La renaissance de la célèbre J12 de Chanel

Difficile de toucher à une icône ! Il fallait le talent d’Arnaud Chastaingt pour réussir à revisiter de manière chirurgicale une montre qui n’avait pas pris une ride.

PAR MAGALI EYLENBOSCH. PHOTOS : D.R. |

Lorsque la Maison Chanel m’a invitée fin novembre à rencontrer Arnaud Chastaingt et à découvrir en avant-première la "nouvelle J12", j’ai d’abord eu envie de crier "Non, vous n’avez pas fait ça ? Quel sacrilège !" Je m’attendais à devoir enterrer une icône. Finalement, j’ai assisté à sa renaissance. Au premier coup d’œil, rien n’a changé. Lorsqu’on y regarde de près, on repère les petits coups de scalpel qui apportent une belle modernité.

Quel a été votre parcours?

En 2000, j’ai 20 ans et je suis étudiant en design. J’éprouve déjà un grand intérêt pour la Maison Chanel et je découvre la nouvelle montre qu’elle vient de sortir sur la page d’un magazine. Le coup de foudre est immédiat.

Vous aimiez déjà les belles montres?

À l’époque, je suis d’avantage séduit par le design que par sa dimension horlogère. Je me souviens de la campagne de communication de Jacques Helleu, le créateur de la J12. Cette silhouette absolument parfaite, cette robe noire inédite, cette allure androgyne et aussi la posture autoritaire. La montre qui vous regardait de manière assez frontale. Elle a changé mon regard sur l’objet "montre" et sur l’horlogerie au sens large.

C’était d’avantage le matériau ou la ligne qui vous interpellait ?

L’objet dans sa globalité. La matière, je l’ai découverte un peu plus tard. La céramique était encore assez inédite. C’était une idée géniale qu’a eu Jacques Helleu de l’utiliser, d’autant qu’on connaît ses qualités aujourd’hui. En 2003, la version blanche sort. Au même moment, je termine mes études et je commence ma carrière dans l’horlogerie en intégrant la Maison Cartier. Était-ce le fruit du hasard ou un choix inconscient ?... Je deviens spectateur de la révolution que la J12 crée dans l’univers horloger.

J’ai relu récemment le texte d’une journaliste qui disait : "Une Maison de mode s’est invitée dans le cercle fermé de l’horlogerie traditionnelle et a fait tomber les barrières."

Commencer chez Cartier, c’est une chance inouïe...

Oui! Avec la naïveté et l’insouciance d’un jeune créateur, je dessine des montres de joaillerie, puis de Haute Joaillerie. Je suis resté 10 ans chez Cartier. Les cinq premières années comme designer horlogerie, ensuite on m’a confié la responsabilité du studio de création parisien.

Il n’y avait qu’une Maison qui pouvait me faire quitter ce poste, et c’était Chanel. J’ai une approche assez atypique. La mesure du temps n’a jamais été mon obsession. Le style, le design, l’allure le sont bien d’avantage. C’est peut-être la raison pour laquelle Chanel est venue me chercher en mai 2013. C’est une Maison où le style prime et la technique s’adapte.

Vos rêves se sont réalisés ?

Exactement! Je considère la J12 comme ma muse. Elle m’a toujours inspiré mais n’en demeure pas moins impressionnante. J’ai d’abord choisi de ne pas toucher à la création originale de Jacques Helleu. Certainement par respect. Mais il était aussi hors de question de la mettre entre parenthèse. Je l’ai d’abord entraînée sur des territoires où on ne l’attendait pas, lui offrant des looks un peu inattendus. C’est à cette occasion que sont nées par exemple les J12.XS, Mademoiselle J12,...

Vous êtes malgré tout arrivé à la conclusion qu’elle devait évoluer ?

Je savais que le face à face était inévitable et que ma responsabilité était de faire en sorte qu’elle reste contemporaine. Ce projet est né il y a quatre ans. Deux options s’offraient à moi. La première était de tout changer. La seconde, de tout garder. Et pour un créateur, c’est l’exercice le plus complexe qui soit. Tout modifier sans rien changer est un véritable paradoxe. C’est devenu une obsession ! J’ai adopté une posture presque chirurgicale.

C’est un travail d’équilibriste ?

Exactement! Et ça prend beaucoup de temps. Parfois on va trop loin et il faut revenir en arrière. J’ai modifié 70 % des composants présents dans la J12. Je n’ai pas créé une nouvelle J12. C’est la J12 d’aujourd’hui et de demain que je vous présente.

Sous la loupe !

L’épaisseur du boîtier monobloc en céramique a été subtilement augmentée tandis que le profil a été adouci afin de conserver les mêmes proportions à l’œil. Il est serti d’une glace saphir permettant d’admirer le nouveau calibre automatique 12.1, certifié COSC, conçu et développé spécifiquement par la manufacture Kenissi pour Chanel.

Afin d’augmenter l’ouverture du cadran, la lunette a été affinée, le nombre de ses gouges passe de 30 à 40. La typographie des chiffres et index a été redessinée. La largeur de la couronne a été réduite d’un tiers et son cabochon de céramique légèrement aplani. Des indicateurs au niveau des heures ont été ajoutés au chemin de fer intérieur qui a,lui aussi, été redessiné.

Pour ancrer totalement la J12 dans les codes de la Maison, les mentions Automatic et Swiss Made sont désormais étampées en typographie Chanel, le Swiss Made était intégré sur le rehaut. La typographie originale des chiffres a également été repensée pour l’optimiser et l’affiner. Appliqués sur le cadran, ils sont désormais en céramique. Les aiguilles ont été revues et corrigées. Heures et minutes ont désormais des largeurs équivalentes avec un ajustement dimensionnel des zones luminescentes en Super-LumiNova.

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