, elle gagnera près de 9% de moins qu’un homme (oui oui, on le répète chaque année, pourtant, …).

Le 9 janvier dernier, un grand quotidien belge laissait même une tribune ouverte à un « contributeur externe » qui sous le titre « L’écart salarial hommes-femmes n’est pas dû au sexisme » (sic) nous explique qu’en fait aux yeux des employeurs, c’est surtout une question d’investissement personnel, qui serait moindre chez les femmes, vous comprenez, … Euh, je comprends qu’il faut qu’on m’explique en quoi ce genre de parti pris serait autre chose qu’un a priori sexiste. Et dans le même tonneau, on trouve aussi l'accès à l'entreprenariat, l’air de rien…

On s’explique : il n'y a que 36 % des entrepreneurs en Belgique qui sont des femmes. Ce chiffre ne serait pas inquiétant si l'on n’apprenait pas qu'en coulisses, les banques sont bien plus frileuse à leur accorder des prêts pour démarrer leur entreprise (50% de taux de refus de plus que pour les hommes), et ce au seul motif que ‘leur implication dans l'entreprise’ est remise en doute. Comme si être une femme et vouloir créer son entreprise était un hobby.

Comme si nos enfants, notre famille étaient de nature à nous empêcher de nous consacrer à notre activité professionnelle. Et le voilà, le sexisme en col blanc, ce ‘sexisme ordinaire’, que l’on chasse sur les affiches des maisons de mode, alors qu’il est planqué, au chaud, dans les préjugés tenaces de nos administrations, …

Et c’est justement parce qu’il se niche dans un petit coin, sans faire trop de bruit, que le travail qui reste à accomplir pour défendre les droits des femmes sera un travail long et difficile.