La saga Veja, la basket écolo par excellence

En quelques années, de Paris à Bruxelles en passant par Bordeaux, cette marque française est devenue la chouchoute des bobo chics, en quête de baskets branchées et éthiques. Nous avons poussé les portes de la néo-boutique Veja de Bordeaux pour y rencontrer Sébastien Kopp, le très rebelle co-fondateur du label.

Par Marie Honnay. Photos : D.R. |

Bordeaux, 23 mars 2022. Une poignée de collaborateurs de la marque française Veja, des journalistes, des influenceurs et quelques jeunes militants pour la cause écologique sont réunis au bord de la Garonne pour assister au lancement officiel de la collaboration entre Veja et Sea Shepherd, une ONG internationale qui œuvre, à coup d’actions coups de poing, pour lutter contre le braconnage marin et la surpêche. Au-delà de la basket née de ce rapprochement (un modèle Dekkan en mesh noir avec semelle Vibram vendu au profit de l’association), ce lancement est l’occasion pour la marque de baskets green la plus connue de ce côté-ci de la planète de marteler son message de transparence, d’éthique et de justice sociale.

Vendue dans 50 pays, Veja - une société qui fêtera son 20ème anniversaire l’an prochain - emploie pas moins de 300 collaborateurs. Mais pas besoin de vous présenter la marque, si ? Il suffit de flâner sur la digue de Knokke, le week-end, pour apercevoir des dizaines de femmes, d’hommes et d’enfants, chaussés d’une paire de sneakers reconnaissables à leur logo en forme de V. Mais à en croire Sébastien Kopp, peu de consommateurs sont réellement au courant du projet Veja dans son ensemble. « La plupart des gens qui portent nos baskets savent juste que c’est un label ‘un peu éco’. On nous voit aussi comme ‘une marque brésilienne’. Mais au-delà de ça, peu de clients Veja savent jusqu’où va notre démarche. Ça fait par exemple 4 ans qu’on cherchait en vain une filature de laine pour pousser plus loin notre recherche du produit parfait. On a fini par la trouver. Et notre vraie victoire, c’est de chercher des métiers rares, puis de pouvoir les payer au prix juste, où qu’ils soient dans le monde », avance le quadragénaire passé, en un peu moins de deux décennies, d’écolo hardcore à chef d’entreprise pressé, mais toujours aussi engagé.

La vidéo du jour :

Alors, regarde

En Portugais, Veja signifie « regarde ». Une manière de souligner le désir de transparence de ses fondateurs. Et pourtant, ni Sébastien Kopp (le plus médiatique et rebelle du tandem), ni François-Ghislain Morillion ne parlaient un mot de portugais quand ils ont démarré Veja au début des années 2000. « Nous étions tous les deux diplômés en économie. A l’époque, face aux dysfonctionnements sociétaux et environnementaux auxquels nous assistions, nous avions deux choix : nous opposer ou venir avec une autre proposition. A 24 ans, nous pensions, à notre échelle, pouvoir proposer de nouvelles pistes à des groupes comme Lafarge, Carrefour ou EDF avec lesquels nous avions commencé à collaborer. L’objectif étant de tendre vers une plus grande justice sociale et d’amorcer de vrais changements environnementaux », avance le chef d’entreprise au look mi 11ème arrondissement bobo, mi-baroudeur-intello. « Quand nous avons décidé de nous libérer de ces groupes pour amorcer notre propre projet, nous n’avions chacun que 5.000 euros en poche. On ne connaissait rien à la mode. Encore moins au coton bio ou au caoutchouc. Tout ce qu’on savait, c’est que pour nous qui appartenions à la génération Internet, il était important de nous positionner dans le registre du produit tangible. Nous avions grandi avec des baskets aux pieds. Nous les aimions. Alors, nous avons fait des baskets. D’emblée, nous avons décidé de détricoter les circuits économiques. Pour réinventer le système, nous devions le comprendre. La vraie écologie, c’est ça : savoir regarder, puis agir en conséquence. »

Sébastien Kopp et François-Ghislain Morillion, le duo derrière Veja.

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Sac au dos et baskets aux pieds

Agir, c’était d’abord partir. Et là, on le comprend très vite : les deux jeunes diplômés ont aimé jouer aux aventuriers. Cap sur le Brésil, d’abord, pour rencontrer des producteurs de coton. Ceux-là mêmes qui, à l’époque, étaient dragués par des firmes comme Monsanto, en passe de les conduire massivement vers une agriculture nuisible pour la planète et leur santé. « Aujourd’hui, nous travaillons avec plus de 1.000 producteurs et nous sommes sur le point d’amorcer une nouvelle collaboration avec un projet de coton bio complètement vertical qui va nous permettre de pousser encore plus loin notre volonté de changer les systèmes existants. » Pour le caoutchouc, le duo choisit d’explorer la forêt amazonienne. « Au départ, l’idée de partir là-bas nous faisait marrer, mais lorsque vous débarquez dans des lieux magiques, en proie à la déforestation et que les locaux vous parlent des rivières qui commencent à se tarir suite au réchauffement climatique, vous comprenez l’urgence de votre démarche », précise-t-il.

