Ces marques horlogères encore indépendantes

De très nombreuses marques horlogères font désormais partie de grands groupes. Face à ces machines de combat, quelques-unes jouent encore la carte de l’indépendance.

PAR MAGALI EYLENBOSCH. PHOTOS : D.R. |

Faire partie d’un grand groupe, c’est bien sûr renoncer à marcher hors des clous, mais c’est aussi profiter d’une structure qui n’offre pas que des désavantages. Notamment en matière de recherches et développements. Aujourd’hui, la plupart des grands noms ont sauté le pas.

Dans le groupe Richemont, on retrouve notamment Baume & Mercier, Cartier, IWC, Jaeger-LeCoultre ou Panerai. Dans la manne du Swatch Group, citons Blancpain, Breguet, Certina, Hamilton, Longines et Omega. LVMH n’est pas en reste avec des noms comme Bulgari, Chaumet ou Hublot. Quant à Kering, il a misé sur Boucheron, Girard-Perregaux et Ulysse Nardin.

Les grandes solitaires

ROLEX.

Toujours indépendante, Rolex s’impose en leader incontournable de l’univers horloger suisse. Fondée en 1905 par Hans Wilsdorf, la marque a toujours été intimement liée au monde du luxe.

On se souvient tous de la petite phrase lancée par Jacques Séguéla il y a une dizaine d’années : ”Si à 50 ans on n’a pas une Rolex, c’est qu’on a raté sa vie !” Avoir une Rolex au poignet demeure un signe de réussite sociale. On ne compte pas les afficionados qui, à travers le monde, sont non seulement avides de découvrir chaque année les nouveautés, mais recherchent aussi les pièces phares qui ont jalonné l’histoire de la Manufacture.

L’Oyster est le modèle mythique de la Maison qui conçoit et produit tous les composants en interne selon des normes extrêmement rigoureuses. Rolex communique peu, voire pas, sur son chiffre d’affaires. Mais il n’y a aucun doute, la marque à la couronne se porte bien.

CHOPARD.

Le parcours de Chopard est plutôt atypique et force le respect. L’histoire commence en 1860, à Sonvilier (Suisse), où Louis-Ulysse Chopard crée une manufacture horlogère de précision spécialisée dans les montres de poche et les chronomètres. Il se forge rapidement une belle réputation et compte le Tsar Nicolas II parmis ses clients.

Son fils, puis son petit-fils lui succèderont. Face au déclin que connaîtra la société pendant la période de l’après-guerre, ce dernier cherche un acquéreur, tandis-que Karl Scheufele décide d’agrandir l’entreprise de montres et bijoux dont il est propriétaire. Avec son épouse, Karin, il sort Chopard du néant pour en faire une Maison internationalement reconnue.

Depuis que leurs enfants, Karl-Friedrich et Caroline en sont devenus vice-présidents, puis co-présidents, la notoriété de la marque ne cesse de progresser avec de beaux objectifs. Karl-Friedrich gère les créations dédiées aux hommes, dont les collections Classic Racing et L.U.C, produites sur le site de Fleurier. Sa sœur, Caroline, est responsable des collections femme, du pôle bijoux et de la Haute Joaillerie.

La marque, qui possède sa propre fonderie sur son site genevois, s’est engagée dans une action à caractère humanitaire ayant pour but de ne plus utiliser que de l'or éthique. Une première dans le secteur. Elle prouve ainsi qu'une Maison indépendante peut se donner les moyens de ses ambitions. 

PATEK PHILIPPE.

Si je vous dis "Patek Philippe", vous me répondrez sans doute "grandes complications". Il faut rendre à César ce qui lui appartient ! Depuis sa fondation en 1839 par Antoine Norbert de Patek et François Czapek, la Maison n’a cessé d’innover et de repousser sans cesse les limites de l’infiniment petit.

Cinq ans plus tard, ils feront une rencontre décisive avec Jean Adrien Philippe, qui reçoit une médaille de bronze pour son système de remontage et mise à l’heure sans clef à l’Exposition nationale des produits de l’industrie à Paris.

En 1851, l’entreprise est rebaptisée ”Patek, Philippe & Cie - Fabricants à Genève”. Pendant la période de l’entre-deux-guerres, la société sera rachetée par les frères Charles et Jean Stern, propriétaires d’une manufacture genevoise de cadrans haut de gamme. Elle ne quittera plus les mains de la famille.

Au fil du temps, la marque multiplie les dépôts de brevet. Citons, en 1889, un brevet pour un mécanisme de quantième perpétuel destiné aux montres de poche, ou en 1949, un brevet pour le balancier Gyromax. Cette Maison de tradition, au savoir-faire incomparable, fait le bonheur des plus grands collectionneurs de garde-temps. Les nouveautés comptent, chaque année, parmi les plus attendues et les plus convoitées.

Les courageuses autonomes

Avec une production raisonnable,quelques petites et moyennes manufactures proposent des produits à la fois originaux et de belle facture. Depuis 2016, certaines d’entre elles jouissent d’une belle exposition grâce au fameux ”Carré des Horlogers” au SIHH (Salon International de la Haute Horlogerie). Il y règne d’ailleurs toujours une belle énergie. C’est incontestablement l’endroit où l’on découvre les propositions les plus atypiques sans pour autant faire l’impasse sur les valeurs horlogères.

H. MOSER & CIE. 

Créée par Heinrich Moser en 1828 et relancée en 2012 sous l’impulsion du groupe familial MELB Holding, H. Moser & Cie fait partie des entreprises familiales suisses et indépendantes qui incarnent le mieux la nouvelle scène horlogère contemporaine. Tous ses mouvements sont conçus et manufacturés en interne.

