Finn Jhul : les pièces du designer danois rééditées

Son nom ne vous dit sans doute rien et vous ne savez probablement pas comment le prononcer. Contemporain d’Arne Jacobsen et de Hans J. Wegner, ce designer a pourtant été célébré, de son vivant, par les Japonais et les Américains. Retour sur l’histoire du nouveau chouchou des mordus de design scandinave.

PAR MARIE HONNAY. PHOTOS D.R. |

Pour comprendre qui est, au juste, ce designer danois dont le nom se prononce “Fine Youl”, nous nous sommes invités dans le showroom de la marque. Christian Poulsen, responsable export pour Onecollection, la maison d’édition qui possède les droits sur toutes les pièces du designer, nous a reçus dans un sublime appartement du centre de Copenhague, un écrin taillé sur mesure pour la Pelican Chair, le canapé Poet ou encore la Chieftain Chair, une pièce très exclusive, best-seller de l’éditeur.

"Dans les années 40, lorsqu’il a commencé à dessiner du mobilier, Finn Juhl n’a pas été compris. Passionné d’art (il adulait Moor et Picasso), il a, sous la pression de son père, fini par étudier l’architecture. Comme il ne trouvait pas de pièces de mobilier à son goût pour les maisons qu’il concevait, il a commencé à en dessiner. À l’époque, l’architecte et designer Kaare Klint – également professeur à l’école des Beaux-Arts de Copenhague – donnait le ton. Contrairement à Jacobsen ou Wegner, Finn Juhl ne s’est jamais inscrit dans le courant du mobilier fonctionnel et accessible défendu par Klint. Son credo : proposer des formes nouvelles, quitte à repousser les limites des techniques d’ébénisterie artisanale et surtout, soigner chaque détail. Comme sur cette table décorée de pastilles en laiton de différentes dimensions. En apparence, elles sont purement décoratives alors qu’en fait, elles servent à indiquer la position des assiettes et des verres en fonction du nombre de convives attendus."

Dans les années 40, personne ne semble croire à ces pièces sophistiquées en noyer, mais surtout en tek, l’essence signature de ce designer aussi perfectionniste qu’incompris. "On a souvent cru que le design de Finn Juhl était élitiste et qu’il privilégiait l’esthétique au détriment de la fonctionnalité. C’est tout, sauf le cas. Prenez la Pelican Chair par exemple. Chacun s’y installe en adoptant une position différente en fonction de sa taille et de sa morphologie. C’est un siège qui épouse le corps. Sur certains buffets en noyer, les pieds sont en tek, une essence de bois plus résistante à l’eau."

Big in America

En 1948, à 36 ans, le designer rencontre Edgar Kaufmann Jr, alors directeur du département design du Musée d’art moderne de New York. L’amitié entre les deux hommes va ouvrir les portes du marché américain à Finn Juhl. Le designer imagine alors le canapé Baker, un modèle plus grand que le Poet, conçu pour les intérieurs danois. Baker fait référence à l’éditeur américain détenteur des droits sur le mobilier de designer avant leur rachat par Onecollection. À ce moment de sa vie, Finn Juhl se rapproche aussi de Charles Eames. "On peut le voir, entre autres, sur certaines pièces de mobilier réalisées en Plywood, une technique chère à Eames", précise Christian Poulsen.

Depuis 1999, Onecollection a réédité une petite cinquantaine de pièces du designer danois. "Dix ans après la mort de Finn Juhl, quand sa veuve nous a cédé les droits de reproduction, sa condition était que nous sortions une nouvelle pièce par an. Compte tenu du caractère très prolifique de son œuvre, le choix ne manque pas. La difficulté, c’est que beaucoup de ses créations n’ont pas dépassé le stade du prototype. Certaines, comme la Chieftain Chair, se vendent aujourd’hui à des prix astronomiques. En 2013, la maison de vente londonienne Phillips a trouvé un acquéreur pour un exemplaire original. Son prix : 675 000 €. Notre chance, c’est que nous pouvons compter sur la collaboration d’un collectionneur japonais basé à Hokkaido. Passionné de Finn Juhl, il accepte de nous prêter les pièces que nous souhaitons rééditer."

Reste à savoir ce qui, 80 ans après ses débuts, peut expliquer ce nouvel engouement pour le travail du vilain petit canard du design danois. Pour Christian Poulsen, ce ne sont ni la tendance du mobilier mid-century, ni la vague rétro, des concepts finalement très éphémères, qui justifient ce retour en grâce : les gens recherchent à nouveau des pièces de qualité aux formes organiques.

"Des pièces enveloppantes qui, parce qu’elles ont été copiées, paraissent déjà familières à ceux qui les découvrent. Celles que nous proposons sont toutefois authentiques et manufacturées au Danemark par nos ateliers et une poignée de sous-traitants locaux spécialisés dans les techniques que nous ne maîtrisons pas en interne. Aujourd’hui, la société emploie une petite trentaine de personnes, toutes passionnées. Notre croissance est organique, mais réelle. Et compte tenu du retour positif de nos points de vente dans un coin reculé du Danemark, au Liban, mais aussi en Belgique, nous pensons que le meilleur reste à venir."

Exposition Finn Juhl - Un Autre Designer scandinave, à voir au magasin de mobilier Désiron & Lizen. Jusqu’au 30 mars, rue des Clarisses 42, 4000 Liège. desironlizen.com

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