Escale à Doha, l'autre Dubaï

Surnommée la Perle du Golfe, la capitale du Qatar a de grandes ambitions de développement touristique. Découvrez-en les merveilles le temps d’une escale de deux ou trois jours.

Texte et photos: Philippe Berkenbaum. |

Qui dit city-trip dans le Golfe Persique pense immanquablement à Dubaï, la cité des 1001 folies dont on ne décrit plus la démesure. Une autre mégapole de la région, plus discrète mais non moins attractive, fait de plus en plus parler d’elle au fur et à mesure qu’on approche de 2022 : cette année-là, Doha, capitale du Qatar, accueillera (si tout va bien) le prochain Mondial de football après celui de Russie cet été. De quoi lui conférer un rayonnement planétaire qui explique largement son développement à marche forcée. La petite Doha se verrait bien aussi grosse que sa voisine Dubaï. En attendant, elle déploie tout son charme à la croisée des Orients moderne et traditionnel.

La compagnie nationale Qatar Airways l’a bien compris, puisqu’elle propose aux Occidentaux de profiter d’un voyage vers l’Asie, l’Afrique ou l’Océan indien pour séjourner dans ce pays grand comme la Corse le temps d’un stop-over, une escale entre deux vols long-courriers. Plutôt que d’y attendre quelques heures votre correspondance dans le nouveau et luxueux aéroport de la capitale qatarie, pourquoi ne pas vous y arrêter quelques jours, le temps d’en explorer les merveilles ?

C’est d’autant plus facile que le Qatar autorise depuis peu les Européens à demeurer jusqu’à un mois sans visa ni autres formalités douanières. Beaucoup plus qu’il n’en faut pour faire le tour de ce micro-État réputé le plus riche du monde par tête d’habitant – 313 000 Qataris et 2,5 millions de travailleurs immigrés... et le plus sûr après Singapour.

De l’aéroport, il faut emprunter la Corniche pour rejoindre le centre de Doha. Et à lui seul, le spectacle vaut déjà le déplacement. De l’autre côté de la baie qui sépare la vieille ville du centre ultramoderne, la skyline ferait pâlir d’envie l’architecte le plus fantasque, avec ses gratte-ciel aux formes improbables, dont plusieurs ont été construits par le Belge Besix. Mention spéciale à cette immense fusée – certains mauvais esprits y voient un suppositoire – couverte d’une fine structure évoquant un moucharabieh, ce panneau de bois finement ajouré qui, dans les palais arabes, permet aux femmes de voir sans être vues.  

De nuit, le panorama est encore plus saisissant et les autochtones ne se lassent pas de l’admirer au couchant, massés sur les quais qui lui font face. À l’avant- plan, une nuée de barques traditionnelles dansent un ballet effréné sur le morceau de Golfe persique qui sépare les deux berges : on peut louer un “dhow” pour une promenade à la journée, au crépuscule ou sous la Lune, quand les couples se retrouvent pour une promenade romantique et les jeunes pour une soirée endiablée.  

Ces anciens bateaux de pêche rivalisent de guirlandes lumineuses qui colorent le bras de mer et certains montent la musique à fond, pour le plus grand bonheur des passagers. Nous en avons hélé un pour traverser la baie à la tombée de la nuit et débarquer au pied des gratte-ciel les plus majestueux, avant d’arpenter downtown en toute sécurité. L’atmosphère est partout bon enfant, et les couples nombreux même s’ils restent discrets et les femmes bien couvertes. On poursuit la soirée dans l’un de ces restos typiques dont la cité a le secret avant d’aller l’achever au bar d’un palace en forme de paquebot géant – seuls les hôtels internationaux ont le droit de servir de l’alcool.

AU MUSÉE: NOUVEL OU IEOH MING PEI? 

Deux autres points d’intérêt majeurs, au moins, s’imposent sur la Corniche, deux musées que le monde (arabe) peut envier à Doha, nonobstant l’irruption toute récente du Louvre à Abu Dhabi, plus loin sur le Golfe. Il y a d’abord le Musée national du Qatar qu’on doit au même architecte de génie, le Français Jean Nouvel... C’est l’avantage d’une monarchie pétrolière qui a les moyens de s’adresser aux plus grands architectes contemporains pour dessiner ses monuments, reconnaît notre guide du moment Marie-Hélène Everarts, cofondatrice du Belgian Business Club local qui aime consacrer du temps aux compatriotes de passage.

Il y a aussi le Musée des Arts islamiques signé Ieoh Ming Pei, le créateur de la pyramide du Louvre à Paris. Cet audacieux joyau architectural posé lui aussi en front de mer symbolise, dit-on, la tête d’une femme voilée dont les yeux vous suivent où que vous soyez en ville, tel un phare culturel incontournable. Il abrite la plus belle et la plus riche collection des arts de l’Islam en provenance des quatre coins du monde musulman. Mais dehors comme dedans, le bâtiment, dont l’entrée est gratuite, vaut à lui seul le détour. Cerise sur le gâteau, il abrite au sommet le restaurant Idam du chef Alain Ducasse dans un décor signé Philippe Starck (lire l’encadré). 

