Le soulier classique va-t-il remplacer nos baskets ?

Si vous avez l’habitude de porter des baskets avec tout, si l’achat de votre dernière paire de chaussures remonte à votre mariage (voire votre communion), vous passez à côté d’un revival, certes de niche, mais d’un revival tout de même. Pour saisir l’importance de cette micro-tendance, nous nous sommes glissés dans les petits souliers de bottiers anglais.

Par Marie Honnay. Photos : Maison Degand |

Distributeur de Gaziano & Girling et d'Edward Green, les deux maîtres bottiers qui nous ont ouvert les portes de leur atelier, le tailleur belge Pierre Degand compare volontiers les souliers à du... caviar. Même lorsque le mot caviar apparaît sur l’emballage, ça ne veut pas dire que le contenu sera délicieux, avance-t-il pour souligner le caractère hautement qualitatif des maisons dont nous sommes sur le point de percer certains secrets. Le revival du soulier classique masculin concerne, nous n’allons pas tarder à le constater, les chaussures issues d’ateliers où la recherche des plus beaux cuirs est une obsession. 

Si Pierre Degand déplore que, même chez Harrods à Londres, le département “chaussures classiques” ait été remplacé par des rangées de sneakers, il rappelle qu’il reste des artisans qui continuent de perpétuer une tradition dans le registre du soulier masculin. Un atelier artisanal produit entre 2 500 et 4 000 paires par an, contre 400 000 pour des marques comme Church’s, par exemple. Il faut parfois jusqu’à 60 heures à un bottier pour fabriquer une seule paire, précise-t-il. Si les griffes que le tailleur bruxellois défend célèbrent la tradition anglaise dans ce qu’elle a de plus noble, ça ne les empêche pas de s’inscrire dans les tendances du moment. La preuve : la Galway, le modèle phare d’Edward Green, une chaussure traditionnellement portée par les chasseurs, est à nouveau au centre de toutes les convoitises.

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Un modèle anniversaire

À l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de sa boutique d’accessoires, Pierre Degand a d’ailleurs fait réaliser ce modèle dans un Tweed Harris tissé à la main en Écosse, dont la couleur rappelle celle du cuir. Le tailleur n’en est pas peu fier. D’autant que, comme il le souligne, de légères modifications rendent les modèles actuels plus confortables, mais aussi plus tendance. De manière générale, les bottiers anglais proposent des modèles souples avec une semelle et un cuir plus légers tout en gardant l’esthétique générale du soulier, ainsi que des finitions qui ne craignent pas l’eau. Parce que oui, la campagne anglaise... c’est plutôt mouillé. Les bottiers de cette trempe ne proposent pas de collection dans le sens premier du terme. Le sur-mesure, les commandes spéciales et les adaptations de leurs classiques suffisent à nourrir leur créativité. Dans ces ateliers, on s’attarde plus volontiers sur le travail technique. Alors que d’autres marques accélèrent les temps de séchage en passant les souliers au four lors de la fabrication, les vrais bottiers n’hésitent pas à les laisser reposer trois semaines sur une forme si c’est nécessaire, conclut Pierre Degand.

Lire aussi : Les coulisses du savoir-faire des souliers de la ligne DIOR ÉTOILE

Sur les traces d'Hemingway

Dans l’atelier du bottier anglais Edward Green, implanté dans la région de Northampton, ils sont environ soixante artisans à façonner des souliers d’exception. Et ils sourient tous. Un détail qui n’étonne même plus Hilary Freeman, la femme à la tête de cette maison fondée par le fameux Edward en 1890. Malgré la spécificité du métier, nous n’avons pas trop de mal à trouver des artisans qui veulent venir travailler chez nous. Il arrive d’ailleurs souvent que nos collaborateurs recommandent des bottiers qu’ils connaissent.

Derrière l’un des établis, on peut lire “We make the best shoes we can”, un message rempli d’humilité qui a le mérite de rappeler que l’artisanat est d’abord et surtout un jeu d’essais et d’erreurs. Nos souliers – c’est le cas du modèle Galway dont chaque détail est pensé dans un vrai souci de confort, comme l’absence de doublure au niveau de la cheville qui, à l’origine permettait aux chasseurs de se coucher par terre pour guetter le gibier – ne sont pas liés à la mode. Ce sont des classiques ancrés dans la tradition. D’ailleurs, je n’aime pas le mot “luxe” qui, de nos jours, ne veut plus rien dire.

Si Hilary Freeman nous confirme que le sur-mesure a le vent en poupe, elle aime préciser que même les souliers standards affichent une qualité exceptionnelle. Hilary Freeman nous parle du derby Dover : Notre autre modèle iconique, qui repose sur un cousu main, unique en son genre. Cet ancrage dans la tradition ne nous empêche pas de réfléchir en permanence à des améliorations techniques qui rendent nos souliers encore plus raffinés. Cela dit, nos clients ne nous demandent pas de tout réinventer en permanence. Ce qu’ils veulent, c’est l’esprit Edward Green. C’était déjà le cas du temps d’Ernest Hemingway, fidèle de la maison. Ça l’est encore aujourd’hui. Si nous restons fidèles à nos classiques, on aime toutefois écouter les propositions de nos clients. Comme lorsque les Italiens nous ont suggéré d’affiner la Galway pour la faire coller à l’air du temps. Encouragés par les Françaises qui rêvaient de porter des souliers aussi confortables que ceux des hommes, nous avons aussi lancé des modèles féminins. Jamais les Anglaises n’auraient eu cette idée (elle rit) , conclut-elle.

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