Scapa : 50 ans de réalisme à la belge

La longévité de ce label force le respect. Pour tenter d’en percer le secret, rencontre avec sa fondatrice Arlette Van Oost et Gert Motmans, en charge d’une nouvelle ligne lancée ce printemps.

Par Marie Honnay. Photos D.R. |

À Brasschaat, dans la banlieue d’Anvers, le siège de Scapa Home est entouré d’un vaste domaine habité par de sublimes chevaux, affinité de la marque pour l’univers du Polo oblige. Un lieu accueillant et familial, dont l’ambiance cosy aide à comprendre en partie ce qui dans ce label, séduit les Belges, les Japonais et même… Catherine Deneuve. Scapa dont le nom signifie, en langue viking, “refuge”, souffle cette année ses 50 bougies. Dans un secteur en pleine mutation où les label – tous segments confondus – tentent de se positionner et de se réinventer, cette longévité fascine. Pour tenter de percer le mystère, nous avons rencontré Arlette Van Oost, sa fondatrice, ainsi que Gert Motmans, en charge de Scapa Flow, une nouvelle ligne lancée ce printemps. 

Tout a commencé par un pull créé par votre mari et lancé sous le label Scapa of Scotland. Nous sommes 50 ans plus tard ou presque. Quel est le secret de cette longévité ?

Arlette Van Oost. Tout simplement notre authenticité. Depuis nos débuts, nous sommes restés fidèles à notre ADN. Nous ne nous positionnons en effet pas comme une marque à la mode. Nous la suivons un peu, bien entendu, mais sans tomber dans les extrêmes. Parce que justement, nos clients ne le sont pas, eux, extrêmes. Ce qu’ils veulent, ce sont des produits de qualité. L’inverse de la fast fashion, donc…
Gert Motmans. Cette notion de qualité reste notre fonds de commerce. Pour Scapa Flow, notre nouvelle ligne, nous produisons un tiers des pièces en Belgique. Au départ, il était même prévu d’aller plus loin, jusqu’à 60 %. Le problème, ce sont les ateliers qui ferment et qui ne sont donc plus en mesure de répondre à la demande.

Vous cultivez une certaine belgitude. Peut-on dire que vous êtes le Ralph Lauren belge ?

Arlette Van Oost. Ce n’est pas faux. Les deux marques présentent pas mal de similitudes, dont celles de favoriser l’identification des clients avec un mode de vie, un univers. Beaucoup de nos clients multimarques distribuent d’ailleurs aussi Ralph Lauren.

Mais l’idée que vous incarnez le “classicisme à la belge” ne vous énerve pas ? Gert, vous êtes vous-même est un ancien de chez Terre Bleue, autre label belge à la longévité caractéristique, et au classicisme assumé...

Gert Motmans. Le côté belge ne me dérange certainement pas. À l’étranger, il est plutôt bien vu. Et en Belgique, qui reste notre premier marché, nous nous inscrivons parfaitement dans la culture du pays. Quant à la dimension “classique”, je dirais même que pour une heritage brand comme Scapa, c’est une force. Nos clientes recherchent ce classicisme, le côté rassurant des pièces qui ne passent pas de mode
au bout d’une saison. Il est notre principal atout.

Arlette Van Oost. Scapa est à la mode… sans trop l’être. Je revendique totalement cet équilibre. La présence au sein de nos équipes créatives de jeunes designers comme Gert nous permet de nous positionner habilement à ce niveau.

Comment avez-vous réussi à garder votre place ?

Arlette Van Oost. En offrant un vrai service qui passe, en partie,
par la création d’un univers, d’une ambiance. C’est à ça que servent les boutiques aujourd’hui. À garantir une expérience que la fast fashion n’est pas en mesure de proposer. Dans chacune de nos boutiques, nous présentons quelques pièces de nos collections Home. L’atmosphère des magasins fait partie de l’attrait de Scapa. Et nous n’avons pas attendu que ça soit à la mode pour servir un café à nos clientes… Si ensuite,
elles achètent aussi en ligne, c’est tant mieux.

En 50 ans, le secteur de la mode a connu de nombreux bouleversements. Lequel a été le plus compliqué à gérer ?

