Mode masculine : Sommes-nous blasés ?

Quand on parle de mode masculine, encore plus que dans la mode féminine, le grand écart entre les défilés et la rue est impressionnant. Si la femme ose les couleurs flash, les coupes asymétriques ou les manteaux déstructurés, force est de constater que nos pères, nos maris, et même nos ados affichent une singulière uniformité de style, de couleur, de coupe. L’homme de la rue est « classique »…

Par Ingrid Van Langhendonck. Photos : DR. |

Bien sûr, le travail du designer est de proposer de nouvelles conceptions du vêtement. Bien sûr, il est un artiste qui inspire avant tout. Bien sûr, le défilé est devenu un spectacle, un show, un happening... Néanmoins, si dans les années 60 il suffisait de faire porter un smoking à une femme, ou de dénuder le corps un brin plus que de coutume pour faire parler de soi. Aujourd'hui, provoquer un haussement de sourcils chez les modeux devient de plus en plus périlleux et sur certains défilés, malgré toute notre ouverture d’esprit, le créateur nous donne l'impression d'un enfant qui ne sait plus trop quoi faire pour se faire remarquer. On l’imagine, il ne faudrait pas confondre mode et habillement, ou haute cuisine et alimentation mais là, sur certains catwalks, le plat qu'on nous a servi avait vraiment un goût bizarre.

Ces allures sorties d’un mauvais film de science-fiction seventies sont à mille lieues de la conception que nous nous faisons du vêtement pour homme et de l’élégance masculine. Levée de boucliers : le designer est un artiste, nous dit-on, et il s’offre la liberté d’explorer tous les terrains de la créativité. A ce titre, comme dans les écoles de mode, une certaine intelligentsia se plait à voir le vêtement exploser, les codes malmenés et l’expérience est riche pour les professionnels et les créatifs, car ils démontrent une capacité à se renouveler et se remettre en  question en permanence.

Mais la fashion Week, n’était-elle pas à l’origine le point de rendez-vous des acheteuses de tous les grands Department Stores et boutiques de luxe, un public qui, lui, est confronté à la réalité du terrain et à l’obligation de vendre le produit qu’il aura sélectionné. La retransmission en  vidéo sur les réseaux sociaux est, elle aussi, un outil qui permet de s’adresser directement à son consommateur final. La question se serait donc pas tant de se demander si le créateur a le droit de négliger l’aspect commercial le temps de quelques silhouettes, mais de définir si le défilé est bien le lieu opportun pour le faire… 

Alors, on se demande à juste titre pourquoi les marques choisissent de présenter un vêtement qu’on sait d’avance importable. Dans un secteur qui s’acharne à faire comme si la crise n’existait pas et qui court après les ventes immédiates, chercher de nouvelles formes d’expression se résumerait donc à créer le buzz mi-comique, mi-consterné sur les réseaux sociaux ; car c'est probablement là leur principale destination.

Et il faut croire qu’en écrivant ces quelques lignes, nous venons probablement de tomber dans le panneau…