Les sept péchés capitaux de Gaspard Ulliel

L’acteur français, parmi les plus prisés de sa génération, est depuis huit ans le visage du parfum Bleu de Chanel. C’est dans le cadre de cette campagne que nous avons pu le soumettre à notre interview "7 péchés capitaux". A-t-il tout dévoilé ? On vous laisse juger.

Propos recueillis par Ingrid Van Langhendonck. Photos CHANEL. |

La gourmandise

Quel genre d’homme est-il est face à l’assiette, quels sont ses péchés mignons ? L’acteur parle avec bonheur des plaisirs de la table, mais estime également que la gourmandise est un mode de vie. On peut dire que j’aime la bonne bouffe, les bons vins, j’ai découvert le whisky et c’est une passion. J’aime quand il y a de la complexité dans un produit, un savoir-faire à explorer. C’est pareil dans la cuisine : je ne suis pas forcément attiré par les étoiles, mais j’aime que la cuisine raconte une histoire. Je suis assez gourmand de manière générale, même si je ne suis pas forcément sucré.

Après, la gourmandise, cela peut aller bien plus loin que la nourriture. C’est une sorte d’avidité, une envie d’aller toujours plus loin, de découvrir de nouvelles sensations, et c’est ce que j’ai mis en place dans mon travail. J’aborde chaque projet avec une énergie nouvelle et de la gourmandise, oui.

La paresse

Que fait Gaspard Ulliel quand il ne fait rien, dans ces moments ou l’on pourrait se laisser aller à la paresse ? Cela a bien changé depuis deux ans. Depuis que je suis devenu papa, ma vie s’est agencée totalement différemment. Dès lors, j’essaye de consacrer du temps et de l’énergie à mon fils. En tournage, je suis loin de lui physiquement mais aussi dans la tête. Entre ces périodes, je lui consacre donc tout le temps dont il a besoin. Mais je fais partie des acteurs qui pensent que l’inactivité peut être salutaire, elle permet de s’autoriser à se laisser aller, de rentrer en soi plus profondément, de se remettre en question et se recentrer.

La frénésie de nos vies, ce surplus d’activité, peut nous amener à échapper à ce qu’on est réellement, c’est un aveuglement. Donc j’ai besoin de ces moments de calme et de lenteur. Je me les aménage. Parce qu’en fait, je suis un lent (sourire). On me le reprochait étant petit. Je suis un enfant unique, donc un de ces gamins qui se réfugient plus volontiers dans leur imaginaire. J’avais mon propre rythme. Aujourd’hui encore, je garde cette sensation d’être parfois à contretemps avec les choses et les gens. Cela doit être comme une soupape.

L’orgueil

Nous n’obtiendrons aucune remarque mégalomaniaque de l’acteur. Plutôt sage et posé, il s’anime tout de même quand on lui demande ce dont il est le plus fier… Je n’utilise pas souvent le mot fierté. Même si parfois la sensation est là, je n’arrive pas trop à me l’avouer, j’essaye de garder de l’humilité. Mais rétrospectivement, je pense être assez fier d’être là où j’en suis aujourd’hui. Surtout quand je repense à l’enfant timide et renfermé que j’ai pu être. Je souffrais, comme sûrement beaucoup d’enfants, d’un manque de confiance. C’est d’ailleurs pour cela que mon parcours s’est amorcé par hasard, et qu’il s’est agencé de manière un peu sinueuse.

Vous savez, certains acteurs savaient depuis l’enfance qu’ils voulaient faire ce métier et ils ont tout mis en place pour cela. Mais chez moi, tout a été plus hasardeux et inattendu, au point que je me suis souvent senti presque illégitime. Depuis quelque temps, heureusement, je me sens plus posé, plus rassemblé, davantage maître de mon destin et des trajectoires que je prends... Et c’est très appréciable! C’est comme un point de bascule dans la vie, et le fait d’être papa a probablement participé à tout cela aussi. On veut transmettre quelque chose à son enfant... On s’inscrit dans une autre dynamique personnelle, donc on s’efforce d’avoir une valeur d’exemple. Le sens des responsabilités et l’organisation d’une vie avec un enfant nous obligent à cadrer les choses.

Immersion totale dans le dernier clip de Bleu... au propre comme au figuré!

