Pourquoi les mannequins des années 90 cartonnent à nouveau ?

Les Supermodels des années 90 sont plus en vogue que jamais. Cindy, Claudia et Naomi sont aujourd’hui les porte-drapeaux des plus grandes marques. Loin d’avoir pris leur retraite, il semblerait donc que ces icônes nineties restent aptes à faire rêver un public large et surtout, haut de gamme. Mais pourquoi ?

Par Ingrid Van Langhendonck. |

Il faudrait que vous ayez passé la dernière semaine sur mars pour avoir manqué l’événement le plus médiatisé de la fashion week de Milan : le défilé Versace et son final flamboyant marquant le retour sur le catwalk de Claudia, Cindy, Naomi et les autres, plus sublimes que jamais. Mais cette réunion ne serait qu’un joli moment si c’était un phénomène isolé. Or, force est de constater qu’on voit les Supermodels ressurgir de partout. Cindy Crawford était à Paris cette semaine comme ambassadrice de la marque horlogère Omega, la dernière campagne H&M s’ouvre sur une Naomi Campbell en cuissardes rouges plus envoûtante que jamais, alors que Claudia Schiffer prenait la pose il y a quelques mois, à côté des deux précédentes, pour sublimer la nouvelle collection Balmain. L’Allemande lance aussi sa propre ligne de maquillage ce mois-ci, accumulant en quelques jours 25 000 followers sur le compte « claudiaschiffermakeup ». Loin d’avoir pris leur retraite, il semblerait donc que ces icônes nineties restent aptes à faire rêver un public large et surtout, haut de gamme. Mais pourquoi ? 

Fontaine de jouvence

Souvenez-vous : les supermodels, premiers mannequins surmédiatisées, ont bouleversé l’univers de la mode en devenant parfois plus riches et célèbres que les créateurs pour lesquels elles ont posé. À cette époque d’avant les réseaux sociaux, avant Instagram et Kim Kardashian, les Linda Evangelista, Claudia Schiffer, Cindy Crawford,  Christy Turlington, Helena Christensen et autre Naomi Campbell ont été les femmes les plus convoitées de toute la planète mode. Pour les puristes, c’est une couverture de Vogue, shootée par Peter Lindbergh au début des années 90 qui marque le début de l’ère des supermodels. Mais le commun des mortels se souvient surtout de la bande immortalisée par le pape de la pop George Michael, quand elles ondulent sur le clip de son single « Freedom ». 

Car au-delà de leur célébrité individuelle, les belles se sont payé le luxe de devenir un consortium : elles sont les premières businesswomen de l’histoire du mannequinat. Très vite, ces bombes qui font vendre aussi bien du Pepsi Cola que des robes de haute couture ont eu l’intelligence de s’entendre sur le tarif de leurs prestations. Elles fixent alors un montant en deçà duquel elles ne se déplacent pas, jusqu’à la fracassante déclaration de Linda Evangelista qui affirme, au milieu des années 90, ne pas sortir de son lit pour moins de 10.000 dollars la journée… 

Leur retour fait grand bruit, provoquant une réelle émotion, très palpable, lors du défilé Versace. Un défilé anniversaire qui, 20 ans après l’assassinat de Gianni Versace rendait hommage à son génie.

Ce final censé honorer sa mémoire et son intemporalité a pourtant fait réagir la presse spécialisée. D’après le site spécialisé Business of Fashion, cette omniprésence de références à l’âge doré des marques de luxe est à l’image de la situation périlleuse dans lesquelles se trouvent la plupart des grandes maisons. Dans un contexte dévasté, elles sont trop nombreuses à jouer la carte de l ‘ADN de leur créateur, et cette attitude peut être dangereuse. Faire du surplace n’est pas bon pour une marque de luxe car en n’osant pas s’affranchir d’une époque, elle s’accroche à une gloire passée, oubliant que l’éphémère est l’essence-même, la raison d’être, du prêt-à-porter.

Une valeur sûre

On pourrait aussi se demander pourquoi  les marques de mode se tournent vers ce type d’égérie. Certainement pas pour des raisons économiques : les ladies ont su garder intacte leur valeur marchande, elles se savent toujours « bankable » et leur âge n’a pas fait diminuer d’un euro le prix de leurs prestations. Ce n’est pas non plus faute de glamour ambiant. Dans le cas de Cindy Crawford, le succès de sa fille Kaya Gerber, omniprésente sur les podiums, nous démontre à suffisance que la relève est assurée, que les égéries de moins de 30 ans se sont aussi taillé une place au soleil. 

Alors pourquoi ne pas se tourner vers ces nouveaux mannequins vedettes, comme Gigi Hadid et ses 35 millions de followers ? 

D’après nos sources, parce que justement, pour les grandes maisons, il existe une réelle préoccupation de privilégier un discours intelligemment ciblé plutôt qu’une course à l’audience. L’acheteuse lambda des boutiques de luxe des grandes avenues n’a pas la moyenne d’âge des accros d’Instagram, elle s’identifiera donc davantage à une marque si elle est incarnée par une icône qu’elle connaît et reconnait. Mais attention, pas question non plus de lui faire sentir qu’elle a passé l’âge! À ce titre, ces quinquas flamboyantes sont les ambassadrices idéales, surfant également sur la vague anti-jeunisme et la volonté de diversité (parfois toute relative) initiée par les réseaux sociaux. Mauvaise nouvelle pour les starlettes du web au discours creux : la e-popularité ne suffit plus.