Le carnet de voyage du pianiste Sofiane Pamart

Sur son premier album, Planet Gold, le pianiste virtuose avait baptisé chaque morceau d’un nom de ville ; pour le second, Letter, il a parcouru l’Asie, multipliant les sources d’inspiration. A quelques jours de son passage chez nous sur la scène de l'Ancienne Belgique, confidences d’un voyageur qui s’émerveille sans cesse devant la beauté du Monde.

Par Sigrid Descamps. Photos Photonews, Sofiane Pamart. |

Que représentent les voyages pour vous ?
C’est à la fois une façon de m’évader et de m’inspirer. Je déteste la routine. Les voyages me stimulent énormément. Je suis quelqu’un qui aime s’émerveiller. Quand je suis dans une ville étrangère, j’aime découvrir ce que je n’ai pas encore vu, être surpris par un paysage, par un immeuble… au coin de la rue. Un sentiment qu’il est difficile d’éprouver quand on reste tout le temps au même endroit.

Comment choisissez-vous vos destinations ?
Il m’arrive de m’aligner sur les dates de concerts. Quand c’est possible, j’étire alors le voyage de quelques jours pour avoir du temps pour moi pour découvrir la ville où je me produis. Sinon, j’entreprends des cycles de création comme je l’ai fait pour l’album Letter. Là, j’avais décidé que le fil conducteur serait l’Asie et j’ai choisi six pays que j’ai parcourus durant plusieurs mois pour créer. C’est un luxe, mais c’est génial de pouvoir bosser comme ça ; ça me laisse le temps de découvrir, d’immortaliser des moments, des sensations, de m’inspirer, de créer…

Et vous emmenez votre piano avec vous ?
Non, autant je suis fidèle en amitié, autant je suis infidèle à mon piano (rires). On trouve des pianos partout dans le monde. Maintenant, j’aime découvrir un nouvel instrument, en retrouver aussi. En récital, par exemple, j’adore me retrouver sur scène avec un piano prévu à cet effet, dont la seule présence me met déjà dans l’ambiance du concert. Mais pour créer, on peut me donner un peu n’importe quel piano… Un piano droit avec du cachet peut ainsi m’amener à raconter une histoire d’une tout autre manière. Par exemple, je me suis retrouvé à Séoul, dans un appartement en altitude avec une vue dingue sur le fleuve, avec, à ma disposition, un piano droit qui avait du caractère : pour moi, ça, c’est la formule suprême pour créer. J’ai travaillé du lever au coucher du soleil !

Votre dernier grand voyage ?
Le très grand voyage, ce fut celui-là, qui a duré plusieurs mois… en pleine crise du covid ! Tout avait été planifié, organisé, mais la pandémie a démarré et j’ai vraiment changé de pays au fil des décisions sanitaires. Je suis passé d’un pays à l’autre in extremis. J’avais parfois la sensation d’être un aventurier style Indiana Jones, qui courait sur un pont suspendu en train de se désagréger derrière lui… (rires) C’était quand même un drôle de climat pour voyager, mais ça collait bien avec ma personnalité un peu intrépide. Dans un autre registre, je viens de passer une semaine au Portugal et j’ai adoré. Porto, le soleil, l’océan… Il faut savoir que je nourris un sentiment particulier pour l’eau.

Que vous expliquez comment ?
Il y a toute une symbolique derrière. Mon grand-père est berbère, du Sud du Maroc, c’est un enfant de la misère. Dans notre famille, l’eau, c’est précieux, de l’or. L’eau, c’est aussi l’un des principaux éléments de la Terre, elle en recouvre la majeure partie. Pour moi l’eau, c’est l’essentiel, l’immensité… et les océans sont pour moi emplis de mystères, ils ont encore des tas de choses à nous faire découvrir. Enfin, je suis un grand fan de mangas ! Dont One Piece, où le héros s’est autoproclamé roi des pirates, et moi, j’ai voulu devenir le roi des pianistes. J’aime l’exploration, mon piano, c’est un peu  le pendant de son bateau pour parcourir le monde.

Comment se déroulent vos séjours ; vous prenez un guide, vous partez à l’aventure ?
Je me fais aider, je suis toujours accompagné au moins par mon manager. On décide de la carte ensemble, on se fixe des points de repères à partir desquels on improvise une fois sur place.

