Qui est Nina Métayer, la pâtissière parisienne star qui rend la pâtisserie haut de gamme accessible ?

 Elle est l’une des pâtissières les plus en vue de Paris, elle a fait ses classes auprès des plus grands avant d’ouvrir sa propre maison. Rencontre avec une talentueuse ambassadrice de la gourmandise.

PAR INGRID VAN LANGHENDONCK. PHOTOS D.R. SAUF MENTIONS CONTRAIRES. |

Pétillante,la jeune cheffe globe-trotteuse séduit par son talent et son sourire communicatif.. Diplômée de l’école Ferrandi en 2009, elle a fait ensuite la tournée des palaces et des grandes maisons : demi-chef de partie au Meurice, sous la houlette de Yannick Alléno et Camille Lesecq, en 2014, elle devient cheffe pâtissière à l’hôtel Raphael, où elle crée L’Île flottante exotique, son premier dessert signature, distingué dans la presse comme l’un des meilleurs de l’année. En 2015, elle travaille avec Jean-François Piège et est élue cheffe pâtissière de l’année en 2016 et 2017. À 29 ans, elle prend la tête des créations sucrées du Café Pouchkine. Elle s’exporte de la Chine au Qatar. En 2020, elle décide de créer sa propre maison, baptisée joliment Délicatisserie, et où elle imagine un service 100 % digital, avant de prendre ses quartiers au Printemps du Goût. On l’a trouvée inspirante, bienveillante et singulièrement généreuse.

De son côté, le pâtissier belge Pierre Marcolini nous livre son dessert préféré :

Quand on observe votre parcours, on a du mal à vous suivre : il est assez atypique !

En effet ! (elle rit) Je me suis envolée pour le Mexique sur un coup de tête quand j’avais 16 ans, et j’y suis restée un an. Je suis rentrée en France avec la décision d’y retourner pour ouvrir une usine de viennoiserie. Mon bac en poche, j’ai passé mon CAP en boulangerie puis j’ai travaillé un peu en Australie avant de revenir en France et, de fil en aiguille, je me suis retrouvée en pâtisserie, et ça m’a pris. Tout est parti de là.

C’est pourtant un métier compliqué. On y trouve encore peu de femmes...

Il y a plus de femmes dans les écoles de pâtisserie, en réalité, mais peu qui ont leur entreprise ensuite. Les métiers de bouche restent compliqués pour les femmes : ce sont des métiers où l’on travaille beaucoup, on commence le matin très tôt, on finit tard le soir et on monte les échelons doucement. Sans compter l’image de ces métiers : quand j’ai annoncé que je voulais faire de la boulangerie, on m’a regardée comme si j’avais voulu faire de la mécanique (elle rit). Depuis quelque temps, le monde revient à l’artisanat : on réalise enfin qu’on en a besoin. Si la haute cuisine a toujours été valorisée en France, la pâtisserie est restée plus discrète. Cela change doucement. À ce titre, les programmes culinaires en télé ont beaucoup servi notre artisanat. Ils ont éveillé de nombreuses vocations et ont fait changer les choses. Chaque année, je participe au jury dans l’émission Le meilleur pâtissier et, chaque fois, je réalise la chance que j’ai, parce qu’en pâtisserie, les gens sont gentils. On n’est pas des rock stars ; il y a un rapport au plaisir et à la générosité qui amène du partage et de la bienveillance, bien davantage que dans d’autres secteurs.

Il y a de l’exigence aussi ; vous avez travaillé dans des palaces, auprès de grands noms...

J’ai eu cette chance. Travailler avec de très grands chefs, c’est extrêmement formateur, même si c’est difficile. C’est un poste où l’on vous demande de l’excellence en permanence, une remise en question perpétuelle, mais j’ai appris énormément au contact de chefs comme Yannick Alléno ou Jean- François Piège. Plus tard, en créant ma maison, j’ai voulu mettre sous un même toit tout ce qu’ils m’avaient appris, tout ce qui m’inspirait, ce que je trouvais bon pour moi. Je voulais les produits les plus qualitatifs possible, je ne voulais pas de pertes, aussi bien dans l’utilisation des matières premières, que dans l’énergie de l’équipe. Je trouve fondamental que les gens soient heureux. Vous savez, quand on fait des gâteaux, c’est pour partager du bonheur et j’ai la conviction que si on installe du bonheur dans nos équipes, cela se ressentira dans ce qu’on produit.

