Redécouvrir Bruxelles en cinq hôtels (de luxe)

Tant qu’à prendre un verre dans le centre-ville, autant s’asseoir dans les bras de la grande histoire.

Par Damien Bodart. Photo : Hôtel Amigo. |

Avec le duc d’Albe à l’Amigo

Plus personne ne l’ignore, le palace aménagé derrière l’hôtel de ville pour accueillir les célébrités attendues à l’expo 58 fut autrefois une prison. D’où l’expression bruxelloise bien connue, « passer la nuit à l’amigo », qui conserve encore aujourd’hui son lot d’ambiguïtés puisque l’arrière du bâtiment demeure occupé par un commissariat. Reste une question fondamentale : pourquoi ce terme d’amigo ? Il faudrait remonter au XVIIe siècle et au duc d’albe, lorsque les édiles bruxellois présentèrent le lieu à l’entourage du nouveau gouverneur des Pays-Bas nommé par Philippe II. On leur montra paraît-il la prison, « vrunte » (lieu fermé) en dialecte local, que nos chers occupants espagnols confondirent avec « vriend » (ami). D’ami en amigo, il n’y avait qu’un pas de caballero. Aujourd’hui, siroter un cocktail ou un cognac dans cette enseigne de prestige récemment rénovée de fond en comble (pas un luxe…) reste une expérience vedette, sans risque de descente de police.

1 rue de l’Amigo 1000 Bruxelles - www.amigo.brussels-hotels.net

Avec Einstein au Métropole

L’hôtel le plus célèbre de la ville est un survivant. Seule enseigne datant du XIXe siècle encore en activité, il a tout connu : deux guerres, la bruxellisation, la relative désaffection du quartier…. Mais aussi une histoire prestigieuse. Curieusement, la première affectation du bâtiment ne fut pas l’hôtellerie. Construit en 1872 pour accueillir les bureaux de feue la Caisse Générale d'Épargne et de Retraite, il est ensuite racheté par la brasserie Wielemans-Ceuppens qui transforme son rez-de-chaussée en débit de boissons : le Café Métropole, splendide écrin fin de siècle. L’hôtel n’ouvre que quelques années plus tard. Premier palace digne de ce nom à Bruxelles, le Métropole accueille alors tous les grands de ce monde et notamment, en 1911, Albert Einstein, Marie Curie, Max Planck, Hendrik Korentz. Tous sont invités, avec une tripotée d’autres physiciens mondialement réputés, au premier Conseil Solvay de l’histoire, qui se déroule dans ses murs. Un congrès de quatre jours, le premier du genre au monde, une date-clé pour tous les amoureux de la physique parce qu’elle jette tout bonnement les bases la science des XXe et XXIe siècles... Rénové il y a quelques années, toujours entre les mains de la famille Wielemans, le Métropole demeure une immense adresse du centre de Bruxelles, et sa terrasse un gigantesque classique vieille Belgique, même sans toucher une bille en physique…

31 place de Brouckère, 1000 Bruxelles - www.metropolehotel.com

Avec David au Dominican

L’adresse demeure presque discrète. Pourtant, la petite rue Léopold qui se cache derrière le bâtiment de la Monnaie abrite depuis quelques années un des plus beaux hôtels de charme de Bruxelles. The Dominican, comme son nom l’indique, est installé dans une ancienne abbaye dominicaine du XVe siècle dont il ne reste pas grand-chose, n’était son organisation spatiale. Au XIXe siècle, le numéro sept de la rue servit aussi, surtout, de résidence et d’atelier au peintre néo-classique Jacques-Louis David – celui du Serment du jeu de paume. Il y vécut en exil à Bruxelles jusqu’à sa mort en 1825. L’annonce de l’installation d’un hôtel dans ses murs, avec notamment un grand coup de démolisseuse dans la façade, fit un temps beaucoup de bruit. La cicatrice est aujourd’hui effacée. Reste une belle adresse avec un lounge bar chic et branché, et de chouettes petites soirées avec dj dès 18h le vendredi…

9 rue Léopold, 1000 Bruxelles - www.carlton.nl/fr/the-dominican-hotel-bruxelles

Avec Churchill au Plaza

On le connaît sans le connaître. Hiératique, il trône au coin du boulevard Adolphe Max, mais seuls les touristes franchissent ses portes. Ce palace érigé dans les années 30 sur le modèle du George V à Paris et relancé il y a vingt ans appartient pourtant lui aussi à la grand histoire de la ville. Il s’est par ailleurs surtout fait connaître grâce à son ancienne salle de spectacle et cinéma connexe, qui accueillit durant l’après-guerre tout le gratin du show business français : Brigitte Bardot, Charles Trenet, Bourvil, Fernandel… Premier siège de la Kommandantur après l’invasion de la Belgique en 1940, l’hôtel accueillit à la libération les forces alliées… dont un certain Winston Churchill qui y séjourna quelques temps. C’est en son honneur que le cinéma de l’hôtel fut rebaptisé, avant de fermer ses portes au tournant des années 80. Monument historique, sa salle au style espagnol est pourtant toujours accessible puisque transformée en centre de congrès ou espace de réception. Pour la visiter, prenez un verre au bar et poussez discrètement les portes.

118-126 bd Adolphe Max, 1000 Bruxelles - www.leplaza-brussels.be

Avec Hirohito à l’Astoria

Fermé depuis des plombes, balloté de revente en rachat, le paquebot de la rue Royale fait actuellement l’objet d’une lourde rénovation intérieure. Ce qu’il en sortira ? Difficile à dire. Hier, l’Astoria, c’était le symbole type du Bruxelles à la Léopold II. Cossu, un rien pompier, l’hôtel avait été érigé pour accueillir les visiteurs de prestige de l’expo universelle de 1910. Dont un certain futur empereur Hirohito, qui remit le couvert au même endroit en 1958, pour visiter l’autre grande expo qui marqua l’histoire de Bruxelles. L’Astoria devrait rouvrir vers 2018-19. Un événement attendu avec curiosité ; une nouvelle aile de style contemporain est prévue, et personne n’imagine que la vénérable maison ne reviennent sur le marché de l’hôtellerie de luxe autrement que par la grande porte. On salive déjà.

101-103 rue Royale, 1000 Bruxelles - www.corinthia.com/en/hotels/brussels