Basée à Neuhausen am Rheinfall, près de Schaffhouse, en Suisse, ses montres sont dotées de complications qu’elle présente comme simples et fonctionnelles. Disons plutôt qu’il s’agit de garde-temps magnifiquement épurés, élégants et minimalistes qui mettent parfois l’accent sur des complications de haut vol.

Edouard Meylan, son actuel CEO, n’hésite pas à parler de rêves et surtout de passion. Une passion qui le fait monter au créneau lorsqu'il s’agit de défendre ses valeurs. Rappelons qu’il n’a pas hésité à enlever la mention Swiss Made du cadran de ses montres, jugeant la certification beaucoup trop laxiste.

F.P. JOURNE. 

Pour François-Paul Journe, le XVIIIesiècle correspond à l’Age d’Or de la mesure du temps. Pendant plus de trente ans, il restaure des pièces d’exception, refaisant le cheminement intellectuel et culturel de ceux qui ont marqué l’histoire des sciences horlogères.

Pour leur rendre hommage, il crée des pièces dont l’authenticité et les innovations techniques respectent l’éthique de ces grands maîtres, avant d’avoir envie de partager son travail avec un plus large public.

En 1999, il présente sa collection de chronomètres signée F.P. Journe – Invenit et Fecit (inventé et fait). Un credo, une signature qui mettent l’accent sur l’importance d’un calibre inventé et fabriqué dans les ateliers de la Manufacture de Genève.

MB&F. 

On ne peut que saluer le chemin particulièrement original emprunté par une marque qui a le chic pour bousculer un brin les codes traditionnels de l’horlogerie d’antan en s’exprimant par une transparence totale.

Tout a commencé en 2005. Après avoir fait ses armes pendant une quinzaine d’années, d’abord chez Jaeger-LeCoultre, puis chez Harry Winston, Maximilian Büsser décide de créer ce qu’il définit comme étant un laboratoire d’art et de micromécanique voué à la conception et à la fabrication de montres radicales, en petites séries.

Son objectif ? Développer les Horological Machines dont il a rêvé. Des garde-temps futuristes pour ceux qui osent porter des montres différentes et souvent techniquement complexes. La Maison collabore aussi avec L’Épée 1839 pour concevoir d’étonnantes pendules.

CHRISTOPHE CLARET. 

Tous les génies de l’horlogerie ne naissent pas dans la Vallée de Joux ! Christophe Claret voit le jour à Lyon. Au hasard d’une visite chez un horloger restaurateur, il découvre un monde qui va le passionner. Son diplôme de l’École d’Horlogerie de Genève en poche, il parfait ses connaissances chez Roger Dubuis.

À seulement 22 ans, il installe son atelier dans la maison familiale et passe ses journées entre restauration et fabrication de mouvements et montres squelettes. Lorsqu’il rencontre l’industriel suisse Rolf Schynder, propriétaire de la Maison Ulysse Nardin, il reçoit une commande de 20 mouvements à répétition minutes avec Jacquemart.

Christophe Claret crée d’abord sa société à La Chaux-de-Fonds. Lorsqu’il déménage au Locle, il possède toutes les parts de la société et rassemble tous les corps de métiers liés à la création, le développement et la réalisation d’un mouvement ainsi qu’à d’autres parties de la montre telle la boîte. Le manoir du Soleil d’Or se métamorphose progressivement et devient un haut lieu de la fabrication horlogère contemporaine.

Les Belges

On a la bière, le chocolat, la BD... et quelques belles marques horlogères dont nous pouvons être fiers. On en parle bien au- délà de nos frontières !

RESSENCE. 

Avec un petit grain de folie et une précision mécanique sans faille, Ressence remet les pendules à l’heure. Lorsqu'il fonde la marque en 2010, Benoît Mintiens, qui a essentiellement fait ses armes comme consultant dans une boîte de design, a un objectif en tête : remettre en cause le statu quo de la montre mécanique, sa pertinence à notre époque, et apporter quelque chose de nouveau dans un univers qui semble figé sur ses réalisations passées.

Une ambition qui a certainement été taxée d’exagérée... à l’époque. Sauf que, dès la présentation de ses premiers prototypes, Ressence, contraction de ”Renaissance” et ”Essentiel”, fait le grand saut et pénètre par la petite porte dans le monde très fermé de la Haute Horlogerie. La marque associe des calibres de fabrication suisse avec des innovations exclusives développées en interne. Elle met l’accent sur l’interaction qu’il peut y avoir aujoud’hui entre l’utilisateur et un garde-temps mécanique.

Lorsqu’elle est lauréate du prix Horological Revelation 2010 au prestigieux Grand Prix d’Horlogerie de Genève, elle fait figure d’ovni. Depuis, sa philosophie progressiste du design et de la mécanique a fait son chemin et sa représentation intuitive du temps (les aiguilles ont été remplacées par des disques rotatifs) séduit un public très cosmopolite. La production actuelle se situe autour de trois-cents pièces, dont la majeure partie est vendue à l’étranger. Le célèbre adage se vérifie : nul n’est prophète en son pays !

RAIDILLON.

Ne jouant pas dans la même cour mais proposant des montres typées, Raidillon ravit les amateurs de mécanique automobile et autres gentlemen drivers depuis sa création en 2001. Son nom rend hommage au virage iconique du circuit de Spa-Francorchamps.

Son ADN ? Des montres élégantes et intemporelles, mais pas austères, avec des éditions en séries limitées à 55 exemplaires. Un chiffre qui n’est pas le fruit du hasard. Le numéro 55 représente historiquement le nombre maximal de voitures autorisées à participer à une course automobile sur le circuit de Spa-Francorchamps. Si le design est 100 % belge, les mouvements sont estampillés Swiss Made.

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