Les séries télé, nouvelles icônes de mode

Alors qu’elles sont devenues incontournables ; les séries influencent aussi la mode et le dressing de leurs spectateurs. Les marques sont sur la balle pour booster leur communication et de toucher de nouveaux clients.

Par Cora Delacroix. Photos D.R. |

Depuis l’annonce, début janvier, du retour de Sex and the City sur le petit écran, elles sont toutes sur les starting blocks. Toutes les marques de mode rêvent d’une apparition dans la septième saison de la série culte de Darren Star. Dans les années 2000, les aventures de Carrie Bradshaw et ses amies ont fait de certains designers -tel Manolo Blahnik - des icônes. Vingt ans plus tard,  elles risquent encore de faire des émules fashion.

Mais Sex and the City n’est pas seule série dans ce cas : de plus en plus d’entre elles nous inspirent et influent directement sur la manière de nous habiller. On pense à Fleabag et les combinaisons sexy de Phoebe Waller-Bridge, Big Little Lies et les blazers à sequins du personnage de Renata, La Chronique des Bridgerton et les corsets qui ont lancé une tendance autour du style Régence anglaise, The Crown qui glamourise les vestes Barbour…

Certes, les séries télés ont toujours influencé les goûts - des jupes crayon de Joan Holloway dans Mad Men aux gilets jacquard dans Twin Peaks en passant par les petites robes à bretelles de Rachel Green dans Friends... Mais aujourd’hui, alors que les séries sont incontournables dans le paysage culturel -200 millions d’abonnés payants Netflix dans le monde en 2020, 37 millions de plus qu’en 2019, leur impact sur notre garde-robe prend de plus en plus d’ampleur. 

Une importante visibilité 

Dès la diffusion d’un épisode, les pièces arborées par les protagonistes sont identifiées sur les réseaux sociaux – notamment via des comptes Instagram spécialement dédiés aux garde-robes de séries, tels @wornontv ou @fringuesdeseries. Pour Dinah Sultan, styliste au sein du bureau de prescription Peclers Paris : « Pour une marque, qu’elle soit jeune ou déjà installée, voir ses vêtements portés dans une série constitue un coup de projecteur évident. Contrairement à un événement sur tapis rouge, la série s’inscrit dans la durée, puisqu’elle peut rester en ligne plusieurs mois sur une plateforme. »

Pour les maisons de mode, les séries représentent un enjeu de taille : elles leur permettent de révéler ou d’affirmer leur force de frappe. Ainsi, une marque peut voir sa cote de popularité monter en flèche grâce à une apparition dans une série. C’est ce qu’il s’est passé avec Emily in Paris, une production Netflix sortie en octobre dernier (également réalisée par Darren Star). On y suit les péripéties d’Emily, une Américaine qui débarque dans la capitale française pour un nouveau job dans le marketing de luxe. Qu’elle aille acheter un pain au chocolat ou qu’elle se rende à une soirée, la brunette est ultra bien sapée : robe Off-White, vestes Chanel, sac Marc Jacobs, bob rose signé Kangol... Ce dernier a particulièrement tapé dans l’œil des spectatrices. Selon Lyst, une plateforme de data spécialisée dans la mode, les recherches pour le chapeau de cette marque britannique ont augmenté de 342% après la sortie de la série. Les recherches concernant la marque de prêt à porter américaine Alice and Olivia -dont Emily a notamment porté une chemise imprimée, ont elles aussi, bondit. 

L’influence grandissante de la mode dans les séries ces derniers mois s’explique aussi par la pandémie de Covid-19 : « Comme d’autres industries, la mode a été très impactée en 2020, et continue de l’être en ce début 2021 », reprend Dinah Sultan. « Très peu de défilés physiques ont eu lieu. Il n’y a pour le moment plus l’énergie autour des fashion weeks ni d’événements glamour sur tapis rouge. La scène mode est, de fait, moins médiatisée qu’auparavant. On ne consomme plus la mode de la même façon. » A défaut de suivre les photos de fashion weeks ou de street style, on se rabat donc sur le petit écran. 
 
« Le stylisme constitue une étape clé dans la construction d’un personnage », explique Charlotte Mitchell, costume designer Britannique qui a notamment travaillé sur Killing Eve. « Il lui apporte de la matière et de la singularité. Les vêtements permettent de raconter l’histoire et de la rendre plus excitante. Et l’avantage d’une série, c’est qu’on a le temps de véritablement s’attacher aux personnages. Ce n’est pas étonnant que l’on ait envie de les copier. Et ces derniers temps, on a eu droit à une flopée de looks merveilleux ! »
 

Comme ceux dans le Jeu de la Dame. Dans cette mini-série Netflix, Beth Harmon, campée par Ana Taylor-Joy, est une jeune prodige des échecs évoluant dans l’Amérique conservatrice des années 1960, dotée d’un indéniable sens du style. La preuve à chacune de ses apparitions : robes graphiques d’inspiration Pierre Cardin, total look blanc immaculé ou ensembles qui rappellent le style Prada... Les vêtements, sélectionnés par la costumière Gabriele Binder, ont enthousiasmé des millions de spectateurs. 

Cibler la jeune génération

Pour David Siwicki, fondateur du bureau de presse David Siwicki Communication, habiller des personnages de séries est un moyen pour les marques de montrer qu’elles sont en phase avec l’époque : « Les séries montrent un univers plus complet qu'un simple éditorial ou un habillage de célébrité. Pour une marque, c’est intéressant de se placer dans cet univers plus réaliste. Certaines émissions capturent brillamment les changements en cours dans la société. C’est génial pour une marque de pouvoir y figurer. »
 
Parmi elles ? Euphoria, une série très populaire et ultra-réaliste sur les difficultés de l’adolescence. Dans un épisode spécial sorti en janvier, Jules, ado transgenre incarnée par Hunter Schafer, arbore un collier agrémenté de perles Beepie Bella. Lorsque le label de bijoux partage l’information sur son compte Instagram, il montre aussi qu’il soutient l’inclusivité et les communautés LGBT (Hunter Schafer serait d’ailleurs très impliquée dans le stylisme de son personnage). Pour les marques, les teen séries sont un moyen efficace de conquérir la génération Z (qui regroupe les personnes nées entre les années 1997 et 2010). Celle-ci serait particulièrement sensible aux problématiques liées au genre et possède une forte culture mode. Ainsi, dans la mini-série We are who we are du réalisateur Luca Guadagnino (Call me by your name), toujours inédite chez nous, le jeune Fraser cultive un look genderfluid et pointu : ses looks sont composés de pièces Vêtements, Supreme, Raf Simons... « Et si une pièce n’est plus disponible en boutique, les consommateurs n’ont qu’à faire un tour sur les applications de revente de vêtements et d’accessoires comme Vinted ou Depop », ajoute Dinah Sultan. Ils n’auront donc aucun mal à copier les looks de leurs séries préférées. 

L’engouement autour de la mode dans les séries facilite aussi le travail des costume designers. Charlotte Mitchell affirme recevoir de plus en plus de sollicitations de la part de marques qui aimeraient travailler avec elle. « J’ai le sentiment que le travail des costume designers est plus valorisé qu’il y a quelques années. C’est drôle car certains stylistes, qui bossaient autrefois pour des magazines, décident désormais de travailler sur des séries télé. Cela prouve à quel point la mode dans les séries a la cote. » Pas de doute : le raz-de-marée fashion n’a pas fini de déferler sur le petit écran.

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