Cap sur l'Aveyron, le pays où tout est bon

Surplombé par le très sauvage plateau de l'Aubrac, ce département français a fait de son terroir et de son savoir-faire de redoutables machines à aiguiser les sens. Découverte et bonnes adresses.

PAR DAMIEN BODART. PHOTOS: © REPORTERS, DR SAUF MENTIONS CONTRAIRES. |

Vu de Belgique, et à moins de déjà connaître la région, l’Aveyron est le genre de coin qu’on nimbe volontiers d’un joli flou géographique : quelque part au centre de la France, à l’écart des grands axes autoroutiers qui descendent vers la mer. Et c’est bien dommage. Logé dans le sud du Massif central, ce département de moins de 300 000 âmes brille en effet d’une lueur particulière. Ses best-sellers : le réputé parc naturel des Grand Causses – troisième plus grand de France, tout en reliefs contrastés — mais aussi le plus discret parc régional de l’Aubrac, un plateau volcanique de 1300 km2 perché à mille mètres d’altitude, aux confins des départements de la Lozère et du Cantal, encadré de profondes vallées.

Un monde en soi, retiré, conservé dans son jus, et qui fait les délices des amateurs de paysages d’une beauté presque invalidante. Les volcans d’Auvergne à l’horizon, des troupeaux de vaches par centaines (et des taureaux, très impressionnants), des champs de gentianes et des prairies à perte de vue, flanquant de minuscules villages.

Direction Saint-Jacques

Outre les gens du cru, les seuls peut-être à saisir aujourd’hui réellement les délices de cette région sont les marcheurs. L’Aveyron et singulièrement l’Aubrac sont en effet traversés par la célèbre voie dite du Puy-En-Velay, un des grands points de rassemblement français du pèlerinage vers Saint-Jacques-de-Compostelle. Une manne financière et touristique pour cette région, vidée par l’exode rural et exposée à un climat particulièrement rude (en hiver, le thermomètre y descendait récemment jusqu’à moins 30). Pour les pèlerins, ces étapes aveyronnaises restent souvent un souvenir phare de leur périple, qu’auront égrené de petits bourgs romans sortis intacts des vicissitudes de l’Histoire : Aubrac, Saint-Chély-d’Aubrac, Estaing, Conques, Saint-Côme-d’Olt…

Il n’y a heureusement pas que le patrimoine monumental et les paysages. L’Aubrac, c’est aussi la terre traditionnelle du laguiole, le fameux couteau à lame yatagan. À Laguiole, on continue à fondre et à assembler comme au temps où la concurrence de la Chine ou du Pakistan n’existait pas, quand chaque paysan faisait usiner son canif individuellement dans les innombrables coutelleries locales. Parce que ne bénéficiant d’aucun brevet ni type de protection, le laguiole “made in Laguiole” a bien failli disparaître. Il est aujourd’hui de retour, par le truchement de nouveaux acteurs du secteur dont les ateliers se visitent toute l’année. 

Soulages et Foster

Le bourg de Laguiole vit aussi au rythme de son fromage, au label protégé celui-là. Une roue de cinquante kilos, élaborée avec du lait du plateau, et 120 jours de cave. Sa tomme fraîche est l’élément clé de la grande spécialité culinaire de la région, l’aligot, sorte de tartiflette auvergnate qui tient particulièrement au corps. Ne pas en abuser, surtout s’il fait office de simple entrée avant l’autre grande spécialité du coin : la viande d’Aubrac, bijou pour carnivores!

Enfin, l’Aveyron, c’est aussi deux célèbres petites métropoles qui, l’air de rien, se disputent le rôle de pôle économique du département. Il y a Rodez, bien sûr, le chef-lieu. Plantée sur une espèce de piton entre les plateaux des Grands Causses et les collines du Ségala, la ville se signale à l’humanité par deux bâtiments diamétralement opposés. D’une part, au sommet de la cité, la cathédrale Notre-Dame avec son clocher dentelé de grès et son curieux double chœur. D’autre part, le Musée Pierre Soulages, ouvert en 2014 pour accueillir les œuvres de cet enfant du pays, peintre mondialement réputé pour ses travaux sur les noirs.