Avoir sa propre maison, c’est la liberté ?

Oui et non. On n’est jamais tout à fait libre. On a toute une série de contraintes à gérer, à commencer par les budgets, mais on a la liberté de décider de ce que l’on veut faire avec ces contraintes. Aujourd’hui, je choisis où je mets mes limites et où je détends l’élastique, mais nous sommes indépendants ; mon mari et moi avons monté tout cela ensemble. Tout est question de choix et de concessions en permanence. Concrètement, nous avons d’abord monté notre site : Délicatisserie. On peut venir commander en ligne jusqu’à 3 h du matin, car la production démarre à partir de 4 h et on vient ensuite chercher ses gâteaux à l’atelier d’Issy-les-Moulineaux, notre premier point de vente. On peut aussi se faire livrer, mais uniquement sur Paris, car la pâtisserie n’aime pas trop voyager loin (elle rit). Sinon, on nous retrouve au Printemps et on va aussi installer prochainement un corner tout près, dans la halle d’Issy. Mais on fait plein de choses ; sur notre site, on trouve aussi tous les événements et les pop-ups.

Quand on a travaillé partout dans le monde, que retient-on de la manière dont les gens accueillent la pâtisserie d’un pays à l’autre ?

La particularité de notre métier est qu’on fait de la pâtisserie française partout. On partage ce savoir-faire, on voyage pour le faire connaître... Tous les pays, toutes les cultures ont leur pâtisserie, mais la France est un peu le berceau de la version gastronomique. Après, j’adapte toujours ma pâtisserie aux terroirs locaux. Si je dois produire une tarte aux agrumes dans un pays du Sud, je vais la faire avec des agrumes de là-bas, cela n’aurait
pas de sens de les faire venir en avion. On crée une histoire entre le pays et nos recettes sans dénaturer le dessert. J’ai remarqué, par exemple, que dans les pays musulmans, où on ne boit pas d’alcool, le dessert revêt une symbolique particulière : c’est un moment de partage important en fin de repas, parfois davantage que chez nous.

Comment abordez-vous le consommateur d’aujourd’hui avec ses exigences, ses allergies et sa plus grande conscience de ce qu’il y a dans son assiette ?

Je suis assez à l’aise car j’ai une pâtisserie très engagée. J’essaie de mettre en avant les produits frais avec lesquels je travaille. Les gens sont plus informés de nos jours, mais ils connaissent le vrai prix des bons ingrédients et sont prêts à payer un peu plus cher pour manger mieux. Et ne croyez pas que ce soit seulement chez des gens qui ont de l‘argent. Et puis, un gâteau, c’est vraiment un luxe accessible. Par contre il est impossible pour moi, dans mon petit laboratoire,
de garantir qu’il n’y aura aucune trace de coques, de fruits, secs ; je déconseille aux gens fortement allergiques de manger chez nous. Avant tout parce que c’est logistiquement très difficile, mais aussi parce que je ne veux rien enlever
à la justesse gustative ou la texture que je veux offrir, juste pour promettre un produit sans gluten ou vegan. Il y a des gens qui font cela bien mieux que moi et on doit chacun trouver notre place et notre public.

En parlant de public justement, cet hiver vous signez pour Picard deux créations exclusives : une bûche et une galette des rois. Pourquoi accepter ce genre de collaboration ?

Il y a une part de mon histoire personnelle : j’aime bien cette marque. J’ai grandi avec des parents qui cuisinaient beaucoup, mais qui parfois mangeaient aussi des produits Picard. Et moi aussi, cela m’arrive certains soirs. Ensuite, il y a une rencontre : j’ai bien aimé les gens qui sont venus me proposer cette collaboration. On m’a permis de travailler avec les matières premières qui me convenaient, j’ai pu proposer une recette telle qu’on la réaliserait ici à l’atelier, alors j’ai accepté leur idée, qui est d’offrir des bons produits, accessibles à un public le plus large possible et je me reconnais forcément dans cette démarche... C’était déjà mon objectif quand j’ai ouvert Délicatisserie, donc tout cela a du sens!

ninametayer.com

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