Wonder Woman, 75 ans pour se trouver

Princesse amazone, vendeuse, secrétaire ou guerrière, la super héroïne embrouille les féministes

Par Julie Huon. |

Elle vient de s’emparer de la tête du box-office nord-américain en franchissant la barre symbolique des 100 millions de dollars de recettes pour son premier week-end dans les salles aux Etats-Unis et au Canada. La Wonder Woman de Patty Jenkins, avec Gal Gadot dans le rôle principal, est un triomphe et franchement: ouf.

Parce que plus personne ne voulait de cette fille à Hollywood. La patate chaude. Une vraie poisse. Produire un film de super-héros dont la vedette est une femme, rentable et encensé par la critique? Mission impossible. D’autant que, du personnage d’origine, il ne restait rien.

Ça avait pourtant bien commencé. « Wonder Woman a été conçue par le docteur Marston dans le but de promouvoir au sein de la jeunesse un modèle de féminité forte, libre et courageuse, pour lutter contre l'idée que les femmes sont inférieures aux hommes et pour inspirer aux jeunes filles la confiance en elles et la réussite dans les sports, les activités et les métiers monopolisés par les hommes.» En 1942, le communiqué de presse pour la sortie de ce nouveau personnage des DC Comics, Diana, seule femme de la Trinité – aux côtés de Batman et Superman – et première à avoir son propre comic book, est super clair: cette bombe est un nouvel archétype de force et de pouvoir.

Mais pas que. Le psychologue William Moulton Marston, conseiller éditorial pour la société All-American Publications, a imaginé une femme non seulement capable de se battre et de mener une armée, de foutre une branlée aux méchants et de gérer ses gadgets technologiques (lasso magique et bracelets à l'épreuve des balles) mais également capable... de gentillesse. Wonder Woman n'arrête pas simplement les criminels, mais veut les réformer.

Une guerrière apaisée

Mais à la mort de Marston –fameux bonhomme, diplômé d'Harvard et inventeur du détecteur de mensonges, un biopic sortira en automne– à partir de 1947, tout part en vrille. Sous la plume de ses créateurs successifs, l’héroïne s’enlise dans des rôles stéréotypés, s’efface devant le mâle-soldat rentré du front, prend des jobs de secrétaire, de vendeuse dans une boutique de vêtements, cherche un mari et, pire que tout, en 1968, elle perd ses pouvoirs...

Patty Jenkins balaie toutes ces horreurs en un peu plus de deux heures et, en ressuscitant la Wonder Woman des débuts, apporte un nouvel éclairage au féminisme 2.0. La nouveauté, pour les millions de spectatrices qui ont déjà vu le film, c’est la candeur de cette amazone qui découvre un homme pour la première fois –Steve Trevor, pilote et espion fraîchement débarqué sur Themyscira, l’île où vit Diana et ses semblables–, sa candeur et sa non-peur, même dans l’obscurité, et son étonnement lorsqu’ils doivent quitter l’île par bateau et qu’il la laisse dormir «tranquille». Tranquille? Comment ça, tranquille? La confiance absolue d’une fille qui a grandi sans l’expérience de la culture du viol, de la violence conjugale, du harcèlement, vestiges de siècles de patriarcat...

La plus kitsch

En principe, la première image qui vous est venue à l’esprit, quand on vous a dit qu’elle revenait, c’est elle. Lynda Carter avec son diadème – tiens, il est à l’envers dans la nouvelle version –, son brushing, sa grande culotte étoilée et ses bottes de majorette. Vous vous souvenez? Elle tournait sur elle-même pour se changer.

L’actrice de Phoenix, ex-Miss USA (parmi les 15 finalistes à Miss Monde 1972), a incarné Wonder Woman à la télévision dans la série de CBS pendant 60 épisodes, de 1975 à 1979. Nous, on la regardait sur Antenne 2.

Lynda Carter, 65 ans, poursuit aujourd’hui une carrière de chanteuse (jazz/blues), soutient Hillary Clinton, milite en faveur du mariage pour tous et des droits des femmes en matière de procréation. Une battante, comme avant, sauf qu’elle s’habille normalement.