Plus au sud du département, en plein milieu du parc des Grands Causses, au confluent du Tarn et de la Dourbie, se love aussi Millau surplombée par son incroyable viaduc, le plus haut du monde, fruit du génie de l’architecte britannique Norman Foster. Une cité dont le savoir-faire gantier, hérité du Moyen Age, reste une référence mondiale, où les plus grandes marques de luxe du monde continuent de se fournir. L’Aveyron, concentré de plaisirs et de traditions, à 900 petits kilomètres de Bruxelles.  

www.tourisme-aveyron.com

© GRANDS SITES MIDI-PYRÉNÉES. www.tourisme-aveyron.com

Que voir, que faire ?

En Aubrac

En hiver, promenades sur les chemins, souvent enneigés, qui parcourent le plateau. Au début de l’été, la même chose, mais en T-shirt et en admirant les troupeaux, les burons (ces cabanes où les fermiers fabriquaient autrefois le laguiole) et les prairies parsemées de gentianes. Le village d’Aubrac (cinq habitants en hiver) et les vestiges de son monastère du XIIe siècle à l’origine de l’économie de la région. Maison de l’Aubrac, un espace qui informe sur toutes les activités et savoir-faire du parc régional. Botanique et nourriture, surtout. Une bonne base avant tout rodéo trip.

www.maisondelaubrac.fr

Coopérative fromagère Jeune Montagne, regroupant la production de 80 fermes des environs. Visite des ateliers de fabrication de laguiole et de tomme fraîche.

www.jeune-montagne-aubrac.fr

Coutellerie La Forge de Laguiole, qui produit 120 000 lames par an, de tous types et tous prix. Visite des ateliers.

www.forge-de-laguiole.com

Aux alentours

Le village médiéval de Conques, assailli de randonneurs en été, mais splendide site à flanc de vallon, surplombé d’une abbatiale romane aux vitraux minimalistes signés Pierre Soulages.

Le village de Bozouls et son “trou” :  une curiosité géologique, un impressionnant canyon naturel de 100 mètres de profondeur, à pic, en forme de fer à cheval.

Le village médiéval de Saint-Côme-d’Olt, cerné de remparts, et le très curieux clocher flammé de son église.

Le village médiéval d’Estaing avec son pont sur le Lot et son impressionnant château, propriété de l’ancien président Valéry Giscard…

Les gorges du Tarn. Grand classique du tourisme sportif, ce canyon qui parfois atteint les 500 mètres de profondeur est à cheval sur la Lozère et l’Aveyron. Mille points de vue, mille activités possibles: spéléo, escalade, rafting... Les petites sœurs, gorges de la Jonte et de la Dourbie, valent également le détour.  

À Rodez

Le tour de la ville et ses maisons Renaissance, la cathédrale, le musée Soulages, le musée Fenaille et sa curieuse collection de statues-menhirs.

www.musee-soulages.rodezagglo.frwww.musee-fenaille.rodezagglo.fr

À Millau

Le viaduc, bien sûr. Un nouveau centre du visiteur vient de s’ouvrir, sur l’aire d’autoroute contiguë, à la muséographie vertigineuse.

www.leviaducdemillau.com

Les dernières grandes ganteries de luxe de la ville, haut lieu de mégisserie, et leurs petites mains au travail saisissant de précision.

www.maisonfabre.com, www.causse-gantier.fr

À une petite heure de Millau, au bout d’une jolie route, un petit atelier de cuir récipiendaire des techniques à l’origine du sac du berger, objet à peu près indestructible qui accompagne toujours aujourd’hui les pasteurs du sud de la France. Visites. 

www.lesacduberger.com

Où loger ?

En Aubrac

L’annexe d’Aubrac, de jolies chambres d’hôtes à l’ambiance et aux décors naturalistes, dans une bâtisse ancestrale en plein cœur du plateau de l’Aubrac. À partir de 105 €. 

www.lannexedaubrac.com

À Rodez

Le château de Labro, une résidence de prestige du XVIe et ses dépendances, dans un grand parc de campagne, avec larges chambres et mini-appartements, beau restaurant gastronomique, spa et piscine dissimulée dans un petit vignoble maison. À partir de 139 € la nuit. 

www.chateaulabro.fr

À Millau

Le château de Creissels, une grosse demeure du XIIe avec piscine et fitness plantée sur un piton juste à côté de Millau. Un peu vieille France avec sa salle de billard et sa bibliothèque, mais exceptionnel par sa vue sur les Causses et le viaduc. À partir de 84 € en basse saison. 

www.chateau-de-creissels.com

Comment y aller ?

En voiture : Bruxelles-Rodez, 900 kilomètres.

En train : TGV via Paris.

En avion : RyanAir relie Rodez et Brussels-South Charleroi deux fois par semaine entre avril et octobre.