Deux adresses belges pour faire son shopping comme chez soi

Boutique-resto, showroom-salon, commerçants-curateurs… L’extinction progressive des “saisons” dans la mode incite les enseignes haut de gamme à modifier leur approche, voire à remodeler complètement leur intérieur. Explications...

Par Marie Honnay. Photos DR. |

Depuis une poignée d’années, la présence en plein mois de février de pièces à l’allure estivale sur les portants des magasins ne nous étonne plus guère. Tant les marques de luxe que les enseignes de fast fashion ont désormais l’habitude de prendre un maximum de liberté par rapport à l’idée de saisons. Ce qui est plus nouveau en revanche, ce sont les boutiques qui font le choix de privilégier les pièces classiques et intemporelles sans plus se soucier de la division classique printemps-été/automne-hiver. Sur un e-shop ou dans une boutique monomarque, l’exercice est relativement aisé. Lorsqu’il était encore directeur artistique de Yves Saint Laurent, Hedi Slimane a ainsi créé, en marge des nouveautés de saison, une collection permanente composée de classiques du label. De quoi inspirer les multimarques ? Peut-être bien.

Certaines enseignes sont même allées plus loin. Curateurs plutôt que simples commerçants, les propriétaires de ces boutiques cherchent aujourd’hui à proposer à leurs clients une offre personnelle et réfléchie. C’est le cas d’Ilse Cornelissens, propriétaire de Graanmarkt 13, un magasin anversois atypique et inspirant, qu’elle refuse d’appeler concept store et au sein duquel elle a choisi de réinventer les codes. Tout récemment, elle a donc gommé les frontières "printemps-été" et “automne-hiver” et introduit une réelle mixité sur ses portants. À force de proposer de nouveaux produits plusieurs fois par an, les consommateurs n’ont plus le temps de prendre pleinement conscience de la créativité des designers et de la qualité de leurs vêtements.

Le magasin de bijoux de Fabienne Kriwin à Ixelles : organisé comme une maison

Mais comment inciter une clientèle à fréquenter régulièrement une enseigne où les collections se renouvellent moins souvent ? En modifiant d’autres paradigmes, pardi. En témoigne le mot “maison”, de plus en plus souvent employé pour remplacer “boutique”. Au-delà du clin d’œil sémantique, cette quête d’un nouveau luxe à visage humain trouve un écho dans l’agencement des espaces de vente. Lorsqu’elle a planché sur l’aménagement de son magasin de bijoux inauguré ce printemps dans le quartier Brugmann à Bruxelles, Fabienne Kriwin l’a tout naturellement envisagé comme une maison, qui comprend une salle à manger, un petit salon cosy et vintage, ainsi qu’un jardinet. Que cet agencement donne aux clients l’envie d’y rester plus longtemps qu’à l’accoutumée ne semble pas perturber la créatrice. Au contraire. Chaque fois qu’un nouveau client entre ici, il me dit qu’il s’y sent bien, c’est le plus beau compliment qu’on puisse me faire!

Graanmarkt 13, à Anvers : une atmosphère de salon

En 2017, on laisserait donc le temps au temps ? Probablement. Surtout lorsqu’il est question de luxe. Mais là encore, le mot est à prendre avec des pincettes. Chez Graanmarkt 13, on préfère parler de lifestyle, un terme un peu fourre-tout souvent associé à d’autres : “expériences”, “univers”, mais aussi “sérénité”.

Une manière d’inviter les gens à vivre leur moment de shopping en pleine conscience ? Ilse Cornelissens : Nous voulons que nos visiteurs aient envie de découvrir notre monde, qu’ils touchent les matières, les tissus… Au premier étage de la maison, l’espace dédié aux accessoires ressemble en effet davantage au dressing de la propriétaire, voire à une galerie d’art, qu’à une invitation à flamber sa carte de crédit.

Dans ce contexte en pleine mutation, les signatures émergentes ou plus discrètes ont évidemment une carte à jouer. C’est notamment le cas de Lemaire, la griffe cocréée par Christophe Lemaire, ex-directeur artistique d’Hermès. Dès la création du label en 2010, le Français insiste sur sa vision du vêtement en tant que choix culturel. Selon lui, choisir une marque, plutôt qu’une autre, est aussi important que de décider ce qu’on va boire, lire ou manger.

Cette approche engagée qui va dans le sens d’une mode portable, confortable et raisonnée, on la retrouve aussi chez Graanmarkt 13. Détail amusant : le parallèle dressé par Christophe Lemaire avec le contenu de notre assiette fait partie des fondamentaux de l’enseigne anversoise. Lemaire figure parmi les marques que nous avons choisies pour incarner l’esprit maison. Et cet esprit passe également par notre restaurant. L’approche bio et durable du chef (Seppe Nobels, ndlr) cadre avec notre volonté de favoriser la créativité au sein de notre enseigne. Parmi les autres signatures épinglées par Ise Cornelissens, Extreme Cashmere fait clairement figure d’outsiders. Fondée par Saskia Dijkstra et dessinée par Camille Serra, ancienne directrice artistique de Joseph, ce label né à Amsterdam ignore tant les saisons, que les sexes et les tailles. Pour évoquer leur atelier, ouvert au public, les créateur ne parlent ni de showroom, ni de studio, mais bien… d’appartement. Tout un symbole !  

Jewels FabienneKriwin, 32 rue Darwin, 1050 Ixelles, www.fabiennekriwin.com Graanmarkt 13, 13 Graanmarkt, 2000 Anvers, www.graanmarkt13.be