48 heures au Mans avec Stéphane Lémeret

Notre journaliste Stéphane Lémeret est aussi un pilote automobile chevronné. En 2017, il réalise un de ses rêves et participe pour la première fois aux 24 Heures du Mans. Il nous emmène en coulisses, au cœur des préparatifs de « la plus grande course du monde ». Carnet de route…

PAR STÉPHANE LÉMERET. PHOTOS : © Georges De Coster. |

2 juin 2017 - 23h30 : Arrivée au Mans

Après une longue route depuis la Belgique, je croise enfin le panneau « Le Mans » pour rejoindre mon hôtel dans le centre-ville. Un petit frisson me parcourt l’échine : cette année, je vais enfin faire partie de la légende, mon rêve depuis au moins dix ans. Curieusement, j’arriverai quand même à bien dormir dans la chambre 312 du « Concordia », trouvée in-extremis par mon équipe allemande.

3 juin 2017 - 11h00 : Arrivée au circuit

Comme un mécanicien est venu me chercher en quad au parking, je débarque dans le paddock - là où les équipes travaillent - avec mon casque en couleurs sur la tête. Mon stand, sur lequel est indiqué en grand DEMPSEY-Proton (car l’acteur Patrick Dempsey en est copropriétaire), est situé juste à côté de celui de Toyota, dont les trois prototypes font figures de favoris du classement général cette année. De quoi immédiatement me faire prendre conscience du fait que je vais participer à un événement de très haut niveau et mondialement connu...

A part Giulio, le team-manager italien, je ne connais personne dans le team. Mais mon « ingénieur-piste » (celui qui va me parler à la radio pendant 24 heures, et qui prend les décisions importantes pour ma voiture), Erich, m’accueille de manière très chaleureuse. Il me fait visiter le stand : la salle des ingénieurs, celle des pneus, les pièces détachées, le camion des pilotes...

Et enfin l’endroit où reposent encore pour quelques heures les trois Porsche 911 de l’équipe. La mienne est au milieu, avec mon nom sur le toit. Emotion ! Je la trouve évidemment magnifique dans sa grande sobriété noire et grise.

Pas le temps de m’éterniser : je dois remplir quelques obligations, et notamment aller montrer ma licence et mon équipement de sécurité aux officiels de l’organisation. L’occasion de prendre un premier bain de foule, les chasseurs d’autographes étant bien renseignés et faisant le pied de grue devant la salle, puisque chaque pilote doit passer par là. Je signe donc mes premières photos du week-end… mais très vite le groupe se détourne de moi. André Lotterer, une des stars du Mans (ce Belgo-Allemand a déjà gagné trois fois les 24 Heures !), arrive pour son contrôle et attire évidemment toute l’attention sur lui ! Me voilà tranquille…

A l’intérieur, je tombe notamment sur Rubens Barrichello, qui va participer pour la première fois au double tour d’horloge. Le pilote le plus expérimenté de l’histoire de la Formule 1 est presqu’un débutant comme un autre ici. Souriant et affable, il se prête au jeu des photos avec les responsables administratifs.

13h00 : Déjeuner avec l’équipe

Quitter la zone du paddock réservée aux équipes et rejoindre celle dédiée à leurs structures d’accueil n’est pas si facile car il faut traverser une horde de fans, qui savent que les pilotes doivent passer et repasser par là sur le temps de midi. Mes équipiers, qui eux ont déjà roulé ici, m’expliquent qu’il faut toujours prévoir un peu plus de temps pour passer à cet endroit, afin de ne pas paraître « rudes » pour les supporters, et prendre un peu de temps pour les laisser prendre l’une ou l’autre photo ou en faire signer de plus anciennes. Il y a déjà des centaines de personnes présentes à cette barrière alors que nous ne sommes que la veille de la journée test. Qu’en sera-t-il le jour de la course !? Au total, on attend 250.000 personnes. La plus grande course du monde, je vous le disais… Des Belges me reconnaissent et m’encouragent. Sympa.

Ouf : mon team est allemand… mais on y mange bien. C’est important aussi pour un événement comme celui-là ! Et l’ambiance est décontractée. Je fais enfin mieux connaissance avec mon jeune équipier autrichien, Klaus Bachler, et je parle plus longuement avec Khaled Al Qubaisi, venu d’Abu Dhabi. Deux excellents pilotes, qui me font partager leur expérience du Mans en m’expliquant pas mal de choses utiles. Je les sens bien : ils me semblent avoir la bonne mentalité pour une course de 24 heures ! Par contre, je découvre que le boss du team ne sait pas que je n’ai jamais roulé ici. Merci pour la confiance mais du coup, il va falloir me montrer à la hauteur et ne pas trop jouer sur mon côté « débutant » pour justifier d’éventuelles mauvaises performances !