BIJOUX, ÉPICES, FAUCONS

La journée, le shopping est l’activité favorite des Qataris et des expats qui envahissent les somptueux nouveaux quartiers périphériques de la ville – comme les îlots artificiels de The Pearl dont il faut aller voir la maquette géante au Msheireb Enrichment Centre.

Mais on ne manquera pas d’aller également fouiner dans le souk plus que centenaire, qui vient d’être entièrement rénové à l’authentique, souligne Marie-Hélène. Perdez-vous dans ses allées interminables, laissez-vous gagner par la frénésie commerçante et la joyeuse ambiance qui règne... Ici, vous n’avez pas à craindre le moindre pickpocket, contrairement à ce qui peut se passer dans bien d’autres marchés du monde. Et on peut conclure de belles affaires dans le Gold Souk ou, mieux, le Souk Waqif, qui concentre les échoppes d’épices et d’encens, les boutiques de bijoux anciens et de tissus colorés, les étals des pêcheurs de perles...

Mais la section la plus impressionnante est sans conteste le marché aux faucons, le rapace emblématique du Qatar.  

Les autochtones y trouvent tous les accessoires dont ils ont besoin pour nourrir et habiller leur oiseau fétiche, pour l’entraîner à la chasse ou à la compétition. Un peu plus loin, ne manquez pas d’aller admirer les chevaux blancs de la garde du souk. Cela vous donnera sans doute envie d’assister à une course de chevaux, l’autre animal vedette du pays, connu pour ses compétitions spectaculaires.  

Mais si vous aimez les pur-sang, rendez-vous au gigantesque centre équestre d’Al Shaqab, où sont sélectionnées, élevées et entraînées les plus belles bêtes de l’émirat. Située à 80km au sud de la capitale, sur la côte, la réserve naturelle de Khor Al Adaid est également une pure merveille. On s’y rend pour la journée ou pour y bivouaquer la nuit, à travers un océan de sable où les 4x4 s’en donnent à cœur joie. Ici, près de la frontière saoudienne, la mer pénètre littéralement à l’intérieur des dunes, c’est un spectacle exceptionnel, on ne voit ça nulle part ailleurs, s’enflamme Marie-Hélène. Certains font même du ski ou du surf sur le sable. On peut aussi s’y promener à dos de dromadaire, bien sûr. 

LES PIEDS DANS L’EAU EN PLEIN DÉSERT 

Les vrais amateurs choisiront cependant de se rendre plus au nord, à 40 km de Doha, dans la petite ville d’Al Shahaniya dont l’hippodrome accueille les plus prestigieuses courses de méhara. On y trouve aussi un musée dédié aux collections privées du Sheikh Faisal, dont une quantité 6 impressionnante de voitures privées de toutes les époques. Plus au nord encore, la ville côtière d’Al Khor cache une autre curiosité qui offre un saisissant contraste avec le sable et la rocaille qui couvrent la quasi- totalité du pays.

Les mangroves d’Al Thakira abritent une végétation protectrice peuplée par de nombreuses espèces d’oiseaux comme des flamants roses et autres hérons. On s’y balade en kayak de mer sur des eaux turquoise qui invitent à la baignade, avant d’aller s’échouer sur un banc de sable pour sécher tranquillement au soleil. Seul au monde.

Y ALLER

Meilleure compagnie aérienne du monde en 2017 selon l’organisme d’évaluation du secteur, Skytrax, Qatar Airways opère des vols quotidiens au départ de Bruxelles à partir de 900 €. La compagnie couvre également 140 autres destinations dans le monde via Doha et permet d’y faire escale pour quelques heures ou quelques jours sans visa. www.qatarairways.com

Y LOGER

Adresse de charme au cœur du souk, l’Al Jasra est l’un des neuf hôtels jumeaux formant les Souq Waqif Boutique Hotels by Tivoli. L’endroit idéal pour un court séjour dans la partie la plus animée de la capitale qatarie. Digne des meilleurs cinq étoiles de la ville, il propose des suites magnifiquement décorées à l’orientale à partir de 140 € la nuit. www.souqwaqifresort.com

Y MANGER

Certains le considèrent comme le meilleur restaurant d’Alain Ducasse, le chef français le plus étoilé, qui en a ouvert aux quatre coins du monde. Idam, perché au dernier étage du Musée d’Art islamique et décoré par Starck, propose une cuisine méditerranéenne raffinée aux accents orientaux. Entrées sous forme de mezze libanais, Coockpot signature de légumes épicés, chameau à l’étouffée... Un festival pour les papilles. www.mia.org.qa