Arlette Van Oost. L’arrivée des marques de fast fashion a tout changé mais, finalement, nous avons tiré notre épingle du jeu. Aujourd’hui, nos clientes viennent chez nous pour s’acheter de belles pièces qu’elles vont peut-être porter avec un T-shirt Zara. Ça fait partie du jeu.

Pour durer aujourd’hui, faut-il être réaliste, c’est-à-dire commercial dans le bon sens du terme ?

Gert Motmans. Notre clientèle est très ciblée. Nous savons ce qu’elle recherche : des pièces confortables, pas trop typées et suffisamment intemporelles pour ne pas passer de mode trop vite. Les blazers de notre première ligne, probablement les pièces les plus emblématiques du vestiaire Scapa, sont réalisés en Belgique par un fabricant, le même depuis toujours. Inspirés de la riding jacket (la veste des cavaliers), ils traduisent parfaitement l’esprit Scapa. Quant à nos tissus, ils viennent d’Angleterre, de France ou d’Italie.

Pour résister aux changements du marché, certaines marques ont fini par réduire le nombre de leurs lignes. Vous qui avez fêté les 20 ans de Scapa Home en 2015, et qui lancez Scapa Flow ce printemps, vous faites tout le contraire.

Arlette Van Oost. Avec Scapa Flow, nous nous positionnons dans un segment un peu inférieur. Lorsque j’ai planché sur le label, j’ai voulu retrouver une certaine nonchalance dans l’allure, une notion de confort qu’on ressentait très bien dans les anciennes campagnes et qu’on avait je pense un peu perdue. Il y a un autre avantage. Moins chère, elle est probablement plus facile à vendre sur internet.

Gert Motmans.Scapa Flow nous permet de repositionner la marque dans son ensemble. L’idée, c’est d’être transparents vis-à-vis de nos clients et distributeurs qui doivent facilement pouvoir faire leur choix dans nos différentes lignes en fonction de leur budget et de leurs besoins.

Quelle est la pièce phare de Scapa Flow ?

Gert Motmans. Une robe-tunique bleu marine en matière fluide, idéale pour la ville et la plage. Une pièce élégante, confortable et pas extravagante.

Aujourd’hui, certaines marques tentent de faire parler d’elles par le biais de rapprochements avec des influenceuses. Et vous ?

Arlette Van Oost. Nous collaborons parfois avec une blogueuse belge, Sofie Valkiers, qui, à notre sens, incarne assez bien la marque. Mais ce n’est pas une priorité absolue…

D’autant que vous avez quelques célébrités parmi vos clientes…

Arlette Van Oost. Lorsque nous avons ouvert notre boutique parisienne rue des Saints Pères, dans le sixième arrondissement, il y a déjà 35 ans, Catherine Deneuve - qui habitait le quartier - venait très régulièrement faire des achats chez nous. Elle avait un pull fétiche en coton brillant qu’elle achetait dans toutes les couleurs. Dans cette même boutique, nous avons aussi reçu Caroline de Monaco, qui venait avec sa maman.

Cet anniversaire, c’est l’occasion de faire un bilan. Quel est le prochain challenge pour Scapa ? 

Arlette Van Oost. Notre objectif, c’est de durer, de séduire de nouvelles clientes. Cela dit, je n’aime pas parler d’âge. Aujourd’hui, en mode, ce concept n’a plus de sens. Mes petites-filles de 13 et 16 ans piochent d’anciennes vestes Scapa en velours dans mon dressing. Elles disent que c’est vintage. Et moi, je leur réponds que si elles veulent du vintage, elles n’ont qu’à se servir. La plus belle boutique vintage, c’est ma penderie.  

Les chiffres de Scapa

4. Nombre de lignes : Scapa Première ligne (la plus chic), Scapa Sport (vendue en magasins multimarques), Scapa Flow (la remplaçante de Scapa Originals) et Scapa Home.
14. Nombre de pays où la marque est disponible, dont le Japon.
31. Nombre de boutiques propres. Paris, Rome, Bergen (Norvège) et Luxembourg en possèdent une. Il en existe également deux en Suisse et trois aux Pays-Bas.
100. Nombre de collaborateurs, tous départements confondus.

www.scapaworld.com