65 degrés, le restaurant gastronomique qui rime avec inclusion

Dans une très chic maison de l’avenue Louise, 65 degrés est un restaurant sans but lucratif (oui, oui, ça existe !) qui prouve qu’avoir un objet social et des assiettes qu’on sauce jusqu’à la dernière petite trace comestible, ça fonctionne bien ensemble

TEXTE ET PHOTOS : FLORENCE HAINAUT ET CARLO DE PASCALE |

Il fait 9 degrés ce jour-là dans la capitale, ma béquille et moi clopinons entre les gens attablés en terrasse. Elles sont pleines à craquer. Le Bruxellois, dès qu’il fait au-dessus de zéro, aime à faire son Barcelonais, le climat méditerranéen en moins. La définition même de l’abnégation pour moi qui passe dix mois sur douze en thermolactyl.

Le lieu

J’ai rendez-vous avec Carlo au 65 degrés. Maison bourgeoise, parquet au sol, hauts plafonds, murs immaculés et fauteuils bleu canard. La clientèle est un mélange de personnes portant des petits foulards imprimés calèche, de jeunes (parfois barbus) en baskets et d’hommes d’affaires anglophones. En attendant Carlo, qui termine de dire des trucs à la télé, je prends un gin tonic (12 €) et j’étudie le menu. J’arrive, je range mon vélo, m’écrit-il. Délicate attention : le restaurant dispose d’une petite pièce fermée dans laquelle il peut déposer son précieux électrique.
Il commande un gin tonic aussi, mais juste un parce que je me lève à 4h20 demain. Un menu unique, toujours pratique pour les gens qui n’aiment pas renoncer : entre 3 services (45 €) et 5 services (65 €), on coupe la poire en deux et on prend le 4. Le restaurant est plein, mais l’accueil et l’accompagnement restent attentifs et efficaces. En mises en bouche, un financier romarin et du saumon mariné, granité au fruit de la passion.

L'assiette

Première entrée : poulpe rôti, fenouil à l’orange, kumquat et émulsion au pastis. On vous avoue qu’on n’a pas goûté le pastis (ça tombe bien, je n’arrive plus à en boire depuis un léger excès un soir de 1999). L’ensemble est cohérent, le poulpe tiède, le fenouil, tranché fin à la mandoline, garde ce qu’il faut de croquant et il goûte bon, le kumquat, me dit Carlo, à qui je ne peux pas donner tort. En couple avec l’animal à tentacules, c’est particulièrement bien vu. En deuxième entrée, l’œuf parfait, une préparation dont est tirée le nom du resto. Le concept est simple : le blanc est cuit à 62°, le jaune à 68°, le tout fait 65 degrés et s’appelle donc… un œuf parfait. Celui-ci était servi avec une crème de pois chiche, des piments doux, du quinoa et un espuma légèrement citronné. Sur papier, c’est moyennement excitant, mais dans l’assiette, on a une espèce de chakchuka légère fort plaisante. La serveuse demande à Carlo si c’est bien lui qui travaille dans Affaire conclue et l’imaginer en antiquaire me fait bien rire. La carte des vins est courte avec des références classiques. Je fuis les sulfites qui, chez moi, riment avec “gros marteau dans la tête” et je recommande un gin tonic.

En plat, Carlo prend le filet de veau en basse température, duxelle de champignons au soja, jus de veau maison, céleri rave et chicon braisé. Il me dit trois fois que le fenouil est délicieux. Comme je l’aime bien, je ne dis rien pour ne pas le vexer. Jusqu’à la quatrième fois parce que bon, quand même. Tu n’as qu’à écrire que le chicon était tellement bien braisé qu’on aurait dit un fenouil. Son veau est fondant, la duxelle, affolante. J’ai opté pour l’option végétarienne, le curry de légumes d’hiver, émulsion au safran. Il est servi avec une espèce de papadum de riz croustillant. Rien à signaler, c’est un bon curry réconfortant avec des légumes qui ont du goût. Mais le plat le plus fort, c’est celui dans lequel je me sers sans vergogne : celui de mon voisin (Carlo hein, je pioche rarement dans les assiettes des inconnus, surtout quand ce sont des hommes d’affaires anglophones).
En dessert, il prend le crémeux au chocolat et café, myrtille, crumble au cacao et mousse légère à la châtaigne. Un vrai dessert de cuisinier, à ne surtout pas confondre avec un dessert de pâtissier, plus lourd, je n’ai pas envie de manger un misérable à cette heure-ci. Je prends la brioche perdue caramélisée, ananas braisé dans son jus, glace vanille bourbon.

Verdict

Le 65 degrés propose une cuisine presque classique sans rien d’inutile, aucune faute de goût ou association hasardeuse. Concernant l’objet social, dont je vous parlais plus haut : toutes les personnes qui assurent le service sont porteuses de handicap mental. Le service est attentif, professionnel, super souriant et rafraîchissant de naturel. Il s’agit d’une asbl de réinsertion, certes. Mais avant tout d’un bon restaurant. Ah oui, pour info, le lieu est tout le temps plein, pensez à réserver ! On paie 152 € et on se fait la bise sans masque. Carlo file, il se lève à 4h20 demain. Et il aura tenu tout un repas avec un gin tonic. Quel homme !

En images, notre repas : 

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