14h00 : Faire connaissance avec la bête

Je rejoins le stand (après avoir à nouveau salué « mes » supporters belges, qui n’ont pas bougé) et m’installe pour la première fois dans ma voiture de course. C’est rarement le cas mais je m’y sens tout de suite bien, la position de pilotage étant quasiment parfaite. Bonne nouvelle ! On verra demain s’il en va de même à l’usage.

Direction la piste ensuite mais… à vélo. Avec mes deux équipiers, nous partons reconnaître le circuit, afin d’en évaluer certains pièges. Je devrais pédaler plus souvent car j’ai parfois un peu de mal à les suivre sur les plus de 13 kilomètres du tracé ! C’est inévitable : mettez trois pilotes ensemble quelque part, il faut qu’ils montrent qu’ils sont les plus forts. Surtout sur un circuit. Même à vélo…

Nous tombons sur un groupe de pilotes officiels Porsche, dont à nouveau André Lotterer, et nous terminons le tour avec eux… non sans couper la circulation à plusieurs reprises, une partie du circuit étant encore ouverte à la circulation en cette veille d’essais officiels.

17h00 : Briefing officiel

Je transpire encore un peu en arrivant au briefing des organisateurs, devant lequel les fans ses sont regroupés. Je me retrouve donc avec toutes les stars de cette édition, anciens pilotes F1 et rois de l’endurance mélangés aux pilotes moins connus mais pas moins bons pour autant. C’est aussi cela qui attire autant les amateurs ou semi-amateurs au Mans : la possibilité de rouler dans la même course que quelques-uns des plus grands pilotes du monde, et de faire partie de cette fameuse « légende ».

Je vous fais grâce des conseils du directeur de course, pas plus passionnants qu’ailleurs. Par contre, comme le briefing des commissaires de piste (nos « anges-gardiens ») a lieu juste après le nôtre, nous restons tous dans la salle pour leur faire une « standing-ovation ». Emotion.

22h00 : Rendez-vous avec des Belges

Après avoir dîné avec l’équipe, je rejoins un groupe de Belges au « Le Mans Legend Café », dans le centre-ville. J’y retrouve quelques connaissances, avec qui je bois un petit verre de Côte du Rhône, avant de rapidement rejoindre mon hôtel… non sans avoir dédicacé le livre d’or de ce resto entièrement dédié au mythe des 24 Heures. De quoi faire de beaux rêves…

4 juin 2017 - 8h00 : Connaissances au petit-déj

Après une relativement bonne nuit, je tombe sur mon copain Francesco Castellacci au petit-déjeuner. C’est ma fille qui va être jalouse, elle qui trouve que c’est le plus beau pilote du monde (« mais non, j’ai jamais dit ça papa ») ! Je discute aussi un instant avec Philippe Graton, « Monsieur Michel Vaillant » et fils du créateur du personnage, Jean Graton. C’est ça Le Mans : une ville qui vit entièrement au rythme de la course, et où on ne peut faire un pas sans penser à elle !

9h00 : Les choses sérieuses

A 9 heures pile, les voitures prennent la piste. C’est Klaus, mon équipier pro, qui se charge du « déverminage » de la voiture. Tout se passe bien et je peux donc prendre la piste vers 10 heures. Là, je dois mettre mon émotion de côté car elle pourrait me faire faire des bêtises. Mes dix tours réglementaires (obligatoires pour me qualifier) se passent sans encombre mais la voiture me semble un peu « légère » du postérieur. J’en parle à Erich, qui décide de baisser l’arrière de 2 millimètres. Visiblement, il sait ce qu’il fait car ensuite la voiture est parfaite et nous ne devrons plus la modifier de toute la journée. De quoi me concentrer sur ma propre progression, puisque notre 911 est déjà au top grâce à un super-chrono de Klaus.

Ce circuit est un monstre ! Non seulement on ne peut s’y entraîner qu’une fois par an (ce dimanche, justement), mais en plus, il est extrêmement rapide (on y atteint plusieurs fois près de 300 km/h) et n’offre aucun droit à l’erreur, les murs étant toujours très près de la piste. Il convient donc d’y aller petit à petit pour l’appréhender et c’est ce que je m’applique à faire, tout en essayant de comprendre la voiture, que je ne connais pas non plus. Dans ces conditions, il paraît que mon chrono à 4 petites secondes de Klaus n’est pas mauvais. J’aurais préféré être plus proche de lui mais je dois me montrer patient. La semaine prochaine, nous aurons encore pas mal d’essais avant la course, durant lesquels je pourrai progresser à mon rythme. Je pense savoir ce que j’ai à faire pour y parvenir. Reste juste à appliquer la théorie… sans trop en faire !

18h15 : Débriefing

La journée s’est déroulée à merveille. La voiture n’a pas rencontré le moindre problème, mes équipiers sont rapides et sympas, le team fait ce qu’il faut pour m’intégrer au mieux, l’ambiance du Mans est magique… Que demander de plus !? Une route un peu moins longue pour rentrer à la maison, peut-être !

Rendez-vous après la course pour le récit de ma « semaine du Mans »...