Quelle ville vous a le plus impressionné ?
Tokyo ! Le Japon dans son ensemble m’a soufflé. Il y a là-bas, une culture de l’exigence et de l’excellence que je n’ai jamais vue nulle part ailleurs. Et ce, quel que soit le domaine qu’ils adorent. Cela ne doit pas toujours être facile à vivre car ça met une sacrée pression, mais ça reste impressionnant. Je suis d’ailleurs resté dans le mood japonais : depuis que j’y suis allé, je suis devenu un dingue de kimonos et j’en commande plusieurs en direct de là-bas. Ce sont des vêtements qui m’inspirent, que je trouve beaux, que j’aime porter sur scène, en interview…

Un artisanat qui vous a séduit ?
J’ai découvert au Japon, le kintsugi, qui consiste à réparer des objets brisés avec de l’or. Je trouve magnifique cette façon de faire d’une pièce cassée, qui a perdu de sa valeur, une nouvelle pièce à laquelle l’or apporte une nouvelle valeur.

Un monument qui a coupé le souffle ?
Le DDP (Dongdaemun Design Plaza) à Séoul, dessiné par Zaha Hadid, que l’on peut d’ailleurs voir dans le clip de Seoul. Il représente bien l’utra-modernisme, le futur élégant… C’est monumental !

Une tradition culinaire que tout le monde devrait goûter un jour ?
Le barbecue coréen ; c’est bon, mais c’est aussi une expérience trop cool à vivre. Ca se passe en rue, il y a toujours bien quelqu’un autour qui s’improvise maître du gril, comme dans nos jardins ici (rires).

L’hôtel le plus dingue où vous ayez séjourné ?
Le Park Hyatt à Tokyo, que l’on voit aussi dans Lost in Translation. Il est magnifique. La chaîne d’hôtels Aman a de très beaux établissements, dont l’Amanjena à Marrakech. Ce sont des hôtels auxquels j’ai accès depuis peu de temps, mais je suis chaque fois époustouflé par la qualité du service, l’élégance, l’architecture… Mon temps est devenu si précieux qu’il est important que je me retrouve dans des conditions inspirantes.

Un site qui vous a époustouflé ?
Le mont Fuji, que j’ai aimé voir de près comme de loin quand j’étais à bord du Shinkansen. Un train à grande vitesse qui vous donne l’impression d’être dans un film de science-fiction. J’aime bien admirer les choses, les paysages en étant en mouvement.

Une tradition qui vous étonne ?
Je m’y perds dans le nombre de bisous à donner d’un pays à l’autre (rires). J’aime les façons de sa saluer d’une manière générale d’un pays à l’autre. C’est révélateur des cultures.

Une galère qui aurait pu mal tourné ?
J’ai effectué une série de concerts sous des aurores boréales, en Finlande. Le lendemain d’une prestation à Kittilä, j’ai voulu aller me balader sur le lac au bord duquel j’avais joué la veille. J’ai emprunté une barque à rames et je me suis laissé avoir par les courants et le vent et je me suis retrouvé coincé durant des heures au milieu du lac. Heureusement, j’avais emmené mon téléphone… et il y avait du réseau !

Un moyen de locomotion insolite que vous avez emprunté ?
 L’hélicoptère, ça reste impressionnant. J’aimerais bien un jour monter dans un sous-marin, dans un dirigeable également !

Une rencontre qui vous a marqué ?
Comme nous sommes en Belgique, je citerai évidemment Arno, avec qui j’ai fait l’album Vivre. Quand j’arrivais en studio, il demandait à voir mes chaussettes et si elles lui plaisaient, on pouvait bosser. C’était un running gag. Cette note d’humour, qui jouait sur un détail, c’était tout lui. Sinon, dans un autre registre, quand j’ai joué au festival Mithra à Liège, j’ai fait la connaissance d’un jeune fan malvoyant, de huit ans, fasciné par la musique et l’Asie. Sa passion et son émerveillement m’ont touché.

L’objet que vous emmenez partout avec vous ?
Mes lunettes solaires et un petit clavier avec lequel je peux pré-composer dans un avion, dans l’aéroport…

Album Letter, Pias - En concert les 4 et 5 juillet (sur liste d’attente) à l’Ancienne Belgique.

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