Le come-back de l’instantané

Dans l’ombre de Polaroid, Fujifilm, Leica et Lomography ressuscitent la magie de l’instant sur papier glacé. De nouveaux boîtiers hybrides voient le jour. Vintage mais très tendance.

par dorian peck. Photos D.R. sauf mention contraire. |

Vu de loin, et par le prisme d’Instagram, on ne croirait pas qu’en passant de l’argentique au numérique, la photographie individualisée puisse un jour refaire marche arrière. Et pourtant, il suffit d’un petit coup de nostalgie, d’une cartouche, d’un clic et d’une dizaine de secondes de patience pour qu’un petit bout de papier qui a collé des frissons à des générations de jeunes passionnés ravive la flamme du passé. L’histoire de ce come-back débute en 2010. Fabriqué par le japonais Fujifilm, l’Instax Mini apparaît dans une série télé coréenne à succès.

Les téléspectateurs se prennent alors d’affection pour cet objet coloré qui prend des photos au format “carte de visite”. Alors que tous les constructeurs se font la course aux millions de pixels, l’Instax devient vite un must-have en Asie, puis en Europe. Depuis, le succès ne se dément pas. Aujourd’hui, la gamme Instax de Fujifilm bat tous les records de vente : 6,5 millions d’appareils écoulés à travers le monde.

La raison de cet engouement ? Une réaction esthétique à l’ère de la haute définition, pour les uns. L’aspect “sans prise de tête” et carrément ludique, pour les autres. Et plus que tout, la volonté de garder une trace de l’instant présent… mais sans attendre. Toute la contradiction d’une époque connectée. Car si le smartphone a dévoré l’appareil photo compact, on n’a paradoxalement jamais autant pris de photos… pour en imprimer si peu ! Du coup, on amasse, on thésaurise, on stocke, et puis on oublie. Jusqu’au jour où, entre les vinyles et le Walkman de papa, on trébuche sur un vieux truc un peu carré qui, comme son logo chromatique, frise la perfection : le Pola.

L’histoire d’un instant

Imaginé un soir de Noël 1942 par un Américain, Edwin Herbert Land, le Polaroid intronisa, bien avant l’ère numérique, le règne du tout-en-un et la magie de l’immédiateté. Un lumineux procédé qui a inspiré des hordes de photographes : Peter Beard, Andy Warhol, Robert Mapplethorpe, Helmut Newton, Julian Schnabel… L’appareil à développement instantané devient un phénomène planétaire avec le Polaroid SX70, “le premier instantané grand public”. 

Avec son déclencheur qui claque comme un clap de cinéma, et les 10 secondes d’impatience qu’il procure, avant de recracher le cliché, l’improbable survient. En septante ans, Polaroid a mis en circulation dans le monde près de 320 millions d’appareils. Mais l’avènement du numérique et du protocole de Kyoto – qui a rendu illicite l’utilisation de certains produits chimiques – ont eu raison du vénérable procédé.

En 2008, Polaroid fait faillite, abandonnant l’exclusivité de ses brevets. Depuis, le japonais Fujifilm, devenu fabricant d’appareils, a repris le flambeau. Une autre entreprise, The Impossible Project, fondée par l’Autrichien Florian Kaps, a racheté la dernière usine de films instantanés Polaroid aux Pays-Bas, évitant ainsi sa fermeture. L’entreprise fabrique ses propres appareils qui allient techniques vintage avec des options modernes, comme le déclenchement par Bluetooth à partir d’un smartphone. Le groupe Polaroid lui-même renaît de ses cendres, avec un nouvel appareil mi-numérique, mi-argentique. Reste que si le côté ludique de ce type de photo est incontestable, il faut toutefois y mettre un bémol : le prix.

La photo instantanée revient en effet plutôt cher. Il faut débourser 1 € pour un cliché de petit format alors qu’une photo argentique, achat de la pellicule et développement compris, revient en moyenne à 20 centimes l’unité. L’immédiateté a un prix.

Notre Top 4

Instax Square SQ10 : l’hybride de choc

Premier à avoir cru au retour de l’instantané, FujiFilm ne cesse d’enrichir sa gamme Instax. Mais le petit dernier, l’Instax Square SQ10, révolutionne carrément la donne. Comme son nom l’indique, ce modèle haut de gamme est capable d’imprimer des photos au format carré de 6,1 cm. Mais sa particularité, c’est son côté hybride. L’appareil fonctionne selon deux modes, automatique ou manuel. Le premier le transforme en Instax classique, avec tirage immédiat du cliché. Le second reprend le fonctionnement d’un appareil photo numérique. Avec sa manette façon iPod, sa carte mémoire, son écran LCD et sa gamme de filtres qui permettent de retoucher vos photos – comme sur Instagram –, on fait du vieux avec du neuf, du vintage avec les nouvelles technologies, et le présent ultraconnecté prend immédiatement les allures mi-saturées, mi-délavées d’un cliché Polaroid des années 70.

Instax Square SQ10, 289 €.

Lomo Instant Wide : l’air des grands espaces

Avec leur look soviétique et leur simplicité, les boîtiers Lomo’Instant de Lomography s’immiscent aussi dans la danse. Lomo a rapidement créé pour deux de ses appareils vedettes des “dos instantanés. Ainsi, pour respectivement 79 € et 99 €, il est possible de transformer son Diana F + (79 €) ou son LC-A + (249 €) en Pola, à condition d’utiliser les films du fabricant nippon. Déjà auteur d’un modèle mini (89 €), Lomography propose désormais un boîtier maxi baptisé Lomo’Instant Wide. Au menu : des clichés de 10 cm sur 6, un flash débrayable, un objectif grand angle, un macro et cinq filtres colorés.

Lomo Instant Wide, 199 €.

Prynt : spécial smartphones

Prynt, pépite française installée à San Francisco, sort un peu du lot avec un concept très ingénieux. Grâce à la mini-imprimante Prynt Pocket, toute la magie du Pola se greffe au dos de votre iPhone. À peine plus épaisse qu’une coque de protection, elle permet d’imprimer instantanément ses photos numériques sous forme de stickers à coller.

Prynt Pocket, 159 €.

Polaroid Pop : l’instantané ecofriendly

Si depuis son rachat, la marque Polaroid commercialise surtout smartphones, tablettes et écrans télé, elle a récemment repris le développement de ses appareils. Fin 2016, le groupe lançait un modèle hybride, le Polaroid Snap Touch. Équipé d’un capteur de 20 mégapixels et d’un écran tactile, le nouveau Polaroid Pop confirme cette tendance. En plus de faire des photos, il permet aussi d’enregistrer des vidéos en Full HD et d’envoyer ses clichés à d’autres appareils via Bluetooth. Cerise sur le gâteau : les photos sont imprimées au format 5 sur 7,6 cm, emblématique de la marque. Mais la technique d’impression est bien différente. Le Pola version 2017 est en effet équipé d’une imprimante photo Zink, qui utilise la chaleur pour activer des cristaux de couleur. On garde la sensation culte d’antan, la chimie en moins.

Polaroid Snap Touch, 199 €.