Olivier Theyskens : le styliste belge à la tête d’Azzaro

Né à Bruxelles d’un père belge et d’une mère française, Olivier Theyskens a commencé des études de mode à La Cambre avant d’embrasser une carrière qui l’a fait voyager jusqu’aux États-Unis. À la tête de sa propre maison, il est aussi le directeur artistique des lignes Homme, Femme et Couture d’Azarro.

PAR MARIE HONNAY. PHOTOS CLAESSENS ET DESCHAMPS SAUF MENTIONS CONTRAIRES |

On vous associe souvent à la Cambre. Or, vous avez arrêté votre cursus au bout de deux ans. Vous sentez-vous tout de même proche d’une “école belge” ? À condition que vous considériez qu’il y en a une ? 

La Belgique est un petit pays, mais qui regorge de talents dans des secteurs aussi différents que la mode, l’art, le design ou l’architecture. C’est un lieu foisonnant, mais, paradoxalement, quand on s’y trouve, il peut parfois sembler un peu morne. Bruxelles n’est pas à proprement parler une pink city (il rit). C’est un pays de la taille d’une province qui, je trouve, incite à la réflexion. On est loin du punk londonien, mais dans le propos des artistes belges, on peut souvent percevoir, même si elle est sous-jacente, une certaine rébellion. Bien que je n’y vive plus, la Belgique continue à me toucher. Quand je revois une interview de Jacques Brel, je ne peux pas m’empêcher de pleurer. L’écouter est vraiment jubilatoire. J’aime ses valeurs. Il avait un parler vrai et son œuvre affiche un côté intemporel qui me correspond.

Vos collections sont, elles aussi, résolument intemporelles. Votre côté belge peut-être ? 

Si c’est le cas – c’est vrai qu’on me l’a souvent fait remarquer –, c’est involontaire. Je n’ai jamais voulu créer des collections qu’on ne puisse pas dater. Si je dessine une veste, je cherche surtout à viser juste et à l’inscrire dans le moment présent. Mon objectif premier n’est pas qu’elle soit belle... pour toujours. En tant que designer, je veux être moderne. Cette modernité, c’est l’essence même de ma maison.

Vous avez présenté votre première collection à Paris à seulement 20 ans. C’est jeune pour entrer dans l’arène parisienne. Comment avez- vous fait face au bling des années 90 et 2000 ?

Pour ma part, LE fameux créateur star, je ne l’ai jamais vraiment rencontré. Au quotidien, c’est- à-dire dans le travail, même des personnalités très exposées comme Karl Lagerfeld, restaient très simples. Je me suis toujours bien entendu avec la majorité des créateurs. Nous partageons un même sens de l’esthétique et de l’humour.

En novembre dernier, Jennifer Aniston portait votre robe Teril lors des People’s Choice L’une des silhouettes, noire, issue de la collection Olivier Theyskens SS20. Awards. Vous accordez une importance particulière à ce type de visibilité ? 

Je n’ai pas embrassé une carrière dans la mode avec l’idée d’habiller des célébrités. Depuis quelques années, c’est indéniable, le tapis rouge est lié à des enjeux stratégiques. Heureusement, il reste une part d’instinct et de spontanéité dans le choix d’une robe. J’ai beaucoup de respect pour les actrices qui décident de porter l’une de mes robes à un moment important de leur vie. Entre elles et cette robe, on peut alors parler d’alchimie, d’instant magique.

Qui est la femme Theyskens ? 

J’imagine que d’une certaine façon, ces rétrospectives m’ont appris à la cerner davantage. Je la décrirais comme un mélange de force et de fragilité. C’est une femme qui n’a pas peur d’afficher un côté plus sombre de sa personnalité. Elle dégage un vrai truc, un esprit qui est tout, sauf niais. Son style est à la fois pointu et élégant. Comme rien de ce que je fais n’est ostentatoire ni volontairement reconnaissable, j’ai toujours beaucoup de plaisir quand une femme qui porte mes vêtements reçoit un compliment d’une autre femme. Je fais en sorte de conserver un certain détachement par rapport à ce que je crée. Je suis conscient qu’entre ce que je projette et la manière dont une femme va s’approprier mes collections, il y a un monde. Et c’est très bien comme ça.

Si c’était à refaire, aborderiez- vous votre carrière de la même manière ? 

En vingt ans, les choses ont beaucoup changé. Même si j’ai une mémoire sélective, qui me permet de me souvenir du meilleur et d’oublier les moins bons moments, je me considère comme très chanceux. Pendant longtemps, j’ai vécu dans la frustration. J’étais trop perfectionniste. Je regrettais que les choses ne se passent pas forcément comme je l’avais prévu. À ce niveau, mon expérience américaine, quand je travaillais pour la marque Theory, m’a beaucoup aidé. Là-bas, les gens parlent beaucoup plus ouvertement de leurs échecs. Ils considèrent qu’ils font partie de leur chemin de vie. Mon conseil à de jeunes designers pourrait donc être : Soyez prêts à vous planter. Arrangez-vous pour vous planter doucement et puis repartez. Par chance, j’ai toujours eu des personnes bienveillantes autour de moi qui m’ont rappelé l’importance de savourer mon bonheur. C’est important... Si on n’y prend pas garde, il peut se briser très vite.

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