Une production, éthique, au Brésil, où rien n’est laissé au hasard.

Aujourd’hui, Veja dispose d’une équipe de 6 personnes qui gèrent la récolte de caoutchouc dans la forêt. « Pour nous, grandir n’implique pas de perdre notre âme, au contraire. Quand vous pesez plus lourd sur le plan économique, on vous fait davantage confiance. Nous, ce qu’on veut, c’est apprendre », ajoute-t-il.  Pour nous convaincre, Sébastien Kopp évoque les innombrables collaborations amorcées dès le lancement de la marque. Et si associer son nom aux justiciers de la mer que sont les activistes de Sea Shepherd semble une évidence, on peut s’étonner des rapprochements du label avec des marques de luxe plus commerciales comme Rick Owens, Marni et, tout récemment Mansur Gavriel : « Chacune de ces collaborations nous permet de progresser sur le plan du style, du design, des couleurs. C’est un peu comme faire un stage accéléré dans une école d’art », ajoute Sébastien Kopp dont le discours bien affuté laisse peu de place à la contre-argumentation. 

La faillite du marketing

Il faut dire qu’il est plutôt convaincant, le quadra en baskets. De la production éthique au Brésil à ses programmes d’insertion professionnelle en passant par l’acheminement des paires de baskets en bateau depuis le Brésil ou encore le refus de Veja de faire de la pub – « notre marque, c’est la faillite du marketing » plaisante-t-il -, rien n’est laissé au hasard. Et n’essayez pas de le prendre en défaut sur les composantes de ses baskets. Toutes les sneakers chouchoutes des bobos d’Ixelles, de Paris ou de Milan ne se classent pas dans la catégorie 100% véganes.

« Il y a 6 ans, lorsqu’on nous a approchés pour la première fois pour nous présenter les cuirs végétaux à base d’ananas, de coco ou de raisin, nous avons une nouvelle fois déconstruit la filière pour mieux la reconstruire. Nous faisions déjà des modèles en coton bio et d’autres en cuir (tannés de manière végétal et traçables puisqu’issus d’une chaine bio), mais quand il a été question de passer au 100% végétal, nous n’avons pas du tout été convaincus par les alternatives proposées. En 2019, nous avons donc conçu le nôtre : le C.W.L, une matière biosourcée composée de maïs qui, elle non plus, n’est pas parfaite. J’aime souligner le fait que nous ne sommes d’aucune église. Si nous n’avons jamais ouvert notre capital, ce n’est pas pour rien. Ce qui nous anime, c’est de nous remettre en question quand c’est nécessaire et de faire ce qui nous plait avant tout. »

Comme d’ouvrir non pas une boutique, mais une cordonnerie à Bordeaux, au cœur de Darwin, un lieu hybride dédié aux nouveaux modes de détente et de consommation. Orchestrée par deux artisanes, cette néo-boutique coincée entre une librairie alternative, un café/boutique centré sur le bio, des friperies et un skatepark, propose un service de réparation de baskets tout en récoltant d’anciennes paires en vue d’un projet de recyclage à grande échelle, encore en chantier à ce jour. 

Objectif recyclage  

« Mieux gérer la fin de vie des baskets est évidemment un enjeu majeur », conclut Sébastien Kopp, visiblement agacé lorsqu’on tente de le mettre lui (ou sa marque) dans une petite case. « Pendant 10 ans, nous avons œuvré à la construction de Veja. Maintenant, on dispose d’une plus grande marge de manœuvre qui nous permet de nous lancer dans différents projets, dont cette boutique. A l’ouverture de la cordonnerie en 2020, nous n’avions aucune idée si nous allions avoir 1 ou 1.000 client. Force est de constater que le concept a tout de suite cartonné. Quant à notre projet de recyclage, nous pourrons le lancer dès que nous aurons récolté 10 tonnes de baskets. Mais l’enjeu est de taille ; à la hauteur de la consommation de baskets dans le monde », conclut-il avant de préciser que le reste de l’histoire - notamment les limites du projet en termes de produits, de matières écologiques ou de certifications- sont clairement expliqués sur le site de la marque. Libre à vous de parcourir ces infos ou pas. Mais si vous préférez vous contenter de trouver ces sneakers « trop cools », personne n’y trouvera rien à redire. C’est ça, Veja. 

veja-store.com

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