Les mots du monde d’après Gilles Dal : « Télétravail »

Comme chaque week-end, Gilles Dal nous décrypte un mot du monde. Cette semaine, place au "Télétravail".

PAR GILLES DAL. PHOTO LAETIZIA BAZZONI / Bench Accounting on Unsplash |

La définition officielle du télétravail, je vous la livre séance tenante : il s’agit d’une activité professionnelle exercée à distance du lieu où le résultat du travail est attendu. Dit comme ça, c’est un brin confus, alors je vous la fais plus simple en parlant plutôt de travail effectué de chez soi. Mais attention : tout travail effectué de chez soi n’est pas pour autant du télétravail ! Si, par exemple, vous tenez un mini-golf tout en vivant dans la guérite où vous stockez les balles, les sticks, les fiches de scores et les petits crayons, vous n’entrez pas dans les critères. De la même manière qu’un forgeron mésopotamien n’effectuait pas de télétravail au motif qu’il forgeait de chez lui et que le Pape, quand il prononce son homélie à la basilique Saint-Pierre de Rome, ne télétravaille pas.

J’affine donc ma définition en parlant alors d’activité effectuée ailleurs qu’en ses locaux habituels, qui nécessite par surcroît une bonne connexion Internet. Le critère est simple, du coup : si vous n’avez pas besoin de WiFi ou de 4G, ce n’est pas du télétravail. C’est en cela qu’il s’agit d’une coutume inédite dans l’histoire de l’Humanité, qui s’apparenterait presque à une forme légère de téléportation, et qui, de ce fait, aurait semblé absolument incompréhensible à des gens comme Louis XIV, Vercingétorix ou Nabuchodonosor. Qui aurait pu imaginer Napoléon dirigeant ses troupes par Zoom, Hippocrate envoyant son serment par e-mail, Shakespeare devisant sur WhatsApp avec son éditeur ? L’inconcevable est devenu la norme.

Ce qui pose cette question à la fois grisante et vertigineuse : quelles pourraient donc être les normes du futur, qui sont inconcevables aujourd’hui ? Réunions sur orbite, messages d’une galaxie à l’autre... L’éventail est vaste, mais j’ai quelques scrupules à laisser voguer mon imagination, pour la bonne raison que les futurologues se sont toujours plantés en se figurant l’avenir ; si vous voulez rigoler un bon coup, lisez donc les prédictions des années 50 décrivant l’an 2000.

Le télétravail étant, on le voit, tout neuf à l’échelle de l’histoire de l’Humanité, il amène une série de questions toutes nouvelles qu’aucun homo sapiens n’avait jamais été amené à se poser depuis son apparition sur Terre, il y a un petit 200 000 ans. Est-ce que, par exemple, un e-mail professionnel consulté distraitement sur son smartphone tout en regardant un bon Louis de Funès le soir à la télé constitue une forme légère de télétravail ? Ou encore : si vous chutez dans vos escaliers au moment précis où vous dialoguez avec votre patron sur la messagerie d’Instagram, s’agit-il d’un accident du travail ? Autant de questions sur lesquelles les spécialistes du droit du travail n’ont pas fini de plancher.  

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