Zoom sur le studio anversois Corkinho entièrement dédié au liège

On le connaît dans sa plus simple expression, modestement planté dans les bouteilles de vin. Mais le liège a bien d’autres choses à dire. La preuve avec Cédric Etienne et Klas Dalquist, deux designers anversois qui lui ont entièrement dédié leur studio, Corkinho.

PAR CÉCILE BOUCHAT. PHOTOS D.R. |

La production mondiale de liège est exploitée majoritairement dans la fabrication de bouchons. Pourtant, lesqualités de ce matériau 100 % naturel sont nombreuses et s’avèrent bien utiles dans des secteurs très divers. Timidement utilisé dans le design, il a tout de même réussi à séduire certains créateurs de renom, à l’instar des britanniques Jasper Morrison et Ilse Crawford ou du Français Toni Grilo, pour ne citer qu’eux. Chez nous, Cédric Etienne et Klas Dalquist, deux designers téméraires basés à Anvers, ont décidé de créer une structure qui lui serait carrément entièrement dédiée : le studio Corkinho.

Développant une collection d’objets domestiques et des collaborations avec des architectes pour des projets sur mesure, le duo entend assumer son credo “Cork but not as you know it” : le liège mais pas comme vous le connaissez... 

Qu’est ce qui vous a séduit dans le liège ?

Cédric Etienne. Cela a démarré avec la problématique des déchets, qui était quelque chose qui m’intéressait. J’étais à la recherche d’un langage et d’un matériau qui pourraient s’intégrer à ma réflexion sur le durable. J’ai découvert le liège au hasard d’un voyage au Portugal et il s’est avéré parfait. En dehors de ses propriétés et de ses possibilités formelles, sa culture séculaire, toujours très artisanale, a par ailleurs quelque chose de poétique qui m’a beaucoup touché. 

Comment est né le projet Corkinho ?

Nous avons eu envie de créer une histoire autour de ce matériau pas forcément “sexy” à la base - en tout cas considéré comme moins noble que le chêne ou le marbre. Dans le cadre d’un concours et d’une exposition initiés en 2013 par la maison des arts contemporains Z33 à Hasselt, nous avons conceptualisé une brique en liège, un élément constructif qui pouvait prendre différentes formes. Le projet Corkinho est né à ce moment-là. L’exposition a aussi voyagé à Milan et reçu un très bon accueil. Depuis, la collection s’est orientée vers des objets simples, d’usage quotidien : plat/vide-poches, vases (étanches !), boîtes... Nous avons par ailleurs édité une série d’imprimés — cartes postales et affiches — baptisée Birth et composée d’images prises lors des récoltes de liège. 

Quel est le processus de production ?

Après récolte, les “bonnes“ écorces partent vers le marché du bouchon tandis que le second choix est broyé en granules, placé dans un moule avec une résine naturelle
et une très petite quantité de polyuréthane (2 % à peine). Le tout est ensuite compressé pour obtenir une matière plus ou moins dense et colorée selon les desiderata et usages. Nous développons nos produits avec un fournisseur portugais qui transforme ces granules issus des déchets. 

Comment envisagez-vous le futur du studio ?

Nous allons continuer à travailler parallèlement, à la fois sur notre propre collection d’objets — de nouveaux modèles sont d’ailleurs prévus en septembre prochain — et sur le développement des collaborations avec les marques et architectes. Notre but est également de promouvoir plus largement le liège et, en partageant notre passion, de créer une communauté via notre galerie anversoise. 

www.studiocorkinho.com

Les travaux du studio Corkinho seront présentés à la galerie bruxelloise Maison 8 du 22 février au 4 mars (8 rue Cervantès, 1190 Forest) et à la manifestation Collectible du 7 au 11 mars, www.collectible.design 

Un matériau aux mille vertus

Issu de l’écorce du chêne-liège (ou Quercus Suber, un arbre dont la durée de vie atteint 200 ans), le liège est un matériau 100 % naturel bourré de qualités. Durable, biodégradable, recyclable, polyvalent et léger (son volume est composé de 50 % d’air), il est reconnu pour ses propriétés antistatiques, hypoallergéniques, isolantes au niveau acoustique et thermique, sa bonne résistance au feu et son imperméabilité aux gaz comme aux liquides. Utilisé quasiment à l’état brut, il demande peu de transformations pour obtenir un produit fini, engendrant par là peu de pollution. Utilisé depuis l’Antiquité, il est aujourd’hui exploité dans un grand nombre de domaines, de la construction à l’automobile jusqu’à l’industrie spatiale. Un tiers des forêts de chêne-liège se trouve au Portugal, aujourd’hui plus gros producteur mondial.