Comment s'occupe Michel Draguet en confinement ?

Le conservateur en chef des Musées royaux des Beaux- Arts de Belgique erre depuis deux semaines dans ses salles vides et arpente les réserves précieuses du plus beau musée d’art du Royaume. Mais il a décidé de nous y emmener avec lui...

PAR INGRID VAN LANGHENDONCK. PHOTO ANAÏS JEANNERET |

L’homme derrière la création du Musée Magritte est un directeur de musée conscient de l’importance des réseaux sociaux et des possibilités qu’offre l’univers digital, et le confinement l’a amené à repenser jusqu’à la notion de visite de ses propres salles... “Je communique assez peu à titre personnel, mais le musée est très présent sur Instagram, sur Facebook et sur Twitter. Nous avons près de 13 500 abonnés sur Instagram, c’est encourageant, mais je suis convaincu de la force des réseaux sociaux qui génère de plus en plus d’activité avec nos publics. Aujourd’hui, cette crise a mis en lumière les limites de ce que l’on peut faire : réaliser des capsules, traduites dans les trois langues nationales, en respectant les lois sur les marchés publics, c’est impayable et trop lourd à mettre en place. On a donc, dans un premier temps, suivi ce que font les autres grands musées en mettant en ligne nos expositions passées, les visites virtuelles, tout le matériel existant. Puis, j’ai eu envie de capsules plus légères, des choses plus spontanées...”

Visite entre amis

Cette balade dans les collections, je l’ai voulue comme une visite entre amis, comme quand je reçois des personnalités et que nous déambulons parmi les œuvres de manière informelle. C’est passionnant parce que les œuvres ont toutes quelque chose à raconter et c’est souvent bien plus actuel que ce que l’on croit : ça parle de passion, de nature, d’adultère ou de politique, cela raconte les drames humains, et quand c’est piloté, expliqué, cela prend du sens.

Je voulais un discours qui ne soit pas lourd ou trop académique, mais vraiment une visite intimiste. Un exemple ? De nombreux peintres anciens ont produit des représentations de la peste. C’est furieusement actuel comme thématique, et souvent on trouve aussi dans ces tableaux, un récit qui est lié à notre identité, une critique du pouvoir en place... L’art contribue à nous faire réfléchir sur notre histoire. C’est ma conviction, et c’est pour cela que, ce qui m’intéresse dans ces visites, c’est de pouvoir ancrer les œuvres dans le présent et donc, de dialoguer avec les toiles, que chacun puisse se les approprier.

Un dialogue entre les oeuvres

Nous avons prévu d’explorer les œuvres majeures, mais aussi de faire un tour dans les réserves, de montrer la structure et l’organisation du musée, les œuvres que personne ne peut voir et les coulisses des collections. Je vais donc essayer de publier une visite tous les deux jours, même si c’est parfois pour moi un exercice de retourner dans mes livres avant de présenter certaines œuvres d’Art Ancien (Michel Draguet est avant tout un spécialiste de l’art belge des XIXe et XXe siècle, NDLR.)... Mais c’est aussi dans mes intentions de ne pas suivre d’ordre chronologique.

Précisément parce que c’est en s’éloignant des guides historiques qu’on installe un ping- pong, un dialogue des œuvres entre elles. C’est une expérience ludique et intéressante pour moi, parce que je réalise qu’après quinze ans dans ce musée, je peux encore revisiter mon propre univers et trouver d’autres manières d’aborder les œuvres. Cette visite informelle m’oblige à créer un parcours, un récit un peu surréaliste qui émerge quand on se laisse aller à errer, à naviguer entre les tableaux... Cette errance est passionnante pour moi et, j’en suis sûr, pour tous ceux qui trouvent parfois que les musées d’art, ce sont de vieilles toiles posées sur de vieux murs.

À suivre ici. 

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