Le Chameau s’en fout, le bistrot gourmand et sincère

À Leuven, Le Chameau s’en fout est une adresse sincère, sans réelle faute de goût. Mais l’animal à deux bosses tient plus du bon bistro que du grand gastro.

Texte et photos Carlo de Pascale et Florence Hainaut. |

Leuven, une ville qui offre beaucoup de belles expériences gustatives, notamment depuis l’ouverture de la Halle De Smidse (on vous en parlera)... Mais quand Florence m’a annoncé le nom du restaurant, “Le Chameau s’en fout”, j’ai pensé à une tentative ratée d’humour. Mais non, c’est une chanson, dont l’auteur m’échappe, mais dont je vous offre un des couplets, formidablement surréaliste : Il porte sur son échine, les trésors de l’Orient, toutes les soieries d’la Chine, les armes de Kairouan ; il porte la favorite, dont le joli sein s’abrite, sous le voile blanc qu’agite, le souffle doux du désert ; ou bien qu’un gendre en colère, emprunte au vocabulaire, son nom pour sa belle-mère ; le chameau s’en fout, le chameau s’en fout… Alors, quand nous avons découvert la jolie maison qui servait d’oasis à ce chameau, quand nous avons été accueillis dans un français parfait par un hôte à la courtoisie charmante, nous eûmes une folle envie instinctive que tout fût parfait, emportés par le désir que d’une bosse à l’autre, ce chameau nous enchantât de sa poésie décalée.

La carte

Et ça a plutôt bien commencé, menu à 40 € (avec des petits suppléments à droite, à gauche), c’est donc un bistrot gourmand avec menu. Certes je préfère manger à la carte dans ce genre d’endroit mais, de fait, c’est un menu-carte, donc on peut choisir. Et contrairement à Florence pour qui choisir, c’est renoncer, j’aime encore bien choisir, surtout dans ce genre
de maison ! Et justement, le choix n’est pas… facile, car tout donne envie.

Ce restaurant fait un tel sans faute dans l’accueil, la déco et la cohérence de la carte que l’on ne sait littéralement que choisir. Pour l’entrée, on a beau être quatre convives ce soir, on choisit tous la même : une sorte de waterzooi de Saint-Jacques (avec supplément, 5 €) dans une crème de comté au vin jaune. Quoique les Saint-Jacques ne soient pas vraiment saisies (on dit “snackées” maintenant), le plat est bon, profond, gourmand. Pour suivre, deux convives optent pour des côtelettes d’agneau de lait des Pyrénées, avec du céleri-rave, des lentilles, un granola aux épices…  Les énoncés sur la carte sont longs, le chef aime bien raconter tout ce qu’il met dans l’assiette mais, du coup, l’abondance d’annonce tend à renforcer les attentes du mangeur. En tout cas, moi, plus je lis des trucs qui me donnent envie, plus je salive comme un vieux chien de Pavlov. Une côte de porc à l’énoncé tout aussi long séduit l’un d’entre nous et je me laisse tenter par un plus sobre canard confit-choucroute.

Côté vins, l’hôte frappe fort. Ils sont plutôt nature mais surtout bons. Nous demandons sans regarder la carte de commencer par un vin minéral, vif, un jus tranchant pour passer une soirée légère. Le patron respecte le “briefing” à la lettre et nous sort un sublime Exilé de Jousset (Loire) qui me donnerait presque envie de me convertir au blanc à temps plein. Le conseil s’avérera aussi judicieux pour
le rouge qui, certes, à l’ouverture, sent un poil le crin de cheval (Groll’ and Roll de Babass) mais ces arômes de réduction qui n’effraient jamais Florence se dissipent pour laisser la place à de la gourmandise fruitée.

Le verdict

Bon, là, c’est le moment d’appeler un chameau, un chameau… La belle unanimité des convives se fissure. La côte de porc s’avère très quelconque, sans relief, et l’agneau fait le job sans pour autant laisser de souvenir impérissable. Mon canard confit est de belle facture, mais cela reste un plat simple, sans vraie valeur ajoutée du chef, même si la choucroute lui va fort bien. Les desserts évitent la prise de risque, j’opte pour une bien classique dame blanche bien tournée qui fait plaisir, sans me retourner, mais ma gourmandise est comblée. Au final, malgré une addition raisonnable autour des 70 € par personne, nous descendons de notre monture des déserts arides avec une pointe de déception. Ce chameau, qui a le mérite d’être sincère à tous les étages déçoit légèrement faute de tenir ses promesses sur tous les plats de son menu. Et pourtant, nous avions envie d’aimer, peut-être juste un peu trop envie. Si nous étions venus avec l’idée d’un bistro plus qu’un gastro, nous aurions sans doute chanté plus haut. 

Le Chameau s’en fout, 14 Dirk Boutslaan, 3000 Leuven, 016.50.90.14. www.lechameausenfout.be. Ouvert du mardi au vendredi et le samedi soir.