On a testé la voltige aérienne

Plus grande patrouille professionnelle civile sur jets, la Breitling Jet Team assure des shows de voltige aérienne partout dans le monde. Se glisser dans leur cockpit durant un vol et se la jouer Top Gun ? C’est désormais possible, pour quelques privilégiés. Grosse, grosse émotion garantie.

Texte et photos Dorian Peck. |

Patrouille de France, Blue Angels, Russkie Vityazi, Red Arrows… Le ciel acrobatique est riche. Mais la Breitling Jet Team, créée il y a tout juste quinze ans, est la seule patrouille professionnelle civile sur jets. Son métier, c’est le spectacle. Sa figure emblématique ? L’Apache Roll, tant copiée. L’un des pilotes y effectue des tonneaux autour des autres en formation, à moins de trois mètres les uns des autres et à plus de 650 kilomètres à l’heure. Pour réussir ce numéro de voltige, contrairement aux patrouilles nationales qui changent un tiers de leur effectif tous les ans, la Breitling Jet Team travaille avec un noyau stable. Vingt collaborateurs pour sept avions. La passion harnachée au corps. 

Il y a de cela deux ans, la Breitling Jet Team quittait le tarmac de la base de Dijon-Longvic où elle est stationnée pour un exode nord-américain de deux ans. Durant cette période, ses fameux Albatros L-39C ont illuminé le ciel outre-Atlantique au gré de 30 shows aériens, 70 démonstrations, 46 300 kilomètres et des atterrissages dans 35 États. Composée essentiellement de vétérans de l’armée de l’air française, la team voit ses sept voltigeurs aujourd’hui de retour dans l’Hexagone. Privilège rare, nous avons eu l’occasion de les accompagner en vol lors d’un show aérien à Dijon. Car depuis le printemps, la Breitling Jet Team propose le programme Jet Formation Flight, une expérience exclusive – 2945 € par personne – permettant d’embarquer à bord d’un des sept avions de la patrouille. Au cœur de cette prestation, un vol de trente minutes où les avions évoluent en solo – pour initier les passagers au combat aérien – et en formation. Les candidats sont nombreux, mais les sensations garanties. On vous raconte.

En démonstration dans le ciel de Dijon. Vitesse de pointe ? 850 km/h!

Plaqué au fond du siège

En cas de gros pépin tu entendras “Éjecte, éjecte, éjecte”. Alors tu tires fort sur ces poignées et tu t’éjectes tout seul. Je ne pourrai rien faire pour toi. Le pilote François Ponsot – surnommé “Ponpon” – a beau avoir un sourire sympathique, on n’en mène pas large en écoutant ses dernières consignes. Ficelé en place arrière dans l’étroit cockpit de l’Albatros, impossible de bouger le petit doigt. Le tableau de bord est austère, du cyrillique est gravé sur les instruments.

Ah ! ben c’est du Soviétique, du costaud, explique un mécanicien en tirant sur les sangles de mon harnais. Il faut que ça tienne, lors des tonneaux. Me voilà rassuré. Sécurités du siège ôtées, verrière fermée, c’est parti pour une grosse, grosse séquence émotion. Le moteur s’enclenche avec un simple bouton. 1800 kilos de poussée ! Le bruit est sourd, résonne dans la carlingue, prend aux tripes. Un puissant flux d’air conditionné envahit le cockpit. Dans les oreilles, les conversations entre les avions et la tour se font au milieu de parasites grésillants. Un peu d’anglais, un peu de français. François Ponsot chantonne et affiche la décontraction du pilote chevronné qu’il est : plus de 6500 heures de vol, notamment sur Mirage F1, Mirage 2000, qu’il a présentés dans les salons aéronautiques internationaux. Lâcher des freins. L’accélération est suffisamment franche pour se sentir plaqué au fond du siège.

Aux commandes des Albatros L-39C, surtout des vétérans de l’armée de l’air française.

Dans sa livrée noire, gris anthracite et gris métal, l’avion avale le bitume comme une flèche déchirant l’espace, pour filer à l’assaut du ciel. Quelques secondes en bout de piste… et c’est parti. À 200 km/h, le nez se lève. À 250, décollage.Instantanément nous voilà en formation. Je vais rester à la gauche du leader, me caler sur lui et tenir ma position, prévient Ponpon. Cap à l’est, au-dessus de Dijon. La formation est serrée. Les avions se rapprochent et évoluent rapidement ailes dans ailes, à trois mètres les uns des autres. Ils ne  forment alors plus qu’un, glissant sur la trajectoire invisible que trace à l’avant de la formation le leader, Jacques Bothelin.

On distingue nettement les bas des visages sous les célèbres casques jaunes. Pas de soucis de vertige, ni de claustrophobie. Vitesse de pointe ? 850 km/h. Mais il faut compter 10 kilos de carburant à la minute, explique Ponpon. Alors on économise, on va se limiter à 650 km/h. En quelques minutes, nous voilà au-dessus des nuages. Premiers virages, premières sensations de la force G. Les choses sérieuses commencent.

Le casque jaune, véritable emblème.

Et l’horizon bascule

Peu de nuages à l’horizon. Les figures s’enchaînent : une boucle, puis une oreille (sorte de grand virage), puis une barrique (tonneau), puis on pointe vers le sol… Les G s’additionnent : 2, 3, 4 G. L’impression soudain de peser trois, quatre fois son poids. C’est comme si le siège avait décidé d’engloutir son passager. Le casque s’enfonce dans les épaules, les bras sont lourds, très lourds. Pour résister et éviter le fameux voile noir, il suffit de bien contracter ses abdos et ça va tout seul, rigole François Ponsot. Facile à dire. Mais ça marche. Virage à gauche, tonneau. L’horizon bascule. La patrouille évolue désormais sur le dos. Suspendu dans les harnais, on réalise alors pourquoi un brêlage serré était indispensable.

Après vingt minutes à ce régime, retour sur Dijon. Au sol, on voit les gens faire des signes, applaudir. Le temps file trop vite. T’es costaud, toi, on va pousser un peu plus… prévient Ponpon avant de faire basculer son avion dans une ultime accélération à 5 G. Wahou ! Mes joues descendent de trois centimètres. Impossible de sourire. Dommage, car le plaisir est complet. Mais le plus dur reste à venir : il faut redescendre sur terre… après avoir tutoyé le ciel. 

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