L’envie

Dans un métier où on passe parfois à la trappe pour un regard fatigué ou une ride de trop, que devient la relation à la jalousie ? L’acteur balaye ce sentiment destructeur, mais il préfère parler de l’envie de ressembler à certains maîtres… Peut-être que je me mens à moi-même mais la jalousie est un sentiment qui m’est, je crois, totalement étranger. Dans ce milieu, pourtant, la concurrence est forte — voir passer un rôle est parfois une déception — mais je n’en retirerais jamais une jalousie dirigée vers un autre acteur. J’aurais par contre voulu avoir d’autres talents. Comme devenir musicien. Pianiste, pour être précis : j’aurais adoré savoir jouer du piano, bien que je n’aie aucun don pour cela, j’ai déjà essayé, c’est peine perdue (il rit). Mais tous les dons artistiques me font rêver, comme la peinture…

Quand on l’interroge sur les personnalités dont il jalouserait le talent, il se refuse d’abord à en citer une, car cela lui donnerait l’impression de ne pas reconnaître les autres, mais dès lors qu’on insiste un peu, un nom jaillit… Évidemment il y a des personnalités qui vous inspirent : je vais vous parler de lui parce que j’ai tourné un film avec lui l’année dernière, nous n’avions que quelques séquences ensemble, mais il m’a marqué ; c’est Gérard Depardieu. C’est quelqu’un d’immense à plein d’égards, ce mec dégage une puissance d’incarnation assez démente : il trimballe tellement de choses avec lui, il est constamment habité par une force comme surnaturelle. Quand vous travaillez avec lui, il montre un ancrage dans le présent comme rarement je l’ai vu auparavant. Du coup, tout est d’une sincérité absolue. Il est déconcertant. Et puis surtout, il est un de ces acteurs qui dégagent une infinie douceur, presque de l‘ordre de la féminité, ce qui ne cadre pas du tout avec ce qu’il représente physiquement…

Avec Martin Scorsese sur le tournage du premier clip de Bleu, en 2010.

La luxure

Nous n’aurions pas osé réclamer des déclarations scandaleuses mais on se demande toujours ce qui affole un acteur en vue. Ce que doit posséder une femme ou un homme pour le séduire. Sur ce point, Gaspard se montre prudent, mais encore une fois, instinctif et posé. “Ce qui attire deux êtres est tellement organique, chimique… C’est impossible à expliquer. Mais c’est également ce genre de mystère qui rend la chose encore plus puissante. L’attirance est quelque chose qui nous dépasse. Ce n’est pas un processus mental, cela nous ramène à quelque chose d’originel. Je n’ai par exemple pas de type de femme. Ce qui me fera me retourner sur l’une davantage que sur une autre est indescriptible.

Bien au-delà de son physique, ce sera sa manière de bouger de se comporter. Ce sont les attitudes qui ont la faculté de vous troubler, bien davantage que la plastique. Mais c’est amusant de constater qu’une personnalité très affirmée pourra attirer le regard, au même titre qu’une attitude réservée, une timidité, peut être tout aussi troublante. C’est une autre émotion, mais elle n’est pas moins attirante.

La colère

Gaspar Ulliel ne se décrit pas comme un sanguin. Au contraire, il affirme pouvoir contenir ses accès de colère. Enfin, pas tout à fait… Je suis quelqu’un d’assez pacifique, assez calme, j’essaye de rester centré, de ne pas laisser exploser ce type d’émotions. Je cherche la sérénité de l’âme et de l’esprit, je canalise énormément. Ceci dit, je remarque que je m’y oblige de moins en moins car étouffer en permanence ce qui vous révolte n’est pas toujours bénéfique. J’ai beau être d’un naturel très tempéré, parfois, je me laisse donc déborder. Je pense que tout le monde a une part de colère et de violence en lui, et que cela doit jaillir.

D’ailleurs, comme tout le monde, je pense, les injustices me mettent en colère, même si je ne suis pas attaché à une cause particulière, que je ne milite pas pour une association. Il m’arrive de m’en vouloir, parce que dans ma position, je devrais probablement pouvoir être le porte-parole de quelque chose. Mais marquer mon choix m’est difficile. Du réchauffement climatique à la maltraitance des enfants en passant par la pauvreté, la tête me tourne. Vous savez, je suis un peu un nihiliste, ou tout au moins je me définis comme un entropique : pour moi, le désordre de notre monde ne fait que s’aggraver. Oui, je sais, je dis cela alors que j’ai fait un enfant, ce qui est quand même un message d’espoir énorme. C’est un paradoxe, j’en suis conscient.

Gaspard Ulliel en Yves Saint Laurent, dans le biopic signé Bertrand Bonello

L’avarice

Nous nous apprêtions à explorer le plus vilain des péchés… Las, c’est d’abord de son temps que l’artiste a été tenu de se révéler avare. Le temps qui nous avait été imparti pour cette interview a été dépassé, il nous faut maintenant laisser la place à une autre journaliste avide de confidences. Nous repartons dans les couloirs marbrés de la maison Chanel, sous le charme et ravie de nos dizaines de minutes au fond de son regard bleu… 

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