Le boum du vintage sur Instragram

De plus en plus de jeunes femmes vendent des vêtements de seconde main sur Instagram. Une réponse aux aspirations de leur génération, à la fois férue de mode et de comportements écoresponsables.

Par Cora Delacroix. Photos D.R., Instagram. |

Il n’y a pas si longtemps, Jenna travaillait encore comme juriste dans un cabinet d’avocats. Mais, depuis deux ans, elle passe ses journées à arpenter les friperies parisiennes. Jenna a créé @musitavintage, un compte Instagram sur lequel elle vend des vêtements de seconde main dans l’air du temps et à petits prix. Elle ne s’attendait pas à un tel succès : « Les filles qui m’achètent du vintage viennent des quatre coins du monde. » Parmi les pièces les plus demandées ? Les cardigans australiens et les blouses seventies. 

De plus en plus de jeunes femmes se lancent dans le business du vintage sur Instagram. La plupart ont entre 15 et 30 ans. Comment expliquer qu’elles vendent exclusivement via ce réseau social, alors qu’il existe d’autres plateformes dédiées à la revente de vêtements ? « On communique hyper facilement, il n’y a aucun intermédiaire. C’est un peu comme si je vendais à des copines », reprend Jenna. Pour les transactions, nul besoin de passer par un site internet : tout s’effectue via l’application PayPal ou par virement bancaire.

Un job à plein temps

Gagner sa vie comme “dealeuse” de vintage nécessite du temps. Marie, 30 ans, a ouvert le compte @ninagabbanavintage il y a deux ans, après avoir travaillé dans le prêt-à-porter à Paris. Elle propose des pièces de créateurs signées Jean Paul Gaultier, Chloé ou Roberto Cavalli. « Je passe des heures à parcourir eBay ou Le Bon Coin pour proposer des pièces de qualité, puis à échanger des messages via Instagram. C’est vraiment ma passion, mais je ne compte plus les heures passées sur mon téléphone », sourit la jeune femme. Si Nina Gabbana Vintage n’est suivi “que” par 7 000 personnes, le compte a réussi à séduire une clientèle pointue – elle habille notamment l’excentrique influenceuse Sita Bellan et la jeune star du R’n’B Jorja Smith. Résultat : Marie gagne environ entre 2 000 et 4 000 euros par mois. En raison de la crise du Covid-19, Marie a toutefois décidé de mettre son business à l’arrêt, pour mieux revenir ensuite. En attendant, ses trouvailles sont visibles sur son site internent (ninagabbanavintage.com) et sur sa page Facebook

Il faut dire que la demande en matière de trésors vintage est particulièrement forte parmi les jeunes consommateurs. Ultraconnectés et dotés d’une impressionnante culture mode – grâce aux réseaux sociaux notamment –, ils souhaitent pouvoir s’afficher avec des pièces singulières. Laetitia, une étudiante de 23 ans qui vit en région parisienne, fait partie de ceux qui vouent un culte aux années 1990 : « Je suis constamment à la recherche de sacs à main baguette ou de crop-tops aux couleurs flashy, un peu comme ceux qu’arborait le personnage de Rachel dans Friend’s. Chiner en parcourant des comptes Instagram me permet de tout de suite comprendre l’univers et le style que propose la vendeuse. Et ça m’évite de me rendre dans des friperies loin de chez moi et pas toujours très agréables. »

Une clientèle ciblée

Autre esthétique particulièrement appréciée : celle qui cultive une certaine allure de la “Parisienne”. C’est ce que fait Diane Kari, 27 ans, fondatrice de Fripouille Vintage (@fripouillevintage). On y trouve des pièces à l’esprit romantique et rétro, vendues à des prix abordables. Pour les mettre en valeur, elle prend la pose devant des miroirs anciens ou photographie des copines devant des cafés ou des librairies de la capitale. Diane s’est ainsi construit une impressionnante communauté : @fripouillevintage est suivi par 40 000 personnes et le compte personnel de Diane est suivi par 70 000 personnes.

Une mode circulaire

Un autre facteur explique l’engouement pour les boutiques vintage sur Instagram : la détermination des jeunes à sauver la planète. Comme il devient difficile d’acheter des vêtements sans penser au désastre écologique provoqué par la production de masse dans l’industrie textile, ils sont de plus en plus nombreux à se tourner vers la seconde main. Marie Dewet, 28 ans, a créé il y a peu le compte Instagram @italreadyexisted. Elle entend contribuer à une mode circulaire : « Je n’achète plus rien de neuf, mais j’adore chiner dans des vide-greniers ou dans des brocantes. Il existe tellement de vêtements magnifiques et de qualité exceptionnelle. Et ça me fait plaisir d’en faire profiter les filles qui me suivent », souligne cette Lilloise branchée, qui propose des tops griffés Christian Lacroix, Paco Rabanne ou Mugler.

Un marché concurrentiel

Anaïs, elle, a quitté le milieu de la mode pour se consacrer à Esther Archives (@estherarchived), sa boutique Instagram nommée ainsi en hommage à sa grand-mère. Passionnée par les belles pièces, elle affirme vouloir pratiquer des prix “justes” pour ses vêtements de créateurs (160 euros pour une robe asymétrique Jean Paul Gaultier). Pourtant, depuis 2019, la jeune femme de 30 ans a noté davantage de concurrence : « C’était plus facile quand j’ai débuté il y a deux ans. Aujourd’hui, je vois la différence : on est très nombreuses à vendre du vintage sur Instagram, même si chacune possède son propre style. Quand j’achète des pièces pour les revendre, le prix est plus élevé qu’avant, car tout le monde cherche à faire du business avec le vintage. J’ai donc dû augmenter mes prix de 10 à 20 % récemment. Je vais donc peut-être devoir élargir ma sélection. Et avec le Covid-19, tout fonctionne au ralenti... »

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