Rencontre avec la créatrice du jeune label Alexis Fairchild

Comme beaucoup de jeunes labels qui démarrent, celui d’Alexa Fairchild n’a ni boutique, ni campagne médias, ni cliente type. Pourtant, tous les espoirs de succès sont permis. Explications.

PAR MARIE HONNEY. PHOTOS D.R. |

Alexa Fairchild est fille d’une ancienne directrice de la communication de Valentino et de Calvin Klein et d’un père autrefois designer pour Armani et Ralph Lauren. À 23 ans à peine, cette Belgo- Américaine qui ne pouvait que devenir styliste vient de lancer une marque qui porte son nom et met l’audace au centre de sa démarche créative, commerciale et marketing. Ses lignes de conduite ? Communauté, valeurs, rapidité, (micro-) influenceurs...

Votre label Alexis Fairchild est à votre nom, mais c’est aussi est une aventure familiale...

Pour évoquer ma famille, j’aime parler de tribu, un concept qui résume parfaitement l’esprit dans lequel nous travaillons avec mon père, en charge de l’image du label, et ma mère
et ma sœur, qui ont posé pour la campagne. Cette idée de complicité est au centre de notre démarche. Notre manière de vivre est en lien direct avec le style de la griffe. 

Vous avez pris, comme pas mal de labels contemporains, le parti-pris du “no season”, des pièces mixtes et de l’anti- bling. Reste à savoir si certains de ces concepts tendances ne risquent pas, à termes, d’être un peu lassants ?

La marque pour laquelle j’ai le plus de respect, c’est Hermès. Parce qu’elle reste, quoi qu’il arrive, fidèle à ses valeurs et à ses fondamentaux. C’est une maison qui ne triche pas. Lorsqu’on propose des nouveautés en continu comme nous comptons le faire, je ne pense pas qu’on puisse lasser.

On parle également beaucoup de valeurs ces derniers temps. Au-delà des mots, quelles sont les vôtres ?

Nous accordons une grande place à l’artisanat. Nos cachemires sont “Made in Italy“. Les patches de nos pulls sont cousus à la main par un collectif de femmes italiennes et l’artiste qui peint nos T-shirts crée aussi nos bijoux en céramique. Nous proposons en outre des pièces en tie & dye (plongées après finition dans un bain de couleur, ndlr). D’où cette idée d’imperfection. Chaque pièce est unique ou presque. 

Pourtant, votre première collection est très contemporaine. Le cachemire, vous le mixez à des matières techniques.

C’est un autre aspect fondamental de notre démarche. Nous avons par exemple créé un pantalon en punto milano (un nouveau tissu doux et extensible, ndlr), taille haute et très évasé dans le bas. Mixé à un top en jersey, il forme un ensemble que nous considérons comme le nouveau smoking, c’est-à-dire une tenue très chic dans laquelle on se bien, avec laquelle on peut voyager. 

Lorsqu’on jette un œil à votre campagne, on se rend compte que vous visez un public très large : féminin et masculin, tant des jeunes que des personnes plus mûres. Ce n’est pas un peu utopique, ça ?

Nous avons en effet basé toute notre imagerie sur cette idée. Nous voulons toucher des personnalités, plutôt qu’un public d’un certain âge ou d’une certaine nationalité.. 

Et le marché belge — finalement très classique et pas vraiment audacieux — vous pensez que vous allez le séduire ? Vous sous-estimez le marché belge.

Ce pays est pionnier dans un nombre incalculable de domaines : la mode, mais aussi le design, la musique... Notre collection est, quoi qu’on en dise, à la fois portable et authentique. Dans ce sens, je crois qu’elle plaira à la clientèle belge. Sans compter que nous visons avant tout un public intrépide, un public qui ose...

C’est le cas des Millenials, votre génération, celle du “Je fais ce que je veux”!

Je pense que ma génération est très contrastée. Il y a les accros aux selfies et aux réseaux sociaux, une jeunesse très narcissique, mais aussi ceux qui veulent casser les codes : oublier leur téléphone de temps en temps, parcourir le monde et qui n’ont peur de rien. 

Et vous, vous avez peur de quoi ? Lancer une marque en 2018, c’est tout de même très audacieux. Sur quelle stratégie comptez-vous pour réussir ?

Au-delà des valeurs dont j’ai déjà parlé, il faut constamment se réinventer, être actif sur les réseaux sociaux. Dans un premier temps, nous ne serons distribués qu’en ligne mais, à terme, nous envisageons de nous positionner dans quelques multimarques, tant physiques qu’en ligne. Pour nous, l’e-shopping n’est pas un risque. C’est une nouvelle tendance forte du marché. Notre famille, nos amis... Tout le monde achète en ligne aujourd’hui. Nous avons d’ailleurs mis une stratégie digitale en place qui va nous permettre de créer, à court terme, un maximum de trafic vers notre site.

Côté marketing, vous prenez également des risques. Vous n’utilisez pas d’égérie, ni de mannequins pros, mais bien des micro-influenceurs. Expliquez-nous.

Ces tribers - comme nous les appelons - sont des musiciens, des artistes, qui ne sont pas connus du grand public, mais qui vont contribuer à créer une communauté. Cette communauté fait d’ailleurs partie intégrante de notre stratégie de marque. Photographiés avec un appareil jetable, ils favorisent, de par leur aura, le trafic dont je viens de parler. 

Sur votre e-shop, vous comptez proposer des nouveautés toutes les deux semaines environ. Comment est-ce gérable d’un point de vue pratique lorsqu’on est une aussi petite structure ?

Ce système se mettra en place de manière graduelle. Dans un premier temps, nous comptons réaliser quelques réglages sur base du feed-back que nous allons recevoir de nos clients. Mais ce mode de fonctionnement nous semble tout à fait réaliste. D’autant que tous nos fournisseurs sont situés en Italie. Nous ne travaillons qu’avec de petits ateliers capables de nous garantir un réassort rapide d’un bout à l’autre de l’année.