Sanzaru, le resto bruxellois qui met à l’honneur la cuisine nikkei

À Woluwe, le Sanzaru mêle cuisine japonaise et péruvienne pour des assiettes belles comme des tableaux du Douanier Rousseau, mais pas chichiteuses pour un sou.

Texte et photos Carlo de Pascale et Florence Hainaut. |

Suite à un accord entre les deux pays en 1897, des milliers de paysans japonais émigrent au Pérou. On leur doit un ancien président corrompu (Fujimori, ça ne vient clairement pas à la base de la Cordillère des Andes) et une gastronomie affolante et méconnue : la cuisine nikkei, fusion avant la lettre, mêlant culture japonaise, notamment celle du poisson cru, et l’infinie variété des végétaux péruviens. Cette cuisine a depuis, essaimé autour du monde, mais la Belgique ne l’a découverte que l’an dernier, lorsqu’elle a daigné poser ses célestes fesses au Sanzaru. Un endroit un peu inattendu, d’ailleurs.

Ce restaurant est installé dans une villa des années 30, en plein cœur d’un Woluwe-Saint-Pierre balafré de tours d’immeubles improbables comme la bruxellisation en a produit. Certains se souviennent peut-être du YùMe, une brasserie fusion qui avait connu des hauts et des bas. L’endroit a été entièrement redécoré et a gagné en chaleur. Les murs sont ornés d’immenses fresques colorées tout en évitant l’écueil “atelier créatif de la classe de 2e B de Mme Caroline.” Le public du lunch, plutôt bureau tendance bon chic bon genre, semblait bien moins guindé dans le décor. Une gommette verte, donc.

La carte

Ça faisait trois jours que je fantasmais sur le cocktail “Gin, wasabi, coriandre & yuzu”, mais quelle ne fut pas ma déconvenue lorsque j’ai compris qu’il n’était servi que le soir. Mes larmes de déception se sont donc écrasées sur des chips de riz, guacamole au gingembre et coupette de saké pétillant à la fleur de samba, l’apéro maison. Frais et étonnant. Ne me demandez pas ce qu’est la fleur de samba. Ni l’oca. Idem pour le kinako. J’ai rarement croisé une carte avec autant d’ingrédients totalement inconnus. Même Carlo a parfois donné sa langue au chat. Heureusement, un service très souriant et parfaitement détendu est là pour traduire, sans jamais vous faire sentir ignare.

On opte pour le lunch entrée / plat à 25 € qu’on complète avec deux mises en bouches : des tacos (version tout mini) de bœuf en tataki mariné au whisky et poutargue (9 €) et des crevettes sauvages amaebi (10 €) guacamole au wasabi et kasha (c’est du sarrasin grillé, ne cherchez pas sur Google). Oufti, quel petit festival de frissons. Ça ne ressemble à rien de connu, mais sans que ça soit trop déstabilisant pour autant. En entrée, tataki de truite saumonée au soja et wasabi, guacamole aux œufs de hareng, racine d’oca et capucine tubéreuse, sauce de tamarillo (le cousin germain de la tomate). En plat, cabillaud, purée de patates douces et soja grillé, purée de carottes fumées aux amandes, espuma vanille coco. Outre le fait que les assiettes sont belles comme des tableaux du Douanier Rousseau, c’est particulièrement bon et pas chichiteux. Tout a une raison d’être là et il n’y a aucune trace de “freinage” (copyright Carlo) qui ne s’étale que pour faire tapisserie.

À boire ? On opte pour l’accord saké, une formule qui tient du génie : 2,50 € le petit verre, sélectionné en fonction des plats commandés. Et évidemment, sans femme nue dans le fond, le vrai saké n’ayant rien à voir avec le déboucheur de canalisations de mauvais restaurants chinois des années 90. Un Soma no tengu sec pour commencer, un mutemuka enveloppant pour continuer, et un saké au yuzu avec le dessert. Parfait avec la crème au yuzu et crumble de cacao.

L’addition

Malgré une carte a priori obscure, la cuisine du Sanzaru est parfaitement abordable, même pour des palais qui trouvent que la prise de risque, c’est bien dans Top Chef uniquement. Tout est délicat, les assiettes s’explorent comme des continents inconnus et on sort de table pétillant et léger. On a payé 125 € parce qu’on a voulu tout goûter, mais si on s’était limité au lunch et à l’accord saké, on pouvait diviser la note en deux. On y retourne ? Rien que pour goûter le cocktail gin, wasabi, coriandre & yuzu : oui. 

Sanzaru, 292 avenue de Tervueren, 1150 Woluwe-Saint-Pierre, T. 02 773 00 80. www.sanzaru.be. Ouvert midi et soir, du mardi au samedi