Rencontre avec Frederic Blondeel, meilleur chocolatier de Bruxelles

Torréfacteur avant d’être chocolatier, élu meilleur chocolatier de Bruxelles par le Gault & Millau, Frederic Blondeel nous reçoit dans son atelier koekelbergeois, où le chocolat vole en éclats.

PAR OLIVIA ROKS. PHOTOS D.R. |

Voilà un véritable artisan passionné, modeste et bien trop peu connu pour ses délicatesses qui se révèlent de véritables bouchées gourmandes aux saveurs uniques titillant les papilles avec justesse une fois en bouche. Si Frederic Blondeel se soucie peu de son image marketing, il est davantage sous les feux de la rampe depuis qu’il s’est vu attribuer le prix du meilleur chocolatier bruxellois, une récompense prestigieuse.

D’où vous vient cette passion du chocolat ?

J’ai grandi les pieds dans le sable à Coxyde, entre une torréfaction de café gérée par papa et un salon de thé tenu par maman. On a toujours très bien mangé à la maison, avec de bonnes choses sur la table dont bien sûr des chocolats, ramenés de Knokke par ma mère tous les vendredis.

Quelle est votre formation ?

Vers 14 ans, ma mère a décidé de m’inscrire à l’école hôtelière, j’étais alors le garçon le plus heureux au monde. En parallèle, je travaillais pour mon père à la torréfaction de café et mon passe-temps était la réalisation de différents chocolats. Mon dernier stage s’est déroulé au Père Bise à Annecy, un trois étoiles. Huit mois d’apprentissage de haut vol que j’ai adoré.

J’ai dû quitter l’équipe pour aller faire mon service militaire... avec Pierre Marcolini ! Je n’y ai jamais vu un fusil, mais bien les cuisines. Après notre service, tous les deux, passionnés de chocolats, nous avons travaillé ensemble, j’ai fait entrer mes machines dans son petit atelier. Après une année, j’ai souhaité bouger, évoluer et je suis allé frapper à la porte de Wittamer.

Ce fut difficile à l’époque, mais j’y ai trouvé ma place parmi les 68 employés. Père Bise, Pierre Marcolini et Wittamer: ce sont les trois lieux où j’ai été réellement guidé et formé. Ensuite, j’ai repris la torréfaction de café de mon père durant douze ans, mais j’y ai fait entrer de plus en plus de machines à chocolat.

Le 7 septembre 1994, date de naissance de mon fils, je lançais mon entreprise. À partir de cette date, je n’ai cessé de me battre pour que l’on reconnaisse mon travail, que l’on respecte mon chocolat, car en Flandre profonde, ni mon atelier, ni mes chocolats au goût trop spéciaux n’étaient les bienvenus. J’en ai beaucoup souffert et au début des années 2000, j’ai décidé de m’installer à Bruxelles pour de nouvelles aventures.

Votre arrivée à Bruxelles fut-elle plus facile ?

Je voulais installer mon atelier dans le centre de Bruxelles, mais je n’ai jamais eu l’autorisation sur le territoire de Bruxelles Ville. Une loi interdit les ateliers de transformation de matières premières de plus de 250 m2. Il était important pour moi de rassembler en un unique lieu mon atelier ainsi que la boutique où je pouvais rencontrer ma clientèle, lui servir un chocolat chaud, tout en contemplant la verdure.

Je l’ai trouvé, ici, à Koekelberg. Bien entendu, il y a du pour et du contre, il faut vraiment venir me chercher. Mais je suis heureux. Aujourd’hui, mes chocolats sont distribués à 80 % dans la capitale.

Que signifie pour vous le prix de “Meilleur Chocolatier de Bruxelles” remporté l’an passé ?

Je peux le dire : je suis aux anges. Ce prix, je le dédie tout d’abord aux autres. À ma maman qui s’est inquiétée pour mon futur et qui m’a soutenu, à mes enfants qui n’ont pas eu leur père toujours très présent à la maison, à mon frère qui m’a aussi beaucoup aidé...

Ensuite, pour mon personnel, c’est une belle reconnaissance de son superbe travail qui n’est pas simple tous les jours. Enfin, pour moi, cela me donne un peu de quiétude, un sérieux luxe de nos jours ! (Rires)

Comment décririez-vous votre chocolat ?

Mon chocolat est vrai, authentique, il ne ment pas, il suit mon humeur. Mes clients disent que mes chocolats ont une âme, ils ont tout compris. Tout le monde ne me connaît pas, je ne suis pas là pour étaler mes chocolats à tous les coins de rue, loin de là. 95 % de mon chocolat est créé et distribué auprès d’autres (par exemple, Elisabeth Chocolatier), seul 5 à 10 % sont pour ma propre marque.

L’importance pour moi est d’être un des maillons dans la vie du cacaoyer et du fermier. J’essaie de traduire au mieux son travail de départ qui émane du terrain. Je travaille aussi pour eux. C’est essentiel selon moi d’avoir un bon partenaire. Une de mes grandes forces demeure la recherche des matières premières. J’ai une excellente connaissance du produit et des ingrédients suite à mes nombreux voyages. Je sais à quelles portes frapper.

Que penser du bean-to-bar ? Un phénomène de mode ?

C’est une mode qui ne devrait jamais s’arrêter. La société et sa consommation évoluent tant. Aujourd’hui, si on achète des produits de tous les jours au supermarché, on aime consacrer un certain budget à des produits transparents, exclusifs, exceptionnels, raffinés : aller manger dans un deux étoiles, acheter un pain, un fromage, un chocolat de haute qualité.

Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un effet de mode, aujourd’hui un chocolatier doit passer par le bean-to-bar. Bien entendu, bean-to-bar ne veut pas dire automatiquement bons chocolats, ni inversement. Le chocolatier non bean-to-bar peut par exemple venir acheter du chocolat chez moi. Bean-to-bar est un métier de torréfacteur, pas de chocolatier. Être chocolatier est un métier, être torréfacteur cela en est un autre. Évidemment, ils sont idéalement complémentaires.

Un produit iconique parmi vos créations ?

J’aime beaucoup de chocolats mais deux me sont particulièrement chers. Un chocolat que j’ai créé à la naissance de ma fille aînée Eloïse, il est à base de cardamone verte et cassis. L’autre, est un chocolat praliné aux noisettes, cacao et café. Ce chocolat me représente beaucoup.

Quant à mes clients, ils adorent les Gladiateur, des barrettes de chocolat noir ou au lait composées de noisettes du Piémont et d’amandes de Sicile. Un produit simple, naturel, brut, qui remporte autant de succès auprès des petits que des grands.

Comment voyez-vous l’avenir ?

Ma fille fait l’école hôtelière, mon fils est un cuisinier hors pair... Si avec mes enfants à mes côtés, je pouvais finir ma carrière avec du sucré et du salé, en intégrant le chocolat et le café, je serais aux anges. J’imagine un restaurant familial, j’ai la place ici ! On verra ce que l’avenir nous réserve...

39 rue de Ganshoren, 1081 Bruxelles (magasin, salon de thé et atelier), www.frederic-blondeel.be.

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