Saviez-vous qu’il existe une école des bonnes manières ?

Comment se saluer ? Quand envoyer des fleurs ? L’étiquette, ou l’art de paraître en (haute) société, est toujours enseignée dans certaines écoles de marketing du luxe. Avec, parfois, quelques adaptations à l’air du temps.

L’étiquette, selon sa définition au Larousse, désigne le cérémonial et l’usage dans une cour ou une réception officielle. Soit un ensemble de règles fixées il y a près de deux siècles pour le bien paraître en société. C’est l’étiquette, par exemple, qui impose à un homme d’entrer en même temps qu’une dame dans un restaurant, parce qu’à l’époque, les lieux publics étaient mal famés. Ou de tendre la main droite pour saluer, parce que c’est avec cette main qu’on portait son arme et que la tendre était signe de paix. Ou de ne pas couper sa salade avec son couteau, parce que la vinaigrette rouillait ceux-ci quand ils étaient en métaux oxydables. Ou encore de s’abstenir de souhaiter “Bon appétit” à ses convives – ce qui équivalait à souhaiter “Bon courage” à ces derniers.

Pire période de l’histoire

Si ces règles semblent (et sont) d’un autre âge, elles continuent à être enseignées dans certaines écoles et respectées dans certains milieux. Un non-sens, selon Philippe Lichtfus. Cet ancien chargé de stratégie de communication, enseignant à l’Institut Supérieur de Marketing de
Luxe et à l’Ecole internationale du Marketing du Luxe, à Paris, forme les employés des enseignes du secteur haut de gamme de la capitale parisienne. Et il a un avis très arrêté sur la question. Ces règles de l’étiquette datent de la fin du 19e siècle. La pire période selon moi. Les femmes ne votaient pas, n’avaient pas de statut social autre que celui de leur mari. Aujourd’hui, le monde a changé, certaines femmes ont des postes à responsabilité, et certains hommes restent à la maison. Plus question de reléguer les premières au rôle de bel objet à côté de leur mari. Ainsi, pour ce spécialiste ès étiquette, il faut adapter les règles à une nouvelle réalité sociale. L’étiquette veut qu’une femme reste assise à table pour saluer un nouvel arrivant. Dans un monde égalitaire, ce rituel n’a plus de sens. Elle doit se lever comme ses homologues masculins. De même, au restaurant, si un homme et une femme ne sont pas dans une relation de séduction, il est logique que chacun des deux ait la possibilité d’inviter l’autre.

Le secteur du luxe, aussi, connaît son étiquette et ses codes, qu’apprennent les employés formés de Philippe. Dont une présentation irréprochable, bien sûr, souligne-t-il. Autant visuelle qu’olfactive : vêtement, hygiène, manucure, coiffure, parfum discret… Mais même dans ce domaine, le temps a effrité certains fondamentaux. Autrefois, l’image du luxe était celle d’une clientèle raffinée, aux codes spécifiques. Des majordomes gantés, des voitures et appartement impayables, une certaine aristocratie. Cette clientèle a aujourd’hui complètement changé. Le dénominateur commun, c’est l’argent. Un argent parfois acquis rapidement – dans ce cas, la clientèle ne possède pas toujours les codes ad hoc. La vraie étiquette du luxe, dans ce cas-là, sera d’adapter son discours à la personne qu’on a en face de soi. L’adaptation… dans notre 21e siècle tourbillonnant et changeant, c’est peut-être elle, la véritable étiquette, la preuve ultime de savoir-vivre. Dans les faits comme les paroles. Le meilleur exemple ? La manière de se saluer. En théorie, l’étiquette interdit de dire bonjour tout court, explique Philippe Lichtfus. Parce qu’autrefois, on l’utilisait pour dire bonne journée. Mais aujourd’hui, il s’agit d’un simple signe de salutation. Puisque les codes langagiers ont changé, l’étiquette doit suivre…

Sur ou sous la table ?

Dans le même ordre d’idée, Philippe Lichtfus souligne aussi combien la société - et le monde du luxe - se multiculturalise. Pas facile, par exemple, d’adopter la bonne attitude autour d’une table mêlant Belges et Anglais. Les premiers sont théoriquement tenus de laisser leurs mains en évidence sur la table quand ils ne mangent pas, alors que les seconds doivent, eux, les garder en dessous. Il faut savoir s’adapter en fonction de son interlocuteur, soutient le spécialiste, qui prône donc l’établissement d’une nouvelle étiquette. Soit un ensemble de règles permettant une meilleure communication entre personnes d’horizons divers plutôt qu’une ligne de démarcation entre classes sociales... 

Petit rappel d'étiquette

•  Répondez toujours à une invitation, par le même canal que celui de cette dernière. Invité par carton, répondez par carton. Via sms, par sms.
•  Respectez le dress code. Mais mieux vaut être trop bien habillé que pas assez. Une cravate s’enlève, mais il est plus délicat de dissimuler sa paire de tongs. En théorie, pour les hommes, c’est costume noir proscrit, tout comme les chaussures brunes. Et la cravate doit toujours être foncée et portée sur une chemise claire.
•  Lors d’un repas formel, arrivez les mains vides. Jamais de fleurs, qui encombreraient l’hôte. Si vous souhaitez vraiment apporter quelque chose, pensez à des (bons) chocolats, du vin ou du champagne. Et si vous êtes un inconditionnel floral, envoyez-en la veille de votre venue.
•  À votre arrivée, dites d’emblée bonjour. Mais attendez qu’on vous tende la main. À ce sujet, les règles sont claires. C’est d’abord l’homme qui dit bonjour, et la femme répond en tendant ou pas la main. Entre personnes du même sexe, c’est la personne la plus jeune qui salue, la plus âgée choisissant ou pas de tendre la main.
•  À table, attendez que la personne qui vous invite soit assise ou vous invite à vous asseoir. Aussitôt assis, dépliez votre serviette sur vos genoux et gardez vos mains visibles. Vous pouvez boire de l’eau avant tout le monde, mais devez attendre le signe de l’hôte pour le vin et les alcools. Ne coupez ni pain, ni salade, ni omelette avec votre couteau.
•  L’hôte, lorsqu’il dressera sa table, prendra soin d’alterner homme et femme, et de séparer les couples, sauf ceux mariés dans l’année.