Rencontre avec Ryad Merhy

L’annonce a fait (trop) peu de bruit dans les médias en janvier dernier pourtant, avec Ryad Merhy, la Belgique est devenue pour la première fois championne du monde de boxe WBA des poids lourds-légers, une catégorie reine !

Par Ingrid Van Langhendonck. Photos Laetizia Bazzoni. |

On sait que notre pays est rarement assez fier de ses talents, que nombre de nos plus brillants athlètes doivent combiner leur sport avec des études ou un job… Mais avec ce champion et ce titre, notre pays a pourtant toutes les raisons de s’enorgueillir. Nous avons donc voulu savoir comment vivait un champion de boxe, notre Mohammed Ali à nous… Rendez-vous est pris dans une jolie villa dans la banlieue sud de Bruxelles ; ambiance cottage et grand jardin dans lequel trônent un goal de foot, un filet de practice de golf, un trampoline et un panier de basket, ça bouge… Agé de 28 ans, le boxeur est aussi jeune papa depuis quelques semaines, il nous accueille avec un nourrisson posé sur son (impressionnant) avant-bras tatoué. C’est Amelina, sa fille, qui visiblement n’aime rien autant que faire la sieste dans les bras de son papa. Un bébé du confinement, une grossesse en mode cocon comme beaucoup de femmes en rêveraient… « Ma compagne a déjà deux garçons, et c’est notre petite fille, ma fille, ma grande fierté.» 

Perdre et gagner seul 

Ryad Merhy est un homme souriant, assez discret et d’une simplicité déconcertante. Une personnalité inattendue quand notre seule référence au monde de la boxe s’est forgée sur l’image de Rocky Balboa. « J’ai choisi la boxe parce que je suis très mauvais perdant » explique-t-il en souriant, « Ça paraît fou, mais c’est cela qui m’a motivé à choisir un sport individuel. Quand je pratique un sport collectif, je déteste tellement échouer que je vis assez mal l’idée de perdre à cause de quelqu’un d’autre. Quand je boxe, si je perds, je ne m’en prends qu’à moi-même. La boxe n’est pas vraiment comme un art martial, qui est entouré de toute une spiritualité, mais elle vous est enseignée par un coach et c’est souvent lui qui vous transmet sa philosophie, sa vision du combat. Mon premier coach était un ancien policier, un mec strict mais assez cool, qui ne donnait pas de sermons ou de leçons de discipline. Et cela me convenait car je n’avais pas besoin que l’on me discipline, j’ai reçu une éducation un peu militaire. Je tiens cela de ma mère : elle a élevé ses enfants seule, elle nous a donc déjà enseigné la rigueur et l’autonomie… Et heureusement, parce que c’est un sport compliqué si on veut percer car il est peu médiatisé : les sponsors ne vous remarquent pas, les fédérations n’ont pas les moyens qu’on trouve en Angleterre par exemple ; il faut donc mener cela en marge de sa scolarité et s’armer de patience. C’est sûr qu’avec ce titre, cela devrait devenir plus simple dans les mois à venir. » (Il sourit). 

 

La routine d’un champion

Quand on l’interroge sur sa routine, il nous avoue avoir du mal à s’y tenir : « Je ne suis pas le meilleur élève quand on parle de rituel : je ne respecte pas de rythme de sommeil ; je devrais, mais je me couche tard, ce qui n’est pas bon pour un sportif, je le sais. C’est surtout parce que je n’ai pas besoin d’énormément de sommeil : je me sens en forme avec quatre heures de repos et j’ai aussi une journée qui alterne les entraînements, les moments de repos et quelques courtes siestes. Et je connais mon corps : quand il est fatigué, il s’éteint, il se met sur pause et je m’endors facilement. Davantage encore depuis l’arrivée de la petite, je la prends contre moi et je dors avec elle…[…] Je suis deux entraînements par jour, le matin et le second en fin de journée, on les adapte à mon état de forme, on intensifie les entrainements à l’approche d’un combat, en dehors des préparations officielles, on fera plus de cardio, des exercices plus softs, mais des séances plus longues. » 

Mais comment tenir quand on vient de passer un an sans voir un ring ? Avec les salles fermées et les restrictions, les entraînements ont aussi été perturbés, amenant Ryad à aménager une petite salle d’entrainement chez lui : un grand miroir, un sac, un banc… Mais quand on parle de confinement, il ne s’agit pas que de condition physique: « Le plus difficile est de garder une constance et de garder un bon mental car, une fois de retour en compétition, il faut tout de suite être au top. Je prends vite mes marques et je retrouve vite mes sensations, mais c’est un challenge. Pour beaucoup de gens qui travaillent, avec une petite baisse de régime on peut fonctionner, mais sur un ring, ça ne pardonne pas… »  

 

À table

Et comment faire pour garder le cap ? Une alimentation chronométrée ? Toujours pas, nous explique-t-il en souriant… « J’ai une manière de m’alimenter qui désespère les nutritionnistes qui ont essayé de se pencher sur mon cas. Je suis assez particulier pour cela car mon corps me dit quand il a besoin d’énergie et en journée, je n’ai presque pas faim, je me force à avaler un petit lunch à midi, mais je n’ai pas d’appétit avant le soir, et le soir je fais un gros repas, je sais : ce n’est pas bien ! (il rit) Quand je dois perdre du poids avant une compétition, je peux me mettre au régime et adapter mon alimentation, même si, avec l’âge, je sens bien que c’est moins facile de contrôler mon poids. Mais j’aime manger ! J’aime la cuisine asiatique, et j’adore les sushis. Avec ma compagne, on aime découvrir de nouvelles saveurs. On aime par exemple les bowls, qui allient le goût, le côté healthy et c’est un plat vite prêt : on nous croisera souvent chez Poké House.»

Mais il avoue aussi aimer cuisiner : « Je ne cuisine pas pour moi, car quand je suis seul je mange très peu, mais j’adore cuisiner pour mes amis ou ma famille. J’ai appris à faire une recette rapide avec les restes du placard depuis que j’ai dix ans. Voilà un autre enseignement que je tiens de ma mère : dans les grandes familles, tout le monde met la main à la pâte et on apprend à se débrouiller même petit, à être plus créatif. Je suis spécialiste des plats rapides, pour moi une bonne cuisine ne doit pas prendre plus de 20 minutes, avec peu d’ingrédients. Je suis imbattable sur les pâtes, j’ai plusieurs recettes de pâtes que je prépare pour mes proches et dont je suis assez fier. »

Comment déconnecter

En dehors de cette vie rythmée par les entraînements, comment Ryad Merhy fait-il pour se ressourcer ou déconnecter de sa discipline : « Je me suis découvert une passion pour le bricolage durant le confinement, je venais de m’installer ici, et j’ai fait plein de trucs dans la maison. Je suis devenu un client assidu des magasins de bricolage depuis cette année. On a changé quatre fois la disposition du living, on bouge tout en permanence. Je voudrais encore changer la couleur des murs… En fait, j’aime bricoler, c’est un peu comme la boxe : quand il n’y a personne pour me déranger, je suis parti ; je suis dans mon truc et je ne vois pas le temps passer. Il y a aussi quelque chose de lié à la concentration quand on bricole. J’adore aussi la déco et l’architecture, je passe mon temps à explorer les tendances et faire des captures d’écran sur Instagram en prévision de la maison que je n’ai pas encore les moyens de me faire construire. De belles maisons, des intérieurs, des associations de style, ça fait rêver… A côté de cela, je lis peu. La lecture a toujours eu un effet soporifique sur moi, par contre je peux passer des heures sur Netflix, je suis sur All American, une série sur le football américain qui me captive. Je ne suis pas du tout attiré par les jeux vidéo, mais j’adore regarder toutes les nouvelles séries. On se donne deux ou trois épisodes pour voir si on accroche ou si on abandonne, un peu comme tout le monde, je pense. Parfois, j’ai le sentiment que ça nous mange un peu le cerveau, avec ces séries qui nous accompagnent partout, même sur notre portable, c’est addictif. Je tiens à éduquer les enfants par rapport à tout cela, j’ai installé un programme pour pouvoir contrôler leur temps d’écran car j’ai constaté que quand on laisse nos enfants passer plus de deux heures sur un écran, ils en perdent la notion du temps, ils deviennent des zombies, c’est effrayant. » 

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