C'est moi qui t'invite : les Ateliers du midi

Comme chaque semaine, Carlo de Pascale et Florence Hainaut nous emmènent au resto. Carlo est chroniqueur food et conso, Florence est journaliste. Ils aiment débattre sans fin sur les restaurants avec ou sans menu, les vins avec ou sans sulfites. Bref, ils aiment manger ensemble.

TEXTE ET PHOTOS CARLO DE PASCALE ET FLORENCE HAINAUT. |

Manger pour nous, c’est plus qu’un métier, c’est une passion. L’adresse qu’on a choisie cette semaine sort de nos sentiers gastronomiques. Les Ateliers du Midi, c’est un coup de cœur humain, et ça fait du bien !

Par une de ces journées d’été qui donnaient envie de se balader tout juste vêtus d’une casquette et d’un brumisateur, Carlo et moi avons enfilé ce qu’on avait de plus léger dans notre garde-robe et sommes allés nous réfugier sur la grande terrasse ombragée des Ateliers du midi, à 100 m de la gare du même nom. "C’est un organisme d’insertion socioprofessionnelle", nous prévient Eric Stock, le directeur, "il ne faut pas vous attendre à manger comme chez Bon Bon, on fait ce qu’on peut". Ici les prix défient toute concurrence : le lunch est à 10 € (soupe fraîche + plat du jour + café) ou 13 € avec le dessert. Ajoutez à cela quatre ou cinq suggestions par semaine (entre 13 et 15 €), dont une végétarienne et un burger. Il faudrait vraiment être de mauvaise foi pour ne rien trouver qui fasse envie.

La dégustation

Ce midi-là, je prends le plat du jour, un croquant de rouget aux courgettes, purée à l’estragon et coulis aux crustacés. Carlo, dont le manque d’amour pour le poisson est au moins aussi étonnant que ma répugnance pour le fromage, prend la salade avocat-feta-poulet à 13 €. Sur le coup, on ne comprend plus très bien la remarque du directeur parce que c’est franchement bon. "Mais je ne jurerais pas que le coulis aux crustacés soit 100 % naturel", tente Carlo, ce qui nous mène à un quart d’heure de discussion sur toutes ces grandes maisons qui servent de la poudre industrielle en lieu et place de fonds maison. Et pour nettement plus qu’un billet rose pour le lunch.

Une démarche sociale 

En salle et en cuisine, au sein de cette initiative locale de développement de l’emploi, il y a vingt personnes dont quatorze émargeant au CPAS ou inscrites chez Actiris. Ils ont tous vécu une traversée du désert, personnelle ou au sens littéral. Comme Khader, qui est Syrien. Il n’avait jamais mis les pieds dans une cuisine. "Pour toute expérience professionnelle, il nous a expliqué qu’il avait posé du carrelage et changé des pneus. A priori, ce n’était pas gagné. Mais en entretien, on a vu qu’il était super motivé. D’ailleurs, la première semaine de son contrat, il arrivait à 7 h 15 et réveillait la concierge", rigole le directeur.

Un plaisir d'y travailler

Tout droit sorti d’une BD de Mandryka, ce travailleur social, qui a aussi été patron de boîte de nuit à une époque, a un peu l’impression d’être soudainement devenu papa de vingt enfants. Il vérifie que ses protégés arrivent bien à l’heure à leurs entretiens d’embauche, va chercher des biscuits pour les enfants... Ici, les travailleurs en insertion restent entre six mois et deux ans, selon les cas. L’idée, c’est de les remettre au travail. Se lever, arriver à l’heure, apprendre ou réapprendre à se présenter, à être poli, la rigueur, la discipline. Autre figure de ce lieu, Olivier Bosman est le superviseur.

Derrière sa carrure de rugbyman, son grand tablier en cuir et son regard azur, il y a 25 ans d’expérience dans l’horeca et un plaisir quotidien à venir travailler : "Les gens sont hyper réceptifs ici, plus que dans le vrai métier. Et on est triste quand ils partent. Eux aussi, d’ailleurs." Je suis repassée un vendredi, pour goûter la formule unique “buffet à volonté pour 13 €”. Roger, 30 ans, qui avait terminé la veille ses deux ans de contrat, avait quand même pris son service, mine de rien "Je suis venu coacher la nouvelle", assure-t-il. "Mais en réalité, j’ai du mal à quitter cet endroit".

 

Un petit goût de reviens-y...

Certes, on y a moins bien mangé que chez Bon Bon, mais on s’est régalé. Le service est moins guindé, mais vraiment pro, avec cette touche détendue du slip de bain qu’on préfère nettement aux ronds de jambes amidonnés de ceux qui voudraient bien avoir l’air mais qui n’ont pas l’air du tout. Nous y sommes revenus récemment, le plat du jour nous faisait de l’œil. Entre deux bouchées de cochon de lait sauce provençale, on a croisé Roger. Il a trouvé un autre emploi et c’était son jour de congé. Alors il est venu aider. Visiblement il a vraiment du mal à décoller des Ateliers du Midi. Ça nous fait donc un point commun !

Les Ateliers du Midi, 54, rue de Mérode, 1060 Bruxelles. Ouvert tous les midis de la semaine, de 12 h à 14 h. Réservation obligatoire.
Tél. 02 537 54 34

Lire aussi : 

Ron Gastrobar, le bar étoilé au concept innovant qui s’installe à Gand
C'est moi qui t'invite
3 restaurants bruxellois où art culinaire et démarche sociale